Tricky : Comment trip hop et pulsions révolutionnaires ont façonné la carrière de cet enfant des rues

Écrit par Antoine Calvino
Photo de couverture : ©D.R
Le 30.08.2019, à 19h00
08 MIN LI-
RE
©D.R
Écrit par Antoine Calvino
Photo de couverture : ©D.R
En 2014, le pape du trip hop publiait son onzième album solo sous son propre nom, Adrian Thaws. À l’occasion de la sortie de son autobiographie, on est allé retrouver cette interview dans laquelle il parle de son passé tourmenté, de son rapport à la musique et de ses convictions politiques.

Cet article a initialement été publié en septembre 2014, dans le Trax n° 175, disponible sur le store en ligne.

C’est votre onzième album solo mais le premier auquel vous avez donné votre véritable nom. Pour quelle raison ?

C’est une affirmation forte, spécialement après avoir chanté si longtemps sous le nom de Tricky. C’est une façon de dire que malgré toutes ces années vous ne me connaissez toujours pas, vous ne savez toujours pas de quelle musique je suis capable. Moi-même je ne sais pas ce que je vais faire par la suite, je suis un work in progress. Plus encore que faire de la musique, il m’importe de grandir en tant que personne. Parfois tu as besoin de regarder vers le passé pour repartir de l’avant. J’ai eu une vie assez folle, à l’âge de quatorze ans on m’a donné le nom de Tricky (tordu, truqueur, ndlr) mais ce n’était que mon street-name. Là je retourne vers ma naissance. Il faut connaître son passé pour connaître son futur.

Vingt ans après avoir été une grande star avec Massive Attack, vous avez votre propre label, vous sortez votre onzième album solo et vous revenez vivre à Londres après avoir vécu longtemps à l’étranger. Diriez-vous que vous vous posez enfin ?

Je dirais plutôt que je suis plus à l’aise avec moi-même. Mon premier album, avec Massive Attack, m’avait apporté une célébrité soudaine. Aujourd’hui je suis mieux dans ma peau. Je ne suis plus reconnu partout, je peux aller au supermarché, faire des choses simples. Je veux vivre sans cette célébrité. J’ai habité à New York, j’ai traîné dans le Bronx, à Manhattan, dans des endroits où les gens ne me connaissaient pas. Aujourd’hui, je fais de la musique parce que j’aime ça, je me sens plus à l’aise que si j’étais toujours le gars célèbre de Massive Attack. Ils m’ont proposé de refaire des concerts avec eux. Je n’accepterais que pour l’argent, ce serait du business. Aujourd’hui je me fiche de Massive Attack, je me fiche de Maxinquaye (son premier album solo, ndlr). Je ne veux pas vivre dans le passé.

Quand vous regardez votre carrière, de quoi êtes vous le plus fier ?

Je suis fier d’avoir détruit mon succès. Après Massive attack, Maxinquaye a été numéro trois dans les charts anglais. Si j’avais enchaîné avec un album du même genre, je serais devenu une grande star. Mais j’ai préféré commettre un suicide commercial.

Ce n’était pas exactement le sens de ma question… Vous avez toujours essayé d’innover. Lorsque vous faites le bilan de vos vingt ans de carrière, quels sont les albums dont vous êtes le plus fier ?

Blowback était très en avance sur son temps, un peu comme Maxinquaye. C’était une musique vraiment neuve, mais qui n’est pas sortie dans le bon timing. Et je pense que c’est également le cas de ce nouvel album. Même s’il ne marche pas, tout comme Blowback n’a pas marché, il propose quelque chose de neuf.

Vous sortez beaucoup de disques. Est-ce que vous faites de la musique tous les jours ?

Non, parfois je n’écris pas de paroles ou je n’enregistre rien pendant des mois, je n’aime pas me forcer. J’ai reçu un don mais il ne m’appartient pas, il va et vient à sa guise. Je vis une vie normale, je passe du temps avec mes filles et mes amis, je cuisine, j’écoute de la musique, je ne me force pas. Et quand j’enregistre, c’est un processus très rapide. Je ne travaille jamais plus de trois mois sur un disque, ce n’est que de la musique.

J’ai été surpris de découvrir de la house sur ce nouvel album. Quelle est votre histoire avec cette musique ?

J’ai grandi dans le hip hop, mais j’aimais bien la deep house de Nature Boy, Frankie Knuckles, quelques gars de Detroit. Je trouve la house bien plus simple que ma musique, je savais que je pourrais en faire si je le voulais.

Votre musique est très sombre. D’où cela vient-il ?

J’ai eu une jeunesse très difficile dans un environnement très violent, j’ai été en prison. Ma mère s’est suicidée lorsque j’avais quatre ans et le seul souvenir que j’ai d’elle est son corps exposé dans le cercueil ouvert au milieu du salon. Je suppose que ma noirceur vient d’épisodes comme celui-ci.

Mais seriez-vous d’accord avec moi pour dire qu’il y a du plaisir à se plonger dans la noirceur ?

Oui, parfois la noirceur peut vous donner des émotions agréables. Même si ma musique est sombre, elle peut aider les gens. Il y a une unité d’enfants grands brûlés dans un hôpital à Philadelphie où ils jouent ma musique.

Pourquoi avez-vous repris « Gangster Chronicles » de London Possee sur votre album ?

Parce que London Possee est le premier groupe anglais à avoir rappé sans imiter le hip-hop américain, sans singer l’accent américain. Cela m’a beaucoup influencé. Massive Attack a utilisé un sample de London Possee qui est du coup devenu célèbre (la voix féminine en arrière-plan dans Unfinished Sympathy, ndlr) et aujourd’hui les gens pensent que c’est un original mais en fait il est de London Possee. J’ai voulu leur rendre hommage.

C’est votre onzième album solo mais le premier auquel vous avez donné votre véritable nom. Pour quelle raison ?

C’est une affirmation forte, spécialement après avoir chanté si longtemps sous le nom de Tricky. C’est une façon de dire que malgré toutes ces années vous ne me connaissez toujours pas, vous ne savez toujours pas de quelle musique je suis capable. Moi-même je ne sais pas ce que je vais faire par la suite, je suis un work in progress. Plus encore que faire de la musique, il m’importe de grandir en tant que personne. Parfois tu as besoin de regarder vers le passé pour repartir de l’avant. J’ai eu une vie assez folle, à l’âge de quatorze ans on m’a donné le nom de Tricky (tordu, truqueur, ndlr) mais ce n’était que mon street-name. Là je retourne vers ma naissance. Il faut connaître son passé pour connaître son futur.

Vingt ans après avoir été une grande star avec Massive Attack, vous avez votre propre label, vous sortez votre onzième album solo et vous revenez vivre à Londres après avoir vécu longtemps à l’étranger. Diriez-vous que vous vous posez enfin ?

Je dirais plutôt que je suis plus à l’aise avec moi-même. Mon premier album, avec Massive Attack, m’avait apporté une célébrité soudaine. Aujourd’hui je suis mieux dans ma peau. Je ne suis plus reconnu partout, je peux aller au supermarché, faire des choses simples. Je veux vivre sans cette célébrité. J’ai habité à New York, j’ai traîné dans le Bronx, à Manhattan, dans des endroits où les gens ne me connaissaient pas. Aujourd’hui, je fais de la musique parce que j’aime ça, je me sens plus à l’aise que si j’étais toujours le gars célèbre de Massive Attack. Ils m’ont proposé de refaire des concerts avec eux. Je n’accepterais que pour l’argent, ce serait du business. Aujourd’hui je me fiche de Massive Attack, je me fiche de Maxinquaye (son premier album solo, ndlr). Je ne veux pas vivre dans le passé.

Quand vous regardez votre carrière, de quoi êtes vous le plus fier ?

Je suis fier d’avoir détruit mon succès. Après Massive attack, Maxinquaye a été numéro trois dans les charts anglais. Si j’avais enchaîné avec un album du même genre, je serais devenu une grande star. Mais j’ai préféré commettre un suicide commercial.

Ce n’était pas exactement le sens de ma question… Vous avez toujours essayé d’innover. Lorsque vous faites le bilan de vos vingt ans de carrière, quels sont les albums dont vous êtes le plus fier ?

Blowback était très en avance sur son temps, un peu comme Maxinquaye. C’était une musique vraiment neuve, mais qui n’est pas sortie dans le bon timing. Et je pense que c’est également le cas de ce nouvel album. Même s’il ne marche pas, tout comme Blowback n’a pas marché, il propose quelque chose de neuf.

Vous sortez beaucoup de disques. Est-ce que vous faites de la musique tous les jours ?

Non, parfois je n’écris pas de paroles ou je n’enregistre rien pendant des mois, je n’aime pas me forcer. J’ai reçu un don mais il ne m’appartient pas, il va et vient à sa guise. Je vis une vie normale, je passe du temps avec mes filles et mes amis, je cuisine, j’écoute de la musique, je ne me force pas. Et quand j’enregistre, c’est un processus très rapide. Je ne travaille jamais plus de trois mois sur un disque, ce n’est que de la musique.

J’ai été surpris de découvrir de la house sur ce nouvel album. Quelle est votre histoire avec cette musique ?

J’ai grandi dans le hip hop, mais j’aimais bien la deep house de Nature Boy, Frankie Knuckles, quelques gars de Detroit. Je trouve la house bien plus simple que ma musique, je savais que je pourrais en faire si je le voulais.

Votre musique est très sombre. D’où cela vient-il ?

J’ai eu une jeunesse très difficile dans un environnement très violent, j’ai été en prison. Ma mère s’est suicidée lorsque j’avais quatre ans et le seul souvenir que j’ai d’elle est son corps exposé dans le cercueil ouvert au milieu du salon. Je suppose que ma noirceur vient d’épisodes comme celui-ci.

Mais seriez-vous d’accord avec moi pour dire qu’il y a du plaisir à se plonger dans la noirceur ?

Oui, parfois la noirceur peut vous donner des émotions agréables. Même si ma musique est sombre, elle peut aider les gens. Il y a une unité d’enfants grands brûlés dans un hôpital à Philadelphie où ils jouent ma musique.

Pourquoi avez-vous repris “Gangster Chronicles” de London Possee sur votre album ?

Parce que London Possee est le premier groupe anglais à avoir rappé sans imiter le hip-hop américain, sans singer l’accent américain. Cela m’a beaucoup influencé. Massive Attack a utilisé un sample de London Possee qui est du coup devenu célèbre (la voix féminine en arrière-plan dans Unfinished Sympathy, ndlr) et aujourd’hui les gens pensent que c’est un original mais en fait il est de London Possee. J’ai voulu leur rendre hommage.

Vous faites souvent référence à votre amour des Specials. Pour quelle raison ?

J’ai toujours aimé Prince, mais ce n’était pas un enfant de la rue comme moi. C’est un musicien qui a suivi un cursus classique et je ne pouvais pas être comme lui : extravagant, super star, excellent danseur… Quand les Specials sont arrivés, ils étaient comme moi, autodidactes, noir et blanc. Je viens aussi du même endroit qu’eux, ça m’a fait réaliser que moi aussi je pouvais y arriver.

Vous citez aussi beaucoup Public Enemy…

Parce que ce sont des révolutionnaires, des gens qui combattent le pouvoir en place. Le monde est aujourd’hui dans un état bien pire que lorsque Public Enemy a commencé sa carrière, les gars étaient tellement en avance sur leur temps. Aujourd’hui il est encore plus important de se rebeller. Ils étaient les Malcom X, les Bobby Kennedy de la musique…

Public Enemy se battait contre Reagan. Vous vous battez contre qui ?

Les Noirs sont dans la merde, les Arabes sont dans la merde, l’essentiel des richesses est accaparé par 1% de la population, le pouvoir essaie de détruire les classes moyennes, nous perdons notre liberté d’expression. L’Angleterre est une société de classes, ce pays est très raciste. La monarchie a assis sa prospérité sur l’esclavage et le meurtre pendant des siècles, ce système doit disparaître. Je lutte contre tout cela, je suis un révolutionnaire.

Newsletter

Les actus à ne pas manquer toutes les semaines dans votre boîte mail

article suivant