À l’occasion de cette interview et de la sortie de son nouvel album Mondo Alterado ce 27 mai sur son label Hippie Dance, Rebolledo nous a offert en exclusivité l’avant-première du clip de “Pow Pow”, à voir ci-dessous :
“Mondo Alterado est un album plus personnel que le précédent, c’est un peu la bande originale de mes dernières années, avec ses hauts et ses bas”
J’ai entendu dire que tu vis à Paris maintenant. Tu es arrivé il y a combien de temps ?
Je suis arrivé il y a trois ans et demi, en 2012, un truc comme ça. Je n’avais pas vraiment prévu de vivre ici en fait. J’étais en train de bosser sur des nouveaux morceaux avec Aksel (Superpitcher, ndlr) pour notre projet d’album, et sur l’EP Christine qui est sorti sur Hippie Dance. Avant ça nous étions à Cologne, et il a décidé de venir à Paris.
Ah, il vit à Paris lui aussi ?
Oui, il y est arrivé avant moi. Je suis venu un petit moment à Paris pour travailler avec lui, je ne pensais pas du tout m’y installer à la base. Mais entre-temps, j’ai rencontré ma copine actuelle, donc je suis resté.
Sinon, hormis ces faits là, est-ce que tu cherchais quelque chose de spécial à Paris ? Un truc qui t’as fait te dire “ouais, il faut vraiment que je vive ici !”
Ma copine est vraiment la raison principale de tout ça, mais c’est vrai que la ville est superbe. Puis je connaissais déjà d’autres gens chouettes ici. C’était une belle opportunité de changer d’environnement, de partir de Cologne. J’ai des super souvenirs là bas, mais ici c’est vraiment trop beau, tu peux découvrir des trucs tous les jours.
Tu es resté combien de temps à Cologne ?
Peut-être trois ans. Difficile à dire parce que je faisais beaucoup d’aller-retours avec le Mexique, et au bout d’un moment je me suis aperçu que j’étais plus souvent à Cologne qu’au Mexique.
Ce soir, tu m’as invité dans cet endroit bien cool, et ce n’est pas si souvent qu’un journaliste se fait inviter au resto par les artistes qu’il interviewe. Le mode de vie parisien semble te plaire, non ?
Complètement ! J’ai toujours été un peu épicurien (en français). J’aime juste passer de bons moments, quel que soit le moment d’ailleurs. Puis à Paris, on mange vraiment bien, on boit bien, puis j’y ai des bons amis, des bons spots…
Et question club parisien, est-ce qu’il y a en a que tu apprécies particulièrement ? Que ce soit en tant que client ou en tant que DJ d’ailleurs. J’ai vu que ta release party avait lieu au Rex Club par exemple.
Oui, pour le Rex, c’est cool de pouvoir jouer dans cet endroit mythique. Jennifer Cardini m’a beaucoup aidé à organiser cette soirée. J’étais vraiment content qu’elle soit venue avec cette idée, puis on en est vite venu à parler de Maceo Plex, qui est un de mes bons amis et avec qui j’ai une bonne affinité musicale. Ce line-up est vachement cohérent en fait. Ouais, j’aime bien le Rex, ce qu’il représente. J’y ai déjà joué avec Pachanga Boys, puis c’est vrai que le son est superbe. Sinon, je suis plus bars et restos que clubs maintenant.
Tu sais que la vie nocturne parisienne a beaucoup évolué ces dernières années. Avant on parlait de “sous-Berlin” ou de “sous-Londres”, mais on dit de plus en plus que Paris a sa propre identité. Tu le ressens toi aussi ?
Oui, de mon point de vue, Paris devient de plus en plus intéressant, les gens y sont plus ouverts d’esprit. J’ai vu un réel changement entre mes dates d’il y a 5 ans et les plus récentes. Parfois le week-end, il y a tellement de soirées sympas que si j’étais à votre place, j’aurais du mal à savoir où aller.
Parlons un peu musique maintenant. Tu avais placé la barre assez haute avec ton premier album (Super Vato, sur Cómeme, 2011), c’était presque un défi de le surpasser avec ce second disque. Et tu l’as remporté. Tu as trouvé le juste milieu entre l’ambiance du premier, avec ce côté club sauvage, et certains morceaux qui s’écoutent d’avantage chez soi. Est-ce que ça n’aurait pas un lien avec le fait que tu mènes une vie plus posée maintenant ?
Oui un petit peu. De toute façon, Mondo Alterado est un album plus personnel que le précédent, c’est un peu la bande originale de mes dernières années, avec ses hauts et ses bas. Dans le premier j’avais fais beaucoup de collaborations, mais dans celui-là j’ai quasiment tout fait tout seul.
Mais toi qui justement n’a pas eu de véritable éducation musicale, tu n’as pas été embêté pour jouer certains instruments ?
La plupart du temps, c’est moi qui joue, oui, avec mes possibilités. Je ne suis pas très bon sur ordinateur, pour programmer des trucs, toute la programmation MIDI et compagnie, du style “dessiner” de la musique sur un ordinateur. Ce n’est pas vraiment moi. Presque tout est enregistré à l’ancienne et j’utilise finalement l’ordinateur comme un support pour enregistrer le tout.
“Superpitcher m’a surpris après ma douche et m’a dit : “il faut absolument qu’on fasse un truc avec ton chant !””
Concrètement, sur cet album, tu en es venu à jouer de quels instruments ?
J’ai joué quelques accords de guitares, qui ne sont pas très compliqués il faut le dire (rires). Pour les batteries, j’utilise des boites à rythme, il n’y a pas vraiment de vraies batteries sur l’album, même si souvent j’essaie de faire en sorte que ça sonne comme une vraie. Il y a quand même certains morceaux où c’est une vraie, comme pour “Spacer Rainbow Woman”. En général, j’aime utiliser des vrais sons. C’est marrant parce qu’il y a certaines boites à rythme qui sonnaient ringardes à l’époque, mais qui aujourd’hui donnent une vraie couleur par rapport aux kits de batterie virtuels qui viennent d’un ordinateur.
Ta musique colle à cet esprit, cette façon de composer et d’enregistrer très rock au final. Souvent, on a l’impression que c’est juste un jam et que c’est enregistré tel quel.
Oui, c’est tout à fait ça. Ce n’est souvent même pas parfait. Comme tu l’as dit, j’enregistre souvent de façon sauvage et primitive d’une certaine façon. J’aime beaucoup ce genre d’approche.
Après Super Vato, tu as enregistré un CD mixé, et maintenant voilà un deuxième album. Est-ce qu’il y a une raison particulière au fait que tu alternes entre les deux ? Est-ce que ta prochaine sortie sera forcément un CD mixé ?
Depuis que j’ai découvert les clubs et même un peu avant, j’ai toujours voulu faire un album de mix. La musique que j’écoutais à l’époque se trouvait souvent sur ce genre de support, et je me disais que si j’arrivais à en sortir un, j’aurais plus ou moins réalisé mon rêve. C’était un peu un rêve de gosse en fait. Être DJ est quelque chose qui me reflète très bien, et c’est un domaine dans lequel je me considère comme bon.
Pour ce second album, il y avait longtemps que je n’avais pas fait de musique tout seul, puisque comme tu l’as dit j’ai préparé cet album mixé, j’ai beaucoup travaillé et tourné avec Pachanga Boys… C’était le bon moment pour travailler dessus. Je ne sais pas si ma prochaine sortie sera un album mixé, je ne prépare pas ce genre de choses à l’avance. Mais ce qui est marrant, c’est que beaucoup de morceaux de l’album sont en quelques sortes mixés comme dans un DJ set. Certains d’entre eux partagent les mêmes éléments rythmiques ou mélodiques.
Ton album est très cohérent en fin de compte.
Oui, j’ai voulu cet album vraiment comme un voyage, un peu comme mes DJ sets justement, ou comme une bande son. Les morceaux partagent des éléments, des mélodies, des gimmicks. Même, quand tu regardes la tracklist, elle est un peu faite en miroir. Ca commence comme ça finit avec la partie “Warrior”, puis le deuxième et l’avant dernier morceau se répondent aussi, avec “Discotico Sinetico” et “Discotico Estatico”, qui ont le même genre de mélodie avec une approche différente.
Il y a une influence rock très nette dans tes morceaux. Est-ce que tu as déjà eu l’idée de faire un live ? Je vois bien Matias Aguayo à la batterie et toi au synthés en train de crier “Windsuuuuurf, Sunburn and Dooooooollar“.
Je ne sais pas trop… Quand je tournais avec Matias il y a un moment, on y avait songé. Mais pour être honnête, j’adore les DJ sets, et je me vois comme un DJ. Je crois que j’ai du mal à envisager mes morceaux joués live. Avec Aksel on y avait pensé aussi, à faire une sorte de live show où on aurait joué les morceaux de Pachanga Boys, les siens et les miens. Mais ça ne s’est pas fait finalement. On verra.
“Windsurf, Sunburn and Dollar” est un peu une private joke avec mes potes parce que, sans le nom du track, on aurait jamais compris les vraies paroles. Dans un des morceaux du nouvel album, “Pow Pow”, on y retrouve un peu le même genre de chants, un peu abstraits. Quelles sont les vraies paroles de ce morceau au final ? Qu’on puisse le chanter à fond en club.
(Rires). C’est vrai qu’avec ma façon de chanter cumulée au mixage un peu particulier, on ne comprend pas très bien, mais ça dit : “All that you need to get it on is to turn up the sound and enjoy the pow pow”.
Ah oui en effet ! On reprend du vin rouge ?
Evidemment !
C’est d’ailleurs un peu grâce à cette façon de chanter que vous avez commencé Pachanga Boys avec Superpitcher, non ? Toi chantant des choses abstraites sous la douche ?
(Rires). Oui c’était il y a quelques années quand on vivait plus ou moins ensemble à Cologne. Je croyais être seul dans l’appartement, et je chantais des “youyous” bizarres. Il m’a surpris après ma douche et m’a dit : “il faut absolument qu’on fasse un truc avec ça !”. On avait aucune idée de ce que ça allait devenir, on ne s’est pas directement dit que ce serait les Pachanga Boys, c’était plutôt destiné à être seulement un morceau à lui. Il devait enregistrer des morceaux pour une compilation Kompakt. On a commencé à enregistrer, puis à un moment il fait une pause, a essayé un nouvel instrument, j’ai chanté en espagnol, puis on a continuer à bosser dessus, et c’est devenu “Fiesta Forever”. Tu veux prendre la dernière huitre ?
Parlons de DJing maintenant. On a dit que certains de tes nouveaux morceaux sont un peu moins club qu’avant. Est-ce que tu es un peu fatigué des clubs ?
Non pas du tout, mais quand je mixe j’essaye toujours de trouver un moyen de casser la monotonie. Que ce soit seul ou avec Pachanga, on aime bien faire de longs sets, avoir le temps de faire monter les choses, de faire de longue pause, de surprendre. Il y a des morceaux sans beats dans le nouvel album, comme “A Numb Gas To The Future”, que j’ai joué en club au climax de la soirée, et ça a créé une atmosphère assez incroyable. C’est ce que j’aime dans le job de DJ en fait. Ne t’inquiète pas, j’aime toujours autant mixer, et j’ai toujours aimé jouer des trucs qui sortent de l’esprit club. Peut-être que ça se voit juste un peu plus sur le nouvel album, en effet.
“C’est important d’avoir cette connexion avec les gens. Pour faire un bon DJ set, il faut aussi un bon public, c’est 50-50.”
Ca rejoint un peu ce qu’on disait sur l’évolution de la vie nocturne, sur l’ouverture d’esprit en club. Ca devait être un peu plus difficile de jouer des morceaux sans kicks bizarres il y a quelques années. Aujourd’hui, les gens semblent un peu plus réceptifs à ce genre de trucs.
Ouais, si tu sais où tu veux faire aller la soirée, tu peux très bien le faire en prenant quelques détours, en prenant quelques risques. De toute façon, j’ai toujours joué des morceaux assez cérébraux, mentaux, où il faut se laisser emporter un minimum. Ces nouveaux morceaux, au final, même s’ils ne sont pas faits pour les clubs en général, ils vont parfaitement avec mes sets, avec où je veux emmener la soirée. Il faut trouver le bon moment. Ou le créer plutôt.
J’ai toujours bien aimé la façon que tu as de laisser le public se perdre dans la musique que tu joues. Dans “Pow Pow” par exemple, ce n’est pas facile de compter le tempo en “1, 2, 3, 4”, avec ce break ultra surprenant. C’est facile de se perdre dedans, mais au final on s’en fout. J’aime bien cette vision que tu sembles avoir du DJ, comme celle du commandant de bord d’un avion, qui serait le club. Tu sais où tu veux aller, et comment y aller, et souvent par les chemins risqués.
C’est important d’avoir cette connexion avec les gens. Pour faire un bon DJ set, il faut aussi un bon public, c’est 50-50. Mais il faut lever les yeux pour savoir ce qui pourrait lui plaire. Il faut trouver le bon juste milieu entre faire s’amuser les gens, les faire passer un bon moment, mais le faire d’une façon inattendue, pour leur faire faire un voyage qu’un autre “pilote” ne pourrait pas leur faire faire.
“Quand je mixe j’essaye toujours de trouver un moyen de casser la monotonie”
Je t’ai vu jouer le soir de la finale de la coupe du monde 2014 dans le hall d’un hôtel à Nice (Le Hi Hotel, ndlr). As-tu une affinité particulière avec les petits clubs, avec le fait de jouer devant peu de monde ?
Pour être honnête, j’aime beaucoup les deux, jouer dans des endroits intimistes, et jouer devant une grande foule. Jouer devant beaucoup de monde, c’est vraiment super excitant, il y a beaucoup plus d’adrénaline que quand on va jouer devant cent personnes. C’est vraiment particulier. Puis en plus, comme on en parlait tout à l’heure, si tu t’en sors bien, tu n’es pas obligé de jouer ce que les gens attendent de toi, tu peux aussi passer des morceaux plus “flexibles”.
Par exemple, à Halloween dernier, je jouais à Barcelone pour les Brunchs Electroniques. Il y avait à peu près 5000 personnes, c’était complet. Mais même si c’était énorme, même si j’étais sensé jouer des morceaux dynamiques, j’en suis arrivé au point où j’ai pu jouer un morceau entier sans beat sans perdre mon public.
Au final, les deux ont leur charme, j’aime bien l’intimité des petits clubs, le fait de jouer un peu ce que je veux. D’ailleurs, dans ma ville natale au Mexique, je suis en train d’y construire un tout petit club. On pourra y organiser des trucs vraiment spécifiques, genre 3-4 fois par an, avec des invités particuliers. Il y aura une capacité de moins de 100 personnes je pense.
Artwork de Mondo Alterado
J’ai entendu que tu étais un gros collectionneur de vinyles et certains de tes projets ne sont souvent sortis que sur vinyles. Dis moi que tu n’es pas un de ces DJs qui crachent sur les DJs qui jouent avec des clés USB !
(Rires). Franchement je m’en fous. Le but c’est juste de t’exprimer. Même moi qui collectionne pas mal de disques, je voyage rarement avec. J’en joue toujours parfois, mais c’est souvent assez frustrant quand t’arrives dans un endroit et qu’ils ne savent pas brancher correctement des platines vinyle. Mais je ne critiquerai jamais un DJ juste parce qu’il joue des morceaux à partir de sa clé USB. Je ne suis pas très fan des DJs qui jouent seulement avec un ordinateur par contre, je ne vois pas trop l’intérêt.
“Il y a certains DJs à qui on sait qu’on peut faire confiance même s’ils jouent sur un ordinateur. Mais bon, c’est vrai qu’un mec pas connu qui débarque avec seulement son ordinateur, il ne marque pas forcément des points.”
Après il y a des DJs super bons qui jouent avec un ordinateur, comme Red Axes, et personne ne les critique pour ça. Là par exemple, leur sélection prend le dessus sur la technique. Ils le font très bien. Ivan Smagghe jouait aussi avec un ordi parfois, et il était toujours aussi bon. Il y a certains DJs à qui on sait qu’on peut faire confiance même s’ils jouent sur un ordinateur. Mais bon, c’est vrai qu’un mec pas connu qui débarque avec seulement son ordinateur, il ne marque pas forcément des points.
Je crois que ce qui est le plus dommage avec ce genre de DJs, c’est qu’ils font croire à plein de gens que ce job est super facile, et font passer tous les autres DJs pour des escrocs. C’est assez étrange, aujourd’hui le DJ est à la fois glorifié et à la fois sous-estimé.
Ouais, carrément. On devrait peut-être commander un peu de vin et fromage pour oublier tout ça.
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