Si l’histoire du hip-hop ne se lasse point d’être contée, à grand renfort de beaux livres, de recueils d’images, d’autobiographies, de BD ou de séries télé, restait un pan essentiel qui n’avait jusqu’ici été exploré : la culture du sampling. Des sites dédiés, comme l’incontournable Whosampled, se proposent bien de cataloguer les innombrables ramifications que cette technique de production a engendrées. Mais aucune publication sérieuse ne s’était proposé d’en raconter les histoires, souvent délicieuses, qui se tapissent dans l’ombre de certains de ses plus célèbres emprunts. Le livre Sample ! Aux origines du son hip-hop, tout juste paru chez les éditions Le Mot et le reste et écrit par Brice Miclet, journaliste spécialiste de la musique pour diverses publications, dont Trax, répare enfin cet impair. En brisant quelques idées reçues au passage.
Le pionnier Afrika Bambaataa reprenant, sur le séminal Planet Rock, un sample du Trans-Europe Express des Kraftwerk ? Que nenni. Et ce, même si le New-Yorkais a ensuite perdu son procès (et beaucoup d’argent) face aux robots de Düsseldorf. En remontant le fil de l’histoire – « c’était un gros boulot de recherches pour ce morceau » –, Brice Miclet pointe un usage méconnu et pourtant répandu du hip-hop – par commodité ou pour s’éviter des ennuis judiciaires : celle de rejouer, avec les mêmes machines (ici le Fairlight CMI) ou les mêmes instruments, en studio, les passages désirés par le producteur hip-hop. Ce qu’il appelle le replay. Ainsi, et contrairement aux idées reçues, Dr. Dre n’a en fait jamais samplé Woman to Woman de Joe Cocker pour le mythique California Love de Tupac : « Dre a fait rejouer les pianos et les cuivres de l’original », explique l’auteur.
Mais au-delà des anecdotes, souvent croustillantes, relevées au long des 100 chapitres du livre, et du détail de l’usage inventif, par le hip-hop, des machines – le célèbre grain « sale» du son du Wu-Tang Clan vient en fait d’une contrainte technique –, Sample ! est avant tout une plongée dans le vaste spectre des musiques de la seconde moitié du XXe siècle. Chaque échantillon est inscrit dans son contexte de production ou d’emprunt, et l’on recroise avec plaisir les figures essentielles ou méconnues des musiques contemporaines, parfois très éloignées du hip-hop, mais que les producteurs du genre n’ont cessé de convoquer. Avec force de références, on se passionne ainsi pour la reprise du célèbre sample de batterie Amen Break du groupe The Winstons (1969) par N.W.A, la base de la jungle/drum’n’bass. On s’amuse en découvrant que la moitié des Daft Punk, Thomas Bangalter, a vu son Extra Dry (Roulé, 1998) samplé par Jay Dilla et Slum Village – pour le morceau Raise It Up. Et on lit avec attention l’histoire des emprunts des fondateurs de Ninja Tune, Coldcut, de l’icône du grime Dizzee Rascal ou des prouesses électroniques de Timbaland pour Missy Elliott.
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Principalement focalisé sur les productions américaines – « ce livre met en avant des innovations, des histoires, et des techniques inédites du sampling ; et les Américains ont inventé beaucoup de choses » – certains architectes français du son, deuxième terre du rap, sont toutefois présents. À commencer par Philippe Zdar, moitié de Cassius, pour son travail sur l’instru Qui sème le vent récolte le tempo de MC Solaar, ou de l’inévitable DJ Mehdi, qui a tant contribué au succès du 113 – ici pour Tontons du Bled. Publié mi-janvier, extrait de la profusion des livres sur la musique parus avant la période des fêtes, Sample ! peut tabler sur un bel écho médiatique, et, de fait, une meilleure exposition pour les lecteurs. C’est tout le mal que l’on souhaite à cet ouvrage déjà essentiel pour tout amateur de hip-hop, et plus loin, de musique en général.
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Sample ! Aux origines du son hip-hop, par Brice Miclet (Le mot et le reste, 256 pages. Paru le 18 janvier 2018. 20€.