Fête la nuit, gueule de bois le jour. Dans Kvadrat, un film du Franco-Russe Anatoly Ivanov sorti en 2013, la vie de DJ ressemblerait à celle d’un Janus, où les sourires et la griserie de la veille s’effacent chaque matin pour laisser place à la morosité des transports. Armé d’une caméra d’épaule et doté d’un budget minuscule (100 000 € pour 1h40 de film), le jeune réalisateur a tenu à mettre en lumière la part d’ombre derrière une carrière internationale de DJ, en l’occurrence ici celle de son compatriote Andrey Pushkarev.
Dans une précédente interview sur Trax en février dernier, le DJ déclarait : “Quand on m’a proposé d’être le personnage principal de ce documentaire, je n’avais pas idée du travail que cela représentait. Après des mois de tournage, à être filmé dans plusieurs pays, je me suis rendu compte que j’aimais ça. C’était comme un rêve d’enfant qui se réalisait. J’ai également pu en apprendre un peu plus sur les angles de vue et les différentes manières de tourner un film. Finalement, les voyages ainsi que les acquis de l’expérience en elle-même, c’est ça qui m’a le plus plu.”
Si ce road-movie se définit comme un documentaire, il bouscule les codes du genre. En effet, aucune interview, ni voix-off, ni chiffres n’interviennent dans le film. Long plans en club et séquences dans les transports se succèdent, avec pour unique but de montrer la face cachée de la vie de DJ : terminaux d’aéroports, quais de gare, plages arrières de taxi et chambres d’hôtels sont autant de moments de solitude qui ponctuent l’œuvre d’Anatoly Ivanov.
Le film brosse le portrait d’un mélomane solitaire et fatigué, profitant de chaque opportunité pour piquer un roupillon et rêvant de pouvoir lancer en Russie des fêtes diurnes, “pour se calquer sur le rythme normal” des êtres humains.
“Et pourquoi pas se lever et directement aller faire la fête ?”, demande Andrey Pushkarev au détour d’une discussion avec deux amis, un soir à Moscou. “Tu te lèves, tu prends le petit-déjeuner, tu te brosses les dents. Frais, énergique, et de bonne humeur. Tu sors, tu écoutes de la musique, tu te sociabilises, tu danses… Et le soir, tu manges et tu vas te coucher. Je pense que c’est le futur, vraiment”.
“J’aime voir la tête des gens, et ce n’est pas possible quand il fait sombre. Tu comprends mieux ce qu’il se passe de jour. Faire la fête la nuit, c’est cool une fois, deux fois… mais année après année ? Désolé, mais les cicatrices restent”, raconte-t-il encore, avant de citer l’exemple français : “À Paris, on en parle beaucoup, les fêtes de jour sont devenues vachement populaires, surtout le dimanche…”
Très peu de dialogues rythment le film, ce qui déroute à première vue, mais une bande originale techno minimaliste, dub et progressive, sélectionnée par Andrey Pushkarev himself, permet au spectateur une immersion complète dans le film et de ressentir une certaine empathie avec le DJ russe. Elle est à retrouver sur Wikipédia ou sur le site du film.
“C’est le bronx dans le sac de vinyles de Villalobos. Ma collection est parfaitement ordonnée, elle.”
À ce propos, il déclarait sur Trax : “La sélection des morceaux pour le film a été un véritable défi. Ça m’a demandé une grande attention aux détails visuels du film et une bonne connaissance technique du côté de la production et de la synchronisation. Sans compter toutes les autorisations au niveau des droits auprès de certains producteurs. C’était d’autant plus difficile que derrière la partie post-production du film, nous n’étions que deux.”
Bonus : le podcast TRAX.173 signé Andrey Pushkarev