En Belgique, on écoute de la musique mécanisée depuis l’après-guerre. Un orgue mécanique, des mètres de cartons troués, un carton-jockey et des litres de bière : les images d’archive récoltées par Jozef Deville nous plongent directement dans les dancings des années 1950 les plus kitsch du plat pays. Il nous y raconte ensuite l’apparition des disques dans ce pays dont le monde de la nuit va tourner autour du Groove et du Popcorn, deux discothèques mythiques situées au bord de l’autoroute qui faisaient partie des rares à jouer de la musique américaine. Les fous de soul, jazz, ska ou rhythm and blues s’y rendaient pour boire des mélanges Heineken-Captagon (un médicament excitant) dans les années 1970. Les DJs n’hésitaient pas à jouer les morceaux ralentis ou accélérés, notamment des classiques comme “Comin’ Home Baby” ou “I’d Think it over“. Puis les danseurs arpentaient les nombreux disquaires du pays, à la recherche des perles rares venues des USA. Un public de chineurs habitués à la musique mécanique ou modifiée, des importations massives de disques, un monde de la nuit dynamique : les conditions sont réunies pour voir se développer une musique alternative et underground.
Arrivent les années 1970, et les premiers séquenceurs et synthétiseurs. Très commercial, le disco est rapidement côtoyé par la new wave, la cold wave et l’électro wave – noirs et électroniques. Des précurseurs comme Front 242 vont alors reprendre ces styles en les mélangeant à la violence du mouvement punk, avec des séquenceurs secs, durs et répétitifs. Les bases sont posées et de nombreux DJs comme Fat Ronny se mettent à mélanger de la cold wave avec de la musique de film ou de la musique commerciale, et en diffusent le résultat au ralenti, pour amplifier les basses. Le New Beat est né. En 1987, A Split Second publie Flesh, considéré comme le premier disque du genre. Une émission hebdomadaire lui sera consacrée sur Radio SIS : Liaisons Dangereuses. Son slogan, “Fun is the Game, New Beat is the Name”, popularisera l’appellation.
La commercialisation débute et des producteurs se lancent, chez eux, sur leurs ordinateurs, avant d’aller mixer leurs morceaux en studio. C’est alors l’âge d’or du Boccaccio Club. La boîte, située en pleine campagne, pourrait être comparée à l’Haçienda, au Paradise Garage ou au Berghain dans le monde du new beat. Cette messe de la musique électronique comptait régulièrement trois heures de queue devant ses portes les dimanches, dès 8h du matin. Tout comme sa musique, l’atmosphère y est lancinante, inquiétante et grandiose. Historiquement, c’est le lieu le plus important du mouvement, qui fermera ses portes en 1993. Les nombreuses images de l’époque, dénichées par le réalisateur, montrent un club au sol de verre, aux jeux de lumière éblouissants et aux danseurs frénétiques, dont les mouvements et les vêtements en disent long sur l’évolution de la musique électronique. Un balet extravagant de smileys, de crucifix et de cheveux colorés où les différences sociales s’effacent. Des précurseurs, qui danseront bientôt sur la house anglaise et américaine, avant la déferlante techno.
Vous pouvez retrouver le documentaire The Sound of Belgium, sorti en 2013, sur le site de Boiler Room.