Par Hélène Landré
« Cette chanson sera ce que nous chanterons quand nous reconstruirons le monde ». Sorti le 31 mars dernier alors qu’éclatait la crise du coronavirus partout dans le monde, le clip de “What We Drew 우리가 그려왔던” de la DJ, productrice et chanteuse Yaeji a donné lieu à une avalanche de bonnes vibes dans la section commentaires de YouTube. Il faut dire que la vidéo en question est un concentré de positivité. On y voit la jeune DJ américaine se promener en Corée du Sud – dont ses parents sont originaires – en compagnie de sa bande de copines et de sa famille. On la voit ensuite déterrer un oignon qu’elle se met à cajoler nuits et jours, à tel point que celui-ci finit par devenir gigantesque en taille.
En repensant aujourd’hui au tournage de ce clip improbable, Yaeji ne peut s’empêcher de sourire : « C’est une idée qu’ont eu mes copines. En Corée du Sud, dans les cours de sciences que l’on a dans toutes les écoles, il y a cette expérience qui consiste à planter deux oignons différents dans deux récipients différents. Ensuite, tous les jours, il faut dire à l’un des deux oignons qu’on l’aime tout en délaissant totalement l’autre. On se rend compte très vite que le premier oignon grandit très vite alors que celui qui est laissé à l’abandon finit par mourir. » Et comme Yaeji a visiblement de l’amour à revendre pour tout le monde, on peut être sûr que sa mixtape intitulée What We Drew 우리가그려왔던 et sortie il y a à peine un mois va faire grossir les coeurs en cette période un peu morose.
Tout pour le crew
C’est à la fin 2017 que le monde a entendu parler pour la première fois de Yaeji, de son vrai nom Kathy Lee. À l’époque, la jeune productrice d’à peine 25 ans sort coup sur coup deux titres imparables – “Drink I’m Sippin On” et “Raingurl” – mêlant la house et le hip-hop, l’anglais et le coréen. Elle organise aussi à New York des soirées DIY baptisées Curry in No Hurry dans lesquelles elle cuisine pour tout le monde de délicieux bols de curry japonais avant de passer avec talent derrière les platines. Une simplicité et un sens de la convivialité qui lui attire rapidement la sympathie d’un peu tout le monde.
En moins de deux, Yaeji se retrouve en couverture du prestigieux magazine Fader, dans le classement Forbes des personnalités 30 under 30 qui feront la musique de demain ou dans la sélection musique de l’année de la BBC. Mais pour Yaeji, qui admet volontier avoir un tempérament plutôt introverti, les choses vont presque trop vite. « Cette période était à la fois excitante et très effrayante. Du jour au lendemain, alors que je ne savais même pas encore si je voulais faire de la musique à plein temps, je me suis retrouvée à devoir prendre plein de décisions importantes, à faire plusieurs interviews par jour et à tourner partout dans le monde. C’était parfois un peu difficile de réussir à garder le contrôle sur tout ce qui se passait. C’est pour ça que j’ai décidé après ça de travailler dans mon coin, avec des amis que je considère comme ma famille, sans trop chercher à faire des hits ou ce genre de choses », recontextualise Yaeji.
C’est cette envie de revenir aux sources de sa musique – quand celle-ci servait avant tout à faire la fête entre amis – qui a poussé Yaeji à réunir sur son dernier projet What We Drew 우리가그려왔던des artistes moins connus mais plus proches d’elle. Comme sur les mixtapes des grandes heures du rap du milieu des années 2000, le principe est simple : donner de la force aux siens et mettre en lumière les membres de son crew d’amis, répartis entre les États-Unis, la Corée du Sud et même le Japon où Yaeji a étudié.
On découvre donc ici des artistes comme Nappy Nina, YonYon, Shy One et beaucoup d’autres qui donnent à What We Drew 우리가그려왔던 les airs d’une grande soirée entre potes. Mais Yaeji doit bien reconnaitre que la crise sanitaire l’a obligée à revoir certains de ses plans : « L’idée était que nous puissions tourner tous ensemble avec ce projet. Ce n’est évidemment plus possible maintenant que tout le monde doit rester chez soi. Mais au final, le message et le sens de ce projet n’ont pas vraiment changé. Le but était de souligner l’importance de l’amitié et de la communauté, la manière dont tout ça nous aide à avoir confiance en nous. Je pense qu’en cette période où nous sommes éloignés les uns des autres, nous réalisons d’autant plus la valeur de tout ça. »
Au final, What We Drew 우리가그려왔던 est un projet qui confirme que Yaeji est sans doute l’une des artistes les plus humbles et prometteuses de sa génération. Et si elle continue comme ça, son succès pourrait bien finir par dépasser en taille ses oignons adorés.