Il y avait toutefois des signes avant-coureurs. Dans un édito en juillet dernier, Josh Bennett considérait que l’EDM, le style qu’il porte depuis six ans avec LessThan3, était dans une ornière “depuis 12-24 mois”. Il a donc pris du recul après six éditions du Electric Daisy Carnival, le festival EDM de Las Vegas, et cinq passages à l’Ultra Music, le raout annuel de Miami.
Depuis son premier event, l’Electric Zoo en 2009, qui l’a conduit à monter son blog, il explique qu’il était “dans une quête permanente de cette première fois”, “ce moment où les tweets, les clics, les pages vues et les communiqués de presse ne me trottaient pas dans la tête tout au long de l’expérience, un moment où seuls comptaient la musique et les copains, et rien d’autre”.
A lire aussi
La première nuit du Berghain
C’est au Berghain qu’il a enfin retrouvé ce moment. “Il était temps pour moi de vivre l’expérience techno dans son cadre naturel.”
Après avoir passé Sven Marquardt, Josh entre dans le club un dimanche soir vers 21 heures. Il trouve Jamie xx au Panorama Bar et surtout Len Faki qui finit son set de 4 heures en bas.
“J’ai immédiatement été happé dans la musique la plus brute et la plus industrielle que j’aie entendue de ma vie. Étant un fan de la première heure d’artistes de hard trance comme Scot Project et W&W, c’était comme si je rampais dans les renfoncements les plus sombres et les plus viscéraux de ces sons, comme si j’entendais la soupe primordiale qui les a engendrés.” Et d’ajouter, comme s’il découvrait un paradis perdu : “Il était impossible de discerner le début ou la fin d’un morceau. Ça fait partie de ce voyage auquel les vétérans font référence quand ils parlent d’un ‘vrai DJ set’.”
Comme tant d’autres avant lui, Josh vit alors ce moment mystique du Berghain : “Je ne faisais plus qu’un avec la musique et la foule autour de moi.” Pendant douze heures dans le club, le journaliste a le temps de réfléchir, notamment sur sa condition de promoteur de l’EDM et de ses valeurs. Il commence à comparer cette expérience avec les events EDM aux USA. “Les kékés qui ne savent pas faire la différence entre Afrojack et Adam Beyer, les bimbos qui attendent une bouteille à leur table ont tous disparu, comme les DJs qui n’ont plus rien à foutre de leur art.”
“Après avoir émergé du Berghain, j’étais prêt pour une nouvelle mission”
Josh Bennett se lance alors dans une diatribe sur les artistes de sa scène. “Au fur et à mesure, en constatant que les fans d’EDM étaient naïfs et ignorant la réalité de la culture DJ, les plus gros noms ont compris qu’ils pouvaient bâcler leur boulot et trouver quelqu’un pour produire leur tracks. Vu que rien n’est joué live, qui allait le remarquer ? Ils se sont alors réduits à un jukebox ambulant, jouant les mêmes titres à chaque soirée. […] Aucune prise de risque, très peu de nouvelle musique.”
Plus grave, pour lui, “ces DJs savent exactement ce qu’ils font. Mais ils choisissent de faire l’aveugle. Ils choisissent de ne pas éduquer les gens et ne pas faire avancer la scène. Au lieu de ça, ils prennent le chemin le plus facile, détruisant un art que les vétérans de la scène ont mis des décennies à faire grandir. […] Ces DJ’s ont une responsabilité, et ils l’ont rejetée pour l’efficacité et l’argent facile”.
Là-dessus, le boss de LessThan3 a une révélation et estime qu’il doit changer de paradigme “sur son métier de rédacteur en chef et la façon de supporter le développement de la dance music”.
“Pendant des années avec LessThan3, j’ai parfois dû prendre la décision de donner plus d’importance à des artistes de merde simplement à cause de la taille de leur fanbase et les supports promo qui m’étaient promis. Toutefois, après avoir émergé du Berghain, j’étais prêt pour une nouvelle mission pour soutenir sans compromis l’authenticité et dénoncer sans être intimidé la musique de merde et les plans marketing d’agences de promo merdiques qui n’y connaissent rien.”
“Tout ce qui m’importe désormais, c’est la bonne musique et l’authenticité.” Le Berghain est magique.