1/ Peut-on revenir sur l’histoire de ce nom ?
Nous voulions un mot en trois syllabes, qui sonne rond avec un brin de féminité et de douceur, et qui renvoie quelque chose de mystique. Aimant les mots commençant et finissant par la lettre “a”, nous pensions l’avoir imaginé. Nous avons découvert plus tard qu’il existait déjà, utilisé par Freud en psychanalyse pour décrire la phase d’un rêve qui contient les hallucinations les plus aiguës. Ça a parfaitement convenu à l’idée qu’on se faisait de notre projet.
2/ Qui se cache derrière ?
Nous préférons garder le silence sur certaines informations, absolument pas pour ne pas être reconnus dans la rue, mais surtout car nous préférons que le public se concentre uniquement sur notre musique, et qu’il fasse ainsi abstraction d’informations peu utiles selon nous, et pouvant fausser leur appréciation. Que nous soyons sympas ou non, jeunes ou vieux, si vous appréciez notre musique, ce sera uniquement pour notre musique. Nous répondons quand même aux interviews, mais à travers nos personnages, le renard et le loup.
Le renard et le loup sont extrêmement différents et pourtant sont amis depuis presque autant qu’ils s’en souviennent. L’un est impulsif et rusé, l’autre calme et stratège. Ils travaillent de façon fusionnelle et même s’ils ne se trouvent pas tout le temps dans la même forêt, ils se parlent quotidiennement par signaux de fumée, nommés “Skype” par leurs ancêtres amérindiens.
Le loup et le renard prennent la pose dans leur studio. (©DR)
3/ Qui d’autre gravite dans votre team ?
Sachant que nous avons connu une croissance assez rapide (cela ne fait que huit mois que nous avons signé sur notre premier label), nous avons automatiquement été contactés par plusieurs personnes, patrons de labels et artistes divers. Citons en premier Marc Poppcke [patron du label Crossfrontier Audio, ndlr], qui a été le premier à croire en nous, mais aussi Andreas d’Amselcom et Riley de Traum Schallplatten. Côté artistes, il y a de manière évidente les teams de Crossfrontier Audio et d’Amselcom, mais aussi d’autres comme BLANCAh avec qui – on vous le donne en exclu – nous réaliserons sous peu un EP, ou encore Midas 104, Powel, Dorisburg et tant d’autres mecs sympas et talentueux !
De façon plus intimiste, nous saluons Amiral de Cépage Music qui nous aide et avec qui nous sortirons sous peu un EP, et faisons un petit coucou à l’équipe de Lunar avec qui nous en sortirons un autre.
4/ Votre parcours en quelques mots-clés ?
Le renard et le loup jouent de la musique depuis de nombreuses années, et jouaient déjà ensemble du jazz et du rock progressif. Le renard est multi-instrumentaliste et le loup est percussionniste. Ils ont commencé la techno il y a maintenant deux ans et n’ont décidé d’être labellisés qu’en septembre 2015. Les offres se sont rapidement succédé. Les deux canidés en sont d’ailleurs très heureux et en remuent la queue tous les jours (sans mauvais jeu de mot !).
5/ Au lycée vous étiez plutôt quel genre ? Et côté musique ?
Au lycée, l’un était turbulent, se faisait remarquer, et a toujours réussi à passer les échelons comme par magie. L’autre, au contraire, se montrait plutôt calme et réfléchi, et davantage studieux. Les deux étaient dans tous les cas déjà passionnés par mille et une choses. Ils ont tout essayé ensemble : la photographie, la vidéo, le montage, le roller street, le dessin, la peinture, et tant d’autres choses parfois complètement loufoques. À chaque fois, ils se sont donnés à fond dans la passion concernée.
Niveau musique, le premier était plus axé Pink Floyd, Daft Punk, Chilly Gonzalès et le second plus Blockhead, Royksopp, Portico Quartet. Les deux ont longtemps trouvé que la techno était l’une des formes les plus pauvres de la “musique”, mais parfois même le renard et le loup peuvent être idiots.
6/ Si vous deviez définir votre son aujourd’hui…
Notre son est envoûtant, onirique, rêveur. Il est souvent rassurant, que ce soit dans la clarté ou l’obscurité. Notre univers se nomme Amentia : si chaque EP était un système étoilé, alors nos morceaux seraient les planètes… Qui sait, pourquoi ne pas bientôt créer une galaxie avec un album ?
De manière générale, nous visualisons un paysage, un animal, un ressenti, puis nous construisons autour. Les images ont une place très importante dans notre processus de production. Nous n’hésitons pas à aller souvent à l’encontre de cette mode grandissante du “sérieux musical” que nous ne comprenons pas, où il ne faudrait plus prendre de risques. Selon nous, il est important de tenter des choses farfelues si l’on ne veut pas tourner en rond – et puis surtout, on aime ça.
De façon plus technique, nous aimons jongler entre sonorités du passé et du futur, afin de tenter de créer notre présent.
7/ Parlez-moi un peu de cet EP…
Le dernier EP, L’Aventure des Plantes, est signé sur Amselcom. Pour reprendre la réponse précédente, nous aimons tenter des choses risquées, mais seulement si nous le sentons bien au fond de nous. Justement, c’est le parfait exemple avec cet EP !
Il est très axé tribal dans l’ensemble, avec une track envoûtante et épurée, et une autre qui se veut par opposition décomplexée. Nous nous sommes même inspirés des Ewoks de Star Wars pour la dernière partie ! Nous sommes très contents car notre EP est celui qui a le mieux fonctionné de tout le label Amselcom. Pour des rookies comme nous, c’est finalement super cool de savoir que notre musique a été jouée à Miami, San Diego, Berlin, Rio de Janeiro et tant d’autres, par des artistes comme Tom Trago, Maceo Plex, Uone, Estroe ou encore Skream !
En tout cas, le mieux ce n’est pas que l’on vous en parle mais que vous l’écoutiez par vous-même :
8/ C’est quoi votre set-up sur scène ?
Notre set-up actuel est composé d’un Nord Lead 2x, d’une Nord Drum 2 et son drum pad, d’un clavier midi Roland, d’une drum machine Analog Rytm, d’un contrôleur midi Novation, du logiciel Ableton et d’une carte son RME Fireface UC. Il existe dans notre musique une partie percussion et une autre mélodique, ce qui nous permet de bien répartir les tâches sur nos instruments de prédilection durant un live, comme un groupe de rock ou de jazz peut le faire. On pense ajouter quelques éléments acoustiques par la suite, tout comme des cymbales, une charleston et des toms. Et pourquoi pas un piano acoustique associé à des effets de reverb, delay et distorsion. Les possibilités sont infinies et il y a encore tant de choses à essayer !
9/ Il y a quoi à l’horizon pour vous ?
On va faire plusieurs dates en Allemagne au mois de juin, notamment Hambourg, Berlin et Cologne. Mais on nous retrouvera aussi bientôt à Gibraltar, Lisbonne, Londres, puis bien évidemment en France et particulièrement à Paris. Il se peut qu’on joue à un ou deux festivals allemands cet été et ça sera une grande première pour nous.
En parallèle, on a aussi un projet de réalisation de bande sonore cinématographique sur le feu, avec Gwenn Germain, et sur différents gros projets qu’il gère.
Puis on va continuer à travailler d’arrache-pied nos productions. Et surtout, en temps que bon canidés qui se respectent, nous allons passer notre séjour annuel en pleine montagne, en total immersion pendant deux semaines, sans eau, rien. Cela peut paraître hippie, mais non. On n’a pas quatorze chiens, et on ne s’est pas tatoués “carpe diem” sur l’avant-bras. C’est juste qu’on adore vraiment la nature, ce n’était pas une blague !
10/ Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce projet avec Gwenn Germain ?
Pas vraiment pour l’instant, car c’est confidentiel. Tout ce qu’on peut vous dire, c’est que Gwenn Germain est un artiste français qui l’année dernière était encore en dernière année d’une école parisienne en arts appliqués. Il a été repéré l’année passée pour avoir réalisé un court-métrage à mi-chemin entre les univers de Miyazaki et Moebius, et qui a fait un carton chez les fans du studio Ghibli.
En plus d’adorer ces ambiances-là, on pense que Gwenn Germain est certainement l’un des artistes les plus prometteurs de sa génération. Il travaille actuellement sur plusieurs autres gros projets sur lesquels nous pourrions être associés, tout du moins en ce qui concerne la bande sonore. Nous ne pouvons malheureusement pas vous en dire plus. On est en tout cas vraiment contents d’avoir fait cette rencontre, et ça fait du bien de se dire qu’un travail comme le sien est récompensé. Nous lui faisons confiance quel que soit le projet.
Soit dit en passant, ce qui nous brancherait à terme, ce serait de pouvoir composer des musiques de films. On ne sait pas si à 45 ans on sera encore attirés par la techno…
11/ Que représente Moebius pour vous ?
On a toujours été attirés par l’image, l’animation, et en particulier par l’œuvre d’Hayao Miyazaki, elle-même très inspirée de celle de Moebius. Les deux étaient très amis et s’influençaient l’un l’autre, Moebius a d’ailleurs prénommé sa fille Nausicaa en l’honneur de l’héroïne d’un film de Miyazaki. Il y a une certaine divination de l’espace entourant l’homme dans les dessins de Moebius, et on adore les couleurs, le style et la créativité.
Les dessins de Moebius, comme ceux de Miyazaki, évoluent dans une faune et flore très présentes. (©DR)
C’est en quelque sorte une vision assez proche de notre musique : être adulte et à la fois savoir rester enfant, et que la musique puisse paraître pure et innocente ou au contraire très mélancolique et envoûtante, selon la personne qui l’écoute. On ne va pas se mentir : le public techno est souvent élitiste, composé de diggers expérimentés qui cherchent à être à la pointe de ce qui se fait, et on est d’ailleurs vraiment heureux que notre travail puisse être apprécié par ce public. D’un autre côté, sans pour autant vendre nos âmes au diable commercial, on aime aussi que notre musique soit appréciée par un public qui n’est pas forcément habitué ou préparé à la techno.
C’est dans cette optique que Moebius est un modèle pour nous, car il a constamment su garder une qualité et une technique fine dans ses travaux, reconnaissable par un public élitiste. Et dans le même temps, son travail a pu, peut, et pourra toucher des enfants ou des personnes qui n’ont jamais été intéressées par le dessin. C’est cette vision que nous défendons et que nous continuerons de creuser.
12/ Si je regarde un peu vos playlists du moment, j’y trouve quoi ?
Vangelis – “Blader Runner Blues”
Doribsurg – “Cirkla”
Joel Fajerman – “Incantation”
GoGo Penguin – “Branches Break (Radio Edit)”
Cloud – “Sakta”
Ghost in the Shell theme
13/ Vous avez prévu quoi pour votre prochaine date ? C’est quand d’ailleurs ?
La prochaine date se passe à Paris le 22 avril, plus précisément au Glazart. On joue tout juste après Christian Löffler en live. Ce qu’on vous a prévu ? Comme toujours, notre joie et notre envie de voir des yeux se fermer en dansant !
14/ Un dernier mot ?
Continuez ainsi, on aime beaucoup Trax et ça nous fait très plaisir de répondre à une interview pour vous ! On se revoit vite !