Par Noëmie Vermoesen
« Alors que la culture autour des musiques électroniques est, à certains endroits du moins, parvenue à conserver son esprit bohème, elle est partout ailleurs dans le monde devenue simultanément une forme de divertissement toujours plus standardisé. Son économie nocturne soutient d’innombrables DJ’s, producteurs et promoteurs, permettant à des personnes remarquables et talentueuses de vivre de la musique qu’ils aiment, et dans le même temps, elle constitue aussi le fondement pour un marché global dans lequel des sociétés de divertissement, des entreprises de télécommunication, des marques de vêtement ou de boisson se disputent prime et influence. » Cette ébauche de conclusion apparaît dans les dernières pages de Rave On, le récent livre du journaliste anglais Matthew Collin. L’ouvrage parcourt la planète électronique en passant par une dizaine de destinations.
Comme la citation le résume, ce sont notamment les tensions entre mainstream et underground qui intéressent l’auteur. La thèse n’est pas explicite au départ et la lecture de l’ouvrage se déploie plutôt comme un infatigable voyage nocturne multipliant les rencontres clés et dont le récit est tantôt vif et imagé, tantôt savamment documenté. Les premiers chapitres s’attellent à des réactualisations de réflexions déjà multiples que d’autres auteurs ont publiées au sujet de Detroit, Berlin et Ibiza. Il s’agissait cette fois pour l’auteur d’examiner l’héritage que nous ont légué ces incontournables villes et notamment des idéaux sur lesquels leur réputation musicale s’est construite. Pour ceux qui ont parcouru la littérature abondante qu’ont suscitée ces villes, ils navigueront ici en territoire familier avec toutefois quelques rafraîchissements bienvenus.
Mais le véritable intérêt du livre est d’appliquer ce même regard à d’autres spots de cette culture globale. Prochain arrêt : Las Vegas, où EDM, Skrillex et Steve Aoki sont abordés avec un mélange d’humour et de cynisme, mais sans aucune condescendance. Le chapitre sur l’Afrique du Sud est particulièrement touchant, comme le tout dernier qui explore la tradition queer des fêtes new-yorkaises. Celui sur la France est intéressant justement, car il est écrit d’un point de vue étranger. L’auteur relate une anecdote, quand il a assisté à la distribution gratuite de bouteilles d’eau aux teufeurs par les autorités : « un geste louable que je n’aurais jamais pu imaginer dans une rave en Grande-Bretagne. » Un interlude à Kazantip nous promène sur les rives de la Mer noire, tandis que trois chapitres explorent avec brio des scènes moins connues et pourtant désormais incontournables en Israël, à Shanghai et Dubaï.
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Malgré son épaisseur, Rave On est particulièrement agréable à lire pour peu que l’on maîtrise un minimum l’anglais. Les brèves descriptions de fêtes et nombreuses anecdotes relatées avec un humour d’une élégance typiquement anglaise tiennent brillamment en haleine. Et si sa rigueur académique n’est pas irréprochable, la légèreté de ton de Matthew Collin et l’absence de thèse surplombante de son ouvrage en font une balade aussi intéressante que divertissante.
Rave On : Global Adventures in Electronic Dance Music, par Matthew Collin (Serpent’s Tail, 385 pages, en anglais), 17€.