Vendredi
Ces dernières années, l’équipe de We Love Art a acquis une certaine renommée en multipliant les évènements dans la capitale, avec le festival écolo We Love Green depuis 2011, puis The Peacock Society depuis 2013. De fait, on n’est pas trop surpris, en sortant du métro, par le flux humain quasi-continu qui relie la station de Vincennes à l’entrée du Parc floral. Le point positif, c’est que l’ambiance est déjà au rendez-vous sur le chemin, et l’excitation monte au fur et à mesure que se rapprochent les grondements sourds émanant derrière les arbres.
Après avoir enfin passé les lignes de sécurité, on se dirige droit vers la warehouse où s’amassent déjà des milliers d’âmes transpirantes. Il est minuit, et Not Waving s’affaire sur son live. Sa techno breakée, glitchée et saturée est une très bonne entrée en matière et invite à se frayer un chemin au milieu d’un auditoire qui semble hésiter à se lâcher, décontenancé par un set un brin complexe. La scénographie reste assez minimaliste : des flashs de lumière éclairent sporadiquement une scène d’où se détache l’ombre du DJ. Devant lui s’agite en rythme la masse noire de la foule. L’ambiance ténébreuse qui règne dans l’immense hangar est assurément un bon rappel à la culture warehouse.
Entre deux sets, petit détour à l’extérieur afin d’explorer les lieux de « repos » aménagés pour l’occasion. À la vue des milliers de personnes qui se pressent dans les allées, on ne se fait pas trop d’illusions. La Terrasse est en effet déjà recouverte d’une foule compacte où s’évapore la fumée des cigarettes. Même constat dans le Jardin ; trouver une place sur un carré d’herbe synthétique semble relever de l’exploit. Mais après tout, nous n’étions pas venus à la Peacock pour nous reposer.
Rendez-vous sur le deuxième immense dancefloor où les headliners font fondre des salves de BPM sur un public conquis. Mall Grab a troqué sa house contre un mix techno puissant parfaitement adapté à l’atmosphère sombre et pesante du grand hangar. À la fin du set, victoire en quarts de la coupe du monde oblige, la foule exaltée entame un fédérateur « On est en demi, on est en demi ! » qui gagne rapidement l’ensemble du hangar. Mémorable.
S’en suit le très attendu back to back entre l’instrumentiste bulgare KiNK et l’Allemand Gerd Janson, un mix de pure house qui gagne progressivement en puissance et fait monter la chaleur déjà étouffante de quelques degrés.
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La nuit avance. Dehors, ça grouille. Partout, les festivaliers épuisés se prélassent sur les maigres coins d’herbe qu’ils ont pu dénicher, ou à même le bitume pour les moins chanceux. La queue devant les toilettes et les food trucks dépasse l’entendement. Très peu intéressés par les rencontres éphémères que l’on peut faire à cette heure tardive, on préfère se perdre au milieu du dancefloor, dans cette marée humaine où les notions de groupe et d’individu perdent leur sens. Le set de Solomun se révèle assez lisse. Heureusement, la nuit nous réserve encore un final solide. Jeff Mills assure en effet le closing set de cette première soirée. Invité pour la première fois à The Peacock Society, ce pionnier de la techno y laisse sa signature sonore indélébile avec un mix puissant et bien calibré.
Samedi
Difficile de se replonger dans une nouvelle nuit électronique après une première soirée intense. Heureusement, la bonne journée de sommeil a été salvatrice, et l’enthousiasme prend le dessus sur les courbattures. Retour au bois de Vincennes où la fête est déjà bien amorcée. Le warehouse, tout aussi rempli que le jour précédent, est sous l’emprise de Charlotte de Witte. Pas de mélodie, juste un gros kick qui prend aux tripes. Efficace… Tale Of Us enchaine avec un set beaucoup plus mélodieux et progressif. On perd en intensité, mais on gagne en émotion, et le final a quelque chose d’épique. Le public est bouillant.
Sur la scène Squarehouse, se produisent Joy Orbison et Kornél Kovács dans un b2b très complémentaire. Le premier propose tout un menu de tracks house mentales bien choisi tandis que le second lie les ingrédients par des transitions léchées. Échauffés, on s’aventure vers la Adidas House où officie Dr Rubinstein. Sur ce dancefloor plus intimiste, il n’est plus question de retenue. Des centaines de corps luisants se défoulent en rythme sur le set techno frénétique de la DJ allemande. La température atteint des records, alors que l’orchestration de cette danse quasi-liturgique revient aux mains de DJ Nobu.
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Malheureusement, on n’est pas vraiment emporté par la transe, et l’air commence à nous manquer. L’heure avance, le ciel s’éclaircit, et l’écart se creuse entre ceux qui commencent à trainer des pieds sur le dancefloor et à regarder leur montre, et ceux qui danseront jusqu’à l’extinction du son (voire au-delà). Les grands halls et les allées se vidant peu à peu des festivaliers fatigués, l’ambiance devient pourtant plus respirable et bon-enfant, mais les deux soirées dans les jambes commencent à se faire ressentir. Il est temps pour nous de rentrer et de dire à la Peacock Society : « À l’année prochaine ! »