Emmanuel Négrier, chercheur au CEPEL-CNRS Université de Montpellier, et son confrère Aurélien Djakouane du Sophiapol Université de Nanterre, viennent de réaliser une étude sur le manque à gagner résultant de l’annulation des festivals culturels durant la période d’avril à août 2020 en France. En cumulant les dépenses directes, indirectes et induites, ils établissent une fourchette de 2,3 milliards à 5,8 milliards d’euros non injectés dans l’économie du pays pour un total de 4 000 événements annulés.
Pour parvenir à ces résultats, les deux spécialistes se sont basés sur un échantillon de 129 festivals de musiques de divers types, pour extrapoler les chiffres sur les 2 640 festivals musicaux de la période donnée, avant de les élargi aux 4 000 événements culturels (théâtre, danse, etc.), pour un total de 26,4 millions d’entrées. « L’ordre de grandeur nous a vraiment impressionnés. En tant que chercheurs, nous ne sommes pas là pour pointer l’accident industriel, mais au contraire être attentifs à réaliser une peinture réaliste, en tenant compte de l’extrême diversité des festivals », explique Emmanuel Négrier aux Échos.
Moyenne et médiane
Pour calculer le coût total de l’annulation de ces événements, les chercheurs ont utilisé trois indicateurs. En premier lieu, la « retombée économique négative directe », soit l’absence des dépenses artistiques, commerciales, techniques du festival, moins les subventions. Puis la « retombée économique négative indirecte », soit l’absence des dépenses des festivaliers en déplacement, hébergement, nourriture, boisson, achat de places. Enfin, l’absence des retombées économiques sur l’hôtellerie, la restauration, le tourisme.
« Un festival a un budget d’un million d’euros pour payer les cachets, salaires, prestations techniques, communication… Les publics dépensent également 1million d’euros en venant. Ces deux millions sont injectés dans l’économie locale – restauration, bar, techniciens… – et non locale tels les cachets, les transports… Ces 2 millions permettent d’embaucher des serveurs, de conforter des tourneurs, de faire travailler des webmestres, etc, qui à leur tour vont dépenser et faire tourner l’économie. L’effet multiplicateur est généralement estimé à 1,5 », précise Emmanuel Négrier
À noter que la fourchette allant de 2,3 milliards à 5,8 milliards d’euros de manque à gagner prend en compte « la distinction entre la moyenne et la médiane », précise Emmanuel Négrier. « Car les dépenses sont très disparates entre les petits et les gros événements : en particulier, les 100 plus importants festivals de musiques actuelles avaient tendance à faire monter beaucoup la moyenne », souligne-t-il.