Streaming : la guerre est déclarée (2/3)

Écrit par Jean-Paul Deniaud
Le 24.08.2015, à 13h59
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Écrit par Jean-Paul Deniaud
Les géants de l’industrie musicale assurent leurs arrières et les règles ainsi fixées s’avèrent particulièrement contraignantes. Quitte à en exclure certains, sans aucun scrupule. Soumis à l’autorité des majors et des diverses plateformes de streaming, les labels indépendants et les artistes constituent les premières victimes collatérales d’un système inégalitaire et comptent les points attentivement, espérant récolter quelques miettes.
Article écrit par Jean-Paul Deniaud, paru dans le Trax #183 de juin 2015. Dossier streaming : Pourquoi ils veulent tous nous faire payer.

LA DÉBÂCLE DE GROOVESHARK ET SOUNDCLOUD

Grooveshark

« Aujourd’hui nous fermons Grooveshark. […] C’était mal. Nous présentons nos excuses. Sans réserve. »[/caption]Le streaming gratuit semble bien prendre du plomb dans l’aile, si l’on en juge par l’épisode Grooveshark, qui n’avait jamais rien signé avec les majors. Les internautes pouvaient en effet uploader leur musique et streamer d’immenses catalogues sans contrôle ni rémunération pour les artistes. Ce qui n’était pas pour plaire à Universal Music qui, depuis des années, a lancé une fatwa contre le site américain. Le 27 avril dernier, devant la menace de régler jusqu’à 735 millions de dollars au plaignant, un accord est trouvé : Grooveshark ne verse que 50 millions mais ferme immédiatement ses portes. Depuis, magie du Web, des copies du site se montent aussi vite qu’elles se font fermer : Grooveshark.io, puis .vc, .im…

Pour Sony Music, c’est SoundCloud qui est dans le collimateur. La plateforme aux 175 millions d’utilisateurs voit ces dernières semaines les artistes de la maison de disques (dont Adele, Passion Pit ou le jeune Français Madeon) quitter progressivement les rangs. Et leur musique effacée. En cause, selon Billboard, un manque d’opportunités de monétisation via la plateforme. Chez SoundCloud, on préfère garder le cap, accroître les sources de revenus et renforcer les politiques de contrôle. Le site, qui était devenu la référence pour les mix et remix de DJ’s, signait en avril dernier un partenariat avec le service Zefr, qui fournit un algorithme (à YouTube, notamment) détectant les chansons soumises aux droits d’auteur. Une petite révolution donc, au grand dam des DJ’s, qui voient leurs mix disparaître, et même leurs propres morceaux, au motif que les droits appartiennent au label et non à eux en propre. Il leur faut alors prouver leur bon droit pour récupérer leur musique. Une solution qui a enclenché une grogne générale chez les DJ’s, qui prônent le passage chez le concurrent Mixcloud. D’autant que ce dernier, malin, permet désormais l’importation directe des mix de SoundCloud.

PROBLÈMES DE REVENUS POUR LES ARTISTES

Le streaming, ça paye ou pas ? On pense au coup de gueule de Taylor Swift contre Apple Music, accompagné de son injonction de retirer ses morceaux de Spotify et Deezer. Ou encore à Geoff Barrow de Portishead, qui soulignait l’absurde écart entre la totalité de ses morceaux écoutés sur le site Suédois (34 millions d’écoutes) et le revenu qu’il en avait tiré : 2 500 dollars. Soit 0,007 cent par écoute. D’un autre côté, le morceau “Alors on danse” de Stromae, écouté 43 millions de fois, lui aurait rapporté selon l’UPFI entre 26 000 et 37 000 € de royalties. Les 300 millions d’écoutes de quatre titres de David Guetta, entre 180 000 et 250 000 €. Des disparités qui s’expliquent sans doute par les différents contrats signés entre artistes et majors.

Des disparités qui s’expliquent sans doute par les différents contrats signés entre artistes et majors.

Chez YouTube, fort de ses 4 milliards de dollars de chiffre d’affaires et son milliard de visiteurs uniques par mois, on ne fait pas non plus la fête. Le site déclare avoir versé près d’un milliard de dollars aux ayants droit depuis 2007, mais avec 143 millions de dollars par an en moyenne, cela revient à 0,14 dollar par an et par utilisateur en moyenne selon le Wall Street Journal. Le site de vidéo, à peine rentable, n’est en effet pas monétisé de la même manière dans le monde. Par contre, Vevo, chaîne hébergée par YouTube et créée par Universal et Sony, fait du chiffre. La même Taylor Swift, regardée 432 millions de fois en 2014, aurait fait gagner à son label 4,1 millions de dollars.

Si les clauses de rémunération des artistes sont, on l’a vu, des plus complexes, faut-il pour autant condamner les plateformes ou la redistribution par les labels et majors ? Les contrats entre ces derniers et leurs artistes, notamment ceux signés avant l’ère du streaming, ne prennent que peu en compte le revenu pour cette diffusion spécifique. Le contre-exemple nous est d’ailleurs fourni par Diplo qui se dit très satisfait des gains reversés par Spotify, qu’il récupère directement via son label indépendant Mad Decent : “C’est ce qui nous permet de vivre, et ça rapporte plus que la radio.”

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