Par Louison Baumier
Vendredi 16 septembre, quelques Nantais débarqueront la fleur au fusil pour porter haut et fort les couleurs du 44 dans la grande salle de la station Gare des Mines. Qui sont ces gens, quels sont leurs réseaux ? Originaires de la côte Ouest (certains diront L.A. pour loire-Atlantique), ces artistes ne sont pourtant pas anonymes. Menés par Simo Cell le fondateur du label, les artistes TEMET creusent lentement mais sûrement leur sillon au sein de la scène française. Il y a 2 ans le label commençait son catalogue en mettant à l’honneur E-Unity puis Elise Massoni. 3 cassettes, 3 vinyles et quelques CDs plus tard, le label fête ses 2 ans, l’occasion pour Trax de revenir sur la trajectoire du projet et les festivités à venir.
Quel regard portes-tu sur ces deux ans passés à développer TEMET ? En termes de musique, en termes d’humain, en tant qu’artiste…
J’ai eu beaucoup de temps pour développer le label en 2020. Artistiquement ça m’a permis de développer une vision esthétique, chose que je ne faisais pas avant. J’adore ça ! Au début on passait beaucoup de temps à travailler sur les petits détails, ajouter des liens secrets avec du contenu additionnel ou des visus avec des énigmes insérées dans les pochettes de disque.
La dimension humaine est la partie la plus importante du label selon moi. Il faut que ça feat dans la relation avant de pouvoir envisager sortir de la musique. Je passe énormément de temps au tel avec chaque artiste pour faire de la direction artistique sur les morceaux et développer une relation sur le long terme. Je suis assez exigeant et j’ai une idée assez précise de ce que je veux musicalement, alors je peux demander pas mal de modifications pour arriver à un résultat TEMET compatible. Je gère le label avec mon manager Souleiman, cette aventure nous a encore plus rapprochés. C’est une autre très belle partie de la dimension humaine de ce projet.
Musicalement c’est un énorme plaisir de pouvoir sortir des disques clubs que j’affectionne mais aussi des projets plus compatibles avec une écoute de salon comme la cassette de Lolito sortie en avril dernier. J’adore développer ces deux aspects en parallèle tout en forgeant un son TEMET.
Le single de Second. vient de sortir, on ne sait pas grand-chose de cet artiste peux-tu nous en dire plus ? Qui est-ce ? Comment ça a cliqué ?
J’ai rencontré Second. alias Victor lorsque j’étais encore à Paris. À l’époque, je partageais un studio avec mon pote Tite. En plus de son projet solo, Tite sort de la musique et tourne en duo avec Second. Pour le projet Society Of Silence, Tite m’a fait découvrir la musique de Victor et j’ai tout de suite cliqué comme tu dis. Il est tellement fort techniquement, la façon qu’il à de gérer la dynamique et de mixer ses morceaux lui donne un son très particulier. La magie fait bien les choses puisque Victor vient en fait de Rezé à côté de Nantes; on a des potes en commun. C’était une évidence de lui proposer de faire une sortie sur TEMET.
Le single “Go To Work” sonne très direct, la continuité avec “YES.DJ” est assez nette . Comment projettes-tu la suite pour le catalogue du label?
Je n’avais pas vu les choses comme ça mais maintenant que tu le dis, j’aime bien l’idée de gros bangers avec des voix slicées pour définir une partie de l’ADN musicale TEMET. Mon frère Less-O est pas mal dans le genre aussi. Il y aura d’autres morceaux de ce type sur les prochaines sorties du label. Le catalogue va considérablement s’étoffer l’année prochaine avec beaucoup de sorties de prévues. Nous allons continuer à développer cet aspect dancefloor, radical et post ghetto/dance mania qui définit TEMET mais on va aussi travailler sur des projets ambitieux à la frontière du club avec du live, des expos et des installations.
Est-ce que l’ADN club est quelque chose qui t’es cher ? Tu te verrais produire de la musique moins club ?
C’est sur que c’est une partie très importante de mon héritage, j’ai commencé à mixer avant de produire et cette expérience derrière le booth m’a constamment nourrie. Et puis cette musique club est omniprésente dans notre vie : regarde la façon dont la trap est mixée ! Quand j’étais plus jeune j’ai été marqué par les morceaux de Lil Jon à la radio. “Yeah” de Usher c’est le titre club par excellence. Quand j’y repense ça a été très important dans mon éducation musicale même si je l’ai compris longtemps après.
Avec mon précédent EP YES.DJ, j’ai rendu hommage à tous les codes clubs que j’adore. On y retrouve des influences techno, dub, trap, bmore, juke, Memphis rap. Je vais continuer à explorer ces univers mais j’ai aussi d’autres envies. J’écoute beaucoup de RnB et de pop en ce moment, ça me nourrit énormément. Je suis fasciné par les gros hits mondiaux de pop. Les niveaux de productions sont impressionnants tout simplement parce que les moyens le sont également. Mon pote Nick Leon a participé à l’écriture du dernier album de Rosalìa. On lui a payé un billet d’avion pour venir passer 3 jours en studio à Los Angeles. Quand tu as le pouvoir d’inviter tes producteurs préférés dans un but très précis (untel pour les drums, untel sur les mélodies) et avec des ingénieurs de sons de folie, tu peux déplacer des montagnes ! Les productions sur les albums de Rosalìa ou Beyoncé m’inspirent beaucoup, le niveau est fou ! Ça fait évoluer mon son et ça me donne un grand nombre d’idées pour les prochains opus.
En termes de club, tu as été au Brésil, tu as joué à Bruma et à Mamba Negra avec le crew BFDM. C’était la première fois que vous tourniez ensemble aussi loin ? Comment as-tu vécu la fête là-bas?
On avait déjà fait les US ensemble mais pas le Brésil. Gros souvenirs dans les deux cas ! Je l’ai vécu très bien et très mal. Très bien parce que c’est la folie là-bas, les gens dansent frénétiquement, se parent de leurs plus belles tenues. Les Brésiliens ont un rapport au corp beaucoup plus décomplexé qu’en Europe. Je l’ai aussi vécu très mal parce qu’en rentrant en France j’ai eu l’impression que la crowd était statique. Damn, on est raide comme des piquets chez nous. La musique, la danse et la fête est centrale au Brésil et ça se ressent que tu marches dans la rue ou que tu ailles au stade. Lors des samba, tout le monde connaît les airs populaires, des plus jeunes aux plus anciens. C’est évident que la musique rassemble mais dans le cas du Brésil ça dépasse les générations, il y a des tubes transgénérationnels. Je n’avais jamais vu ça.
Tu étais également à Mexico pour une résidence avec le label Naafi. Comment vois-tu la correspondance avec TEMET en France ? Comment se sont faites les connexions ?
C’est Le Motel qui m’a connecté avec la team Naafi au Mexique. C’est un label qui a plus de 10 ans d’activité et qui a réussi à se réinventer au fil des années. J’adore leur mentalité, ils ont su fédérer autour d’eux à Mexico tout en ayant une aura internationale. Ils continuent à dynamiser la scène locale et promouvoir les talents du coin malgré la hype.
Naafi possède un grand studio en périphérie de Mexico. De nombreux artistes en tournée au Mexique en profitent pour passer au studio Naafi. C’est un lieu de taff mais aussi un point de rencontre ou les opportunités se créent naturellement. Ça me fait rêver et à terme c’est quelque chose que j’aimerais faire avec TEMET. Par exemple j’ai passé quelques jours là-bas pour faire de la musique avec Lao & Fucci. Un soir Eartheater qui tournait à Mexico est venue, on a commencé à jammer tous ensemble. Souvenirs mémorables.
YES.DJ est sorti fin septembre 2021, c’était un EP solo qui arrivait après pas mal d’absence. Comment vois-tu la rareté en tant qu’artiste ?
Faire de la bonne musique demande du temps. Je n’ai pas envie d’occuper l’espace médiatique avec une nouvelle sortie tous les 6 mois simplement pour maintenir un reach et proposer du contenu. Rétrospectivement je suis super content de mes sorties passées et je fais tout pour avoir une discographie qui continuera à me plaire dans le temps.
Ton père est encore actif en tant que musicien. Ton petit frère vient de mettre le pied à l’étrier. Toi ça fait une quinzaine d’années que tu mixes et 8 ans depuis ton premier disque. Comment approches-tu l’enjeu de la longévité et du temps qui passe ?
Il y a ma maman aussi 😉 Toujours active en tant que guitariste classique ! Mon père a eu vision très radicale. Au début de sa carrière, Deutsche Grammophon lui a proposé de faire un disque dans un registre musical très précis. À ce moment là ça n’était pas le style de musique qu’il voulait jouer et il a refusé le contrat. Ça ne lui a pas empêché de faire une carrière de plus de 40 ans dans la guitare classique. J’ai toujours été très impressionné par sa confiance innée. Inconsciemment son attitude m’a inspirée. Par exemple je suis assez confiant sur ma faculté à me réinventer et à développer une vision sur le long terme. C’est quelque chose qui a fait ma force jusqu’à présent, j’ai toujours eu quelques années d’avance par rapport aux nouvelles tendances musicales. En 2017 par exemple, j’ai sorti un morceau qui s’appelle “Echo Doppler” sur BFDM, un morceau très lent et très rapide à la fois, une sorte de prototype dnb avec des patterns dancehall. Des sonorités que l’on entendait peu à l’époque et beaucoup plus à présent. Ce track est assez représentatif de cette vision dont je parlais. Idem avec un DJ set au festival Atonal de 2017 où j’ai joué. Je mélangeais les tempos et les styles en passant de la house à la techno, de la dubstep à l’electro, de la jungle à la trap et au footwork. À l’époque c’était assez osé.
Pour tempérer j’ai jamais eu non plus 10 ans d’avance 😉 Je crois qu’il n’y a rien de plus dur à gérer pour un artiste que d’avoir raison trop tôt. Il vaut mieux être en retard que trop en avance. Bref c’est une question de timing.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
J’ai fini un remix pour Greg et King Doudou, et un autre pour une réédition du jeu de PS1 WipEout. Sinon je travaille sur un gros projet solo, je vais sortir par mal de musique en 2023 😉
TEMET fête son anniversaire à la fois à Nantes et Paris. Cela faisait longtemps qu’on ne t’avais pas vu sur la capitale. Qu’est ce que représente ces deux nuits pour toi ?
C’est le début d’une nouvelle aventure. On a très envie de développer des showcases TEMET partout en France. On s’est fait plaisir sur le plateau avec Josey Rebelle et DJ Nigga Fox en tête d’affiche aux côtés des artistes du label. Josey Rebelle est dans mon top 5 de mes des préférées.
Je n’ai pas joué en solo à Paris depuis 2019. T’imagines ? Avant je jouais très souvent à Paris, si bien que mes potes ne venaient même plus tellement ça paraissait anecdotique. Toute la famille vient pour celle-ci, ça va être spécial. À Nantes aussi ! Je n’ai jamais joué au Macadam non plus en format club. C’est un club que j’adore, un des meilleurs en France. On met la barre haute pour ces deux soirées.
TEMET fêtera ses 2 ans à La Station – Gare des Mines à Paris ce vendredi 16 septembre, puis au Macadam à Nantes le samedi 29 octobre.