Un docu gratuit part à la rencontre de la légende de la samba brésilienne, Martinho da Vila

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©DR
Le 03.01.2022, à 12h18
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Via sa plateforme TV5MONDE Plus, la chaîne propose une sélection de films, séries, documentaires ou programmes jeunesses à consulter en ligne gratuitement. Parmi eux, le documentaire O Samba se part au Brésil, à la rencontre d’une sommité de cette danse multi-culturelle : Martinho da Vila.

Par Axel Cadieux

Ce n’est pas le quartier le plus pauvre de Rio de Janeiro. Pas le plus riche non plus. Vila Isabel vivote dans une sorte d’entredeux : trop excentré pour attirer les touristes, pas assez dangereux et malfamé pour assurer sa renommée. Le Maracaña, stade de football mythique de la ville, est à deux pas. Mais Vila Isabel ne vit pas au rythme du ballon rond ; le cœur du quartier, c’est la danse. Et plus précisément la samba. Au 382 boulevard du 28 septembre (date à laquelle, en 1871, une loi a initié l’abolition de l’esclavage au Brésil) trône un bâtiment rectangulaire et imposant, peint en bleu et blanc : voici la GRES Unidos de Vila Isabel, l’école de samba du quartier. L’immense fierté locale, celle qui fait rayonner ces quelques rues à l’échelle du pays, et même parfois à l’international. En 1988, elle a gagné le fameux défilé des écoles de samba du carnaval de Rio. Le thème ? L’Afrique, sans strass, ni plume ni paillette, avec des tissus importés d’Angola pour célébrer les origines historiques de cette danse. 

L’homme derrière cette idée novatrice s’appelle Martinho da Vila. Aujourd’hui âgé de 83 ans et toujours président d’honneur de la GRES Unidos de Vila Isabel, c’est une sommité, une légende vivante de la samba : dans les années 1970, il est le premier à vendre plus d’un million de disques rien qu’au Brésil. Au printemps prochain, il tournera en Europe avec, notamment, une date à La Cigale, à Paris. En 2013, le cinéaste Georges Gachot s’est envolé pour Rio, dans l’optique de le rencontrer et de saisir l’essence de la samba. Il en a tiré un documentaire, O Samba, primé un peu partout en Europe. « Martinho au Brésil, c’est le chanteur populaire par excellence », précise Gachot. « Vous voyagez avec lui, on vous arrête partout. Mais il reste sans prétention, alors qu’il a posé des jalons partout dans la musique brésilienne. Et puis Martinho a ce charisme fou, qui rendait la chose évidente : le meilleur véhicule pour faire découvrir la samba, c’est lui. »

Son style se situe à la croisée des chemins : ce n’est pas la samba des premières heures, « qui peut être un peu rude et difficile d’accès pour les non-initiés », dixit Georges Gachot. Pour autant, Martinho da Vila porte haut ce que la samba charrie de symboles, de valeurs et de convictions : la liberté, l’émancipation, l’affirmation de soi et de sa différence. La lutte contre l’esclavage, aussi, et puis la résilience face aux tentatives d’éteindre un genre musical qui s’assimile à une philosophie de vie. « Les sambistes, dans les années 20, on leur volait leurs instruments », éclaire Georges Gachot. « Ça a toujours été une musique underground et même interdite, jusqu’à ce qu’elle devienne commerciale. Martinho est un trait d’union idéal entre passé et présent, tradition et modernité : il a même fait venir des musiciens africains lusophones à Rio. Et il a aussi été là-bas. Il a remonté le fil de sa propre histoire. » 

L’un de ses refrains les plus célèbres ? « Ceux qui naissent à Vila n’hésitent pas à à embrasser la samba, celle qui fait danser les arbres de la forêt et aide la lune à se lever. Là-bas, à Vila Isabel, même les plus instruits n’ont pas peur de faire du bruit. À Sao Paulo il y a du café, à Minas du lait, et à Vila Isabel on a la samba. » Une ode à son quartier d’origine, soit l’un de ses thèmes de prédilection, avec l’amour, la pauvreté ou encore la résistance face à toutes formes d’oppressions. C’est que Martinho, en dépit du succès, reste indubitablement lié à Vila Isabel, où l’école de danse joue un rôle capital. « L’année passée, quand le carnaval n’a pas eu lieu, il y a eu une vraie déprime », se souvient Georges Gachot. « La samba y est essentielle pour la cohésion, le vivre ensemble. On se prépare toute l’année, on fait des répétitions tous les vendredis et samedi soirs jusqu’à 4 heures du matin, jusqu’à épuisement… La samba va évidemment au-delà de la danse et de la musique. Quand elle n’est pas là, il manque quelque chose. Et Martinho incarne tout ça. » 

Dans O Samba, Martinho da Vila entonne, a capella, un autre de ses refrains favoris : « Chantez, chantez mes amis, la vie va s’améliorer… Grâce à cette samba, la vie va s’améliorer… » Puis : « Nous allons renaître de nos cendres, replanter notre forêt ». Romantisme et légèreté face au désenchantement du monde ; optimisme et détachement pour contrer la mélancolie. Voilà le programme de Martinho da Vila. « Il est le maître pour chanter la tristesse avec une certaine joie », pose Georges Gachot. « C’est ce que j’aime chez lui, son état d’esprit parfaitement en phase avec la samba. Les percussions sont là pour insuffler de l’énergie, vous emporter par l’humeur, les rythmes, la rébellion. C’est tellement fort que ça aide à ne jamais abandonner. Malgré tout. » Le documentaire de Georges Gachot se clôt sur le plan fixe d’une femme au bord d’un terrain vague, en marge, à l’écart du tumulte du carnaval de Rio. Au loin, les chars défilent. Elle, les yeux fermés, danse seule ; et nul doute que ses mouvements sont rythmés par les mélodies d’un certain Martinho da Vila.

Le documentaire O Samba, ainsi que le reste du catalogue, est à retrouver dès maintenant sur la plateforme TV5MONDE Plus.

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