Summer of italo-disco #4 : Les clips les plus kitsch et grandioses de l’italo

Écrit par Thémis Belkhadra
Le 21.07.2016, à 17h58
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Écrit par Thémis Belkhadra
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Pour ce quatrième épisode, Trax vous emmène cette fois-ci dans le monde merveilleux de l’esthétique italo. Ouvrez grand les mirettes, parce que les années 1980, qui sont celles du début du clip vidéo, valent le détour : bienvenue au royaume du kitsch, du strass, de la télé berlusconienne et du pas de dance disco futuriste sur fond de guerre des étoiles. Andiamo !Par Benjamin König

“J’étais littéralement soufflé ! Je n’ai jamais rien vu de tel, et je ne l’oublierais jamais. J’avais vu ce show deux fois, en 85 et 86, et je n’ai toujours rien vu d’aussi cool et incroyable de toute ma vie ! Le show venait d’un autre monde…” Quand on lui demande ses meilleurs souvenirs de spectacles ou de vidéoclips, le Danois Flemming Dalum est enthousiaste comme un Italien devant sa première Fiat. “Un show d’un autre monde”, dit-il.

On veut bien le croire, car Flemming parle d’un spectacle qui se tenait dans l’un des plus célèbres clubs de Rimini : l’Altromondo Studios, toujours ouvert par ailleurs. En l’occurrence, il s’agit du show de The Creatures, un groupe d’italo-disco dont les producteurs se nomment Mario Flores et Maurizio Sangineto. Tout en lasers et en costumes inspirés par l’époque “guerre des étoiles “, on pouvait le voir non seulement en boite de nuit, mais également lors de leurs passages télévisés. Le tout sur une musique dark-italo et électronique à gogo :  

Cette esthétique space a innervé jusqu’aux productions actuelles, tant sur le plan sonore que visuel. Jadran Huys, notamment, est un DJ et vidéaste belge qui édite et produit des clips dans ce style. Dont celui-ci, très beau, pour le son de Kid Machine sorti en 2013 (et remixé d’ailleurs par Flemming Dalum), “Space Renegade”.

Voilà pour l’introduction : les clips d’italo, dans le star system naissant, pouvaient se retrouver à la fois sur scène, à la télé, ou en clubs. Tous les artistes n’étaient pas logés à la même enseigne : à l’époque, réaliser un clip coûte cher.Freddy Naggiar, le boss de Baby Records, avait anticipé le phénomène, et fut le premier à comprendre l’importance du vidéoclip “, témoigne Francesco Cataldo dans son livre Italo-Disco Story. Baby Records : une grosse maison de disques de Milan, qui faisait plutôt dans le commercial, avec des têtes d’affiche telles que Gazebo ou Gary Low. La première aussi à avoir les moyens de sortir des clips, pas toujours du meilleur goût d’ailleurs. Un exemple avec Den Harrow (ce pseudo cache un jeu de mots, puisqu’en italien argent se dit “denaro”), une sorte de lover de l’italo. Une fille qui court, des images sombres, la pluie, la peur, la fuite. Et puis un sauveur : Den Harrow, bien entendu. C’est là : 

Kitsch foutraque

Il faut bien comprendre que la vidéo, dans la musique, n’en est qu’à ses balbutiements. D’où un côté kitsch, amateur et cheap qui font d’ailleurs le charme non seulement des images mais aussi du son. Un manque de maquillage évident, une narration laissant à désirer, un couple pas vraiment glamour, mais tous les symboles de la modernité : voici le clip de “Don’t Cry Tonight”, de Savage.

Le kitsch et la classe à la rital, voilà bien une des spécialités de l’italo, car si le style comporte une part sombre et musicalement excellente, il marque aussi l’explosion de la pop électronique : c’est d’ailleurs ainsi qu’on l’appelait à l’époque. Autre clip assez incroyable, celui de Happy song, de Baby’s Gang, un italo-project d’Alessandro Zanni et Stefano Cundari, les fondateurs de Memory Records. C’est ici, et ça dépote :

Un clip avec les moyens du bord, manifestement tourné dans un collège catholique… Mitico, comme disent les transalpins. Chez le même label, voici le clip de Visitors, de Koto :

Un grand n’importe quoi, totalement foutraque, qui mélange un show de dance qu’on dirait tout droit sorti d’une MJC, et l’esthétique du train, si cher à Koto qu’on le retrouve sur la pochette de Japanese War Game.

Rayon lover, Trax ne pouvait pas vous faire manquer le clip de Ryan Paris, dont le nom et les chansons se raccrochent au bellâtre italien en goguette dans notre bonne capitale :

Ça fait sourire aujourd’hui, mais avec ce titre, Ryan Paris a réalisé un carton mondial, classé n°1 dans les charts de plusieurs pays européens. Alessandro Piatto, fondateur de N.O.I.A Records et producteur toujours en activité, se souvient : “Les perspectives économiques étaient suffisamment alléchantes pour que les productions soient souvent réalisées avec les critères des majors.” Le clip en fait évidemment partie, et c’est ce qui explique que ce ne sont pas les meilleures tracks qui ont eu droit à une vidéo.

Certaines, toutefois, valent le coup. Alessandro Piatto cite bien sûr celle de NOIA, “Do you wanna dance”. À l’image du groupe qui vient de la scène new et punk-wave (ça s’entend), il en reprend les codes visuels et les thèmes : la folie, la solitude, la violence symbolique :

La musique est aussi bonne que la vidéo, et il ne faut pas s’étonner : c’est un projet personnel, non pollué par des producteurs désireux de “fare soldi “, faire de l’argent.

Alla Tivù (à la télé)

Depuis l’après-guerre, les Italiens, une fois par an, se retrouvent pour regarder leurs chanteurs et chanteuses nationaux réunis au festival de San Remo, le Saint-Tropez rital, qui est retransmis à la télé. L’italo (la pop électronique, donc), y fait progressivement son apparition dès le début des 80’s.

La télé, le lieu de toutes les transgressions (commerciales, faut pas pousser), où apparaissent sous les yeux d’Italiens médusés et choqués, au sortir de la messe, des pas de dance disco érotiques, et même… stupeur ! des noirs qui dansent. Ça peut paraître anachronique, voire un brin raciste, mais dans l’Italie encore très catho (elle l’est toujours, quand même) de l’époque, c’est une vraie révolution, surtout à la télé. Regardez donc cette émission où une sorte de C-3PO noir en mode breakdance déchire tout :

Le tout sur un track signée Kano, un groupe fondateur de l’italo. Dans ces émissions, d’un coup, on entend le public applaudir au milieu. C’est plutôt déroutant, mais c’est les standards de l’époque. Autres standards : le style. Des vestes larges, des couleurs criardes et des cravates improbables, une mode qui revient en force aujourd’hui dans certains clubs techno… Un bon exemple avec le duo Scotch, qui déboule au festival Bar, à Vérone, comme possédé pour interpréter “Disco band”.

La Tivù, surtout dans ces années-là, c’est le média de diffusion de la culture de masse. D’ailleurs, nombre d’émissions de musique et de divertissement voient le jour sur les chaines du groupe Mediaset, dirigée par un certain… Silvio Berlusconi. Les émissions ne sont pas, bien entendu, à proprement parler des vidéoclips, mais elles font partie intégrante de l’esthétique italo et ont marqué la dance culture. C’est parfois le délire complet, comme avec ce son – et son imagerie un peu colonialiste : 

La télé publique n’est pas en reste, avec l’émission Sotto le Stelle (Sous les étoiles) sur la Rai, avec par exemple cette chorégraphie , disons…. kitsch et queer à la fois, sur la chanson de Vivien Vee :

Finissons ce petit tour d’horizon avec deux tracks, à l’opposé l’un de l’autre, mais qui incarnent tous les deux la classe à l’italienne. Celle du lover Pino d’Angio, avec son tube “Ma Quale Idea”, la classe d’une époque où fumer à la télé était sexy et ne vous valait pas les foudres des tenants de l’ordre moral, et où la prestance consiste à raconter, vêtu d’un improbable costard en lin, sa dernière conquête bourrée en discothèque… :

Quant à l’autre, c’est un des meilleurs sons de l’histoire de l’italo, qui pue la classe à trois bornes : voici “Melody”, du groupe Plustwo, qui vient d’ailleurs d’être réédité (l’original coûte près de 300 euros) :

À quoi on reconnait la classe ? Voyons, à la cravate du claviériste…

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