Souvenirs d’un trip à Astropolis L’Hiver

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Thomas Kerleroux
Le 01.02.2016, à 15h50
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©Thomas Kerleroux
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Thomas Kerleroux
Brest est un concept. Une ville rude mais chaleureuse, à la météo capricieuse. On nous annonçait des rafales à 70km/h, mais les rafales ont été sonores. Astropolis, édition hiver 2016, nous a permis de constater une fois de plus qu’au bout du monde, l’esprit électronique n’hiberne pas. Par Brice Miclet et Jean-Paul Deniaud


Vendredi 


Les trains qui mènent à Brest sont toujours particuliers avant Astro. On y trouve une faune bien identifiable, ici un DJ, ailleurs quelques journalistes, au bar des dégaines de fêtards qui se regardent du coin de l’œil en se disant « toi aussi tu seras fatigué à la fin du week-end ». Arrivés à bon port en fin d’après-midi vendredi, le désormais habituel air marin nous rappelle que le programme allait être chargé.

Le festival fait déjà fait vibrer la ville depuis deux jours. Mercredi avait lieu une projection du documentaire sur l’iconique DJ Sextoy, disparue trop tôt, et la veille voyait The Shoes (dont on ne nous dira pas que du bien) et le groupe de Yann Tiersen ESB (dont on nous fera les meilleures éloges) prendre d’assaut la Carène.


À peine le temps de déposer notre brosse à dent qu’il nous faut prendre la direction de cette fameuse Carène, la grande salle de Brest où est organisée une table ronde autour des labels de l’Ouest. A
nimée par le rédacteur en chef de Trax, la discussion entre les excellents Fragil Musique, Cindy’s Tape, Eumolpe, Stand High Records et Vielspass (tous alliant spécificités musicales et originalité des supports, à découvrir au plus vite si ce n’est déjà fait) commence.

Le constat qui ressort est sans appel : en matière de musiques électroniques, la règle est encore à la débrouille, notamment sur la question légale. À quand un pôle régional pour se retrousser les manches tous ensemble ? L’envie collective était clairement là.

En remontant vers le Vauban, l’historique hôtel de la ville et sa célèbre salle de concert au sous-sol, on croise le Sud-africain Bodycode aka Portable. Il revient d’un live improvisé à Océanopolis, l’aquarium de Brest, où, filmé par nos compères de Sourdoreille, il jouait sous le regard des requins. Son set est prévu dans la nuit, au Vauban, alors que nous serons devant d’autres enceintes.


Après les excuses et encouragements de circonstance, on se console en profitant du début de soirée à l’hôtel avec Raphaël, papa de Fragil Musique, qui se lance avec une drum and bass vivifiante.
astro hiver Devant La Carène © Souenellen

La Carène, à un petit kilomètre de là sur le port, n’est pas encore remplie. Ce sera la dernière fois qu’on verra le sol aussi propre. Les Brestois sont des fêtards, et vont le prouver une fois de plus. Dans la grande salle, trois gros spots font tomber des colonnes de lumières, froidement. Et puis, Levon Vincent.

Écumant les différents genres, avec une légère préférence pour une techno très mélodique, assez aérienne, mais rude, il remplit la salle, tranquillement, mais pas jusqu’à épuisement. Comme à son habitude, le mec fait l’unanimité, pompeux et vénère, toujours original. Fidèle à lui-même.astro hiver© Souenellen

Fumoir. Toilettes. Bar. Un léger détour par la seconde salle, plus petite, nous entraîne devant le New-yorkais Ron Morelli, boss du label LIES, qui fait plus que le taf avec son ami D.K. (aka 45ACP). Ça groove sévère tout en cassant les rythmes, c’est brut et instinctif. Un allnight long qu’on s’évertuera à rejoindre régulièrement ce soir pour se recharger en énergie pure.

En face, Johannes Heil a pris la suite, et se fait aussi bientôt poncé par nos pas. Il déroule devant une foule compacte sa techno sombre, massive, portée par ces écrans plantés derrière l’autel. Les délires graphiques diffusés font mouche, contrastant avec l’avalanche de lights de l’an dernier dans la grande salle.


Plus minimaliste et plus conceptuel, le visuel de cette édition nous ont conquis. Et quand Johannes balance les tracks de sa dernière sortie, « The Black Light », ce sont autant les oreilles que les yeux qui sont aux anges. Tommy Four Seven, protégé du massif Chris Liebing, enchaîne dans la foulée avec sa techno puissante et sans concession.
astro hiver © Souenellen


On lâche les chiens jusqu’à la fermeture, habilement fixée à 4h histoire de garder des réserves, et on court voir ce que donne Jeremy Underground en sous-sol du Vauban. 
Juste une heure de set dans la chaleur deep disco et garage house d’un des meilleurs diggers français du genre suffiront à passer de l’ombre indus de tout à l’heure aux couleurs d’un été qu’on imagine tropical. C’est d’ailleurs un soleil moite qui se lève bientôt sur les hauteurs, prélude à un samedi qui s’annonce chahuté.astro hiver © Souenellen


Samedi 

En effet, le réveil est gris et pluvieux. Peu importe, le début de journée se passe au sec. À La Passerelle, l’équipe d’Astro a réunit marché aux vinyles, stands à manger et objets-connectés-qui-font-de-la-musique-quand-on-les-touche. C’est que le lieu est avant tout le quartier général de plusieurs centaines d’enfants surexcités qui s’amusent à courir en tout sens sous les yeux mi-amusés mi-inquiets de leurs parents.astro hiver © Souenellenastro hiver © Thomas Kerleroux

La grande attraction de cet après-midi : l’Astroboom, avec un DJ très célèbre qui passe des disques… déguisé en Yéti. La salle est interdite aux adultes, mais de loin on aperçoit Laurent Garnier se prendre un gros coup de chaud sous sa pelure animale.

 

Parmi les plus précieuses traditions de la maison Astropolis, la petite croisière en rade de Brest organisée le samedi par le festival fait figure de proue. Oui mais voilà, la ballade n’est pas toujours de tout repos.

Sous un crachin soutenu, près de 200 personnes ont pris d’assaut la fameuse vedette Azénor… qui ne bouge pas. Le moteur est dans le sac ! Peu importe, à l’intérieur le collectif La Station Rose a tout habillé de rose, forcément, et les deux DJs parisiens de Rose et Rosée (ex-gérants du bar Zéro Zéro) ont déjà lancé la danse. Après une bonne demi-heure, c’est enfin parti pour deux heures de musique sur les vagues. De grosses vagues.astro hiver © Sourdoreille

Expérience folle d’aller sur le pont avant, de regarder la mer de nuit, le vent en pleine gueule, et de se retourner pour voir l’intérieur tout rose du bateau, bercé par le groove des deux fous aux platines. L’un des meilleurs moment du festival assurément. Les DJs sourient, le public aussi, la musique et la vodka-maté font encore plus sourire… 


Sur cette croisière, on trouve funk, disco, house, hip-hop, remake alcoolisés du Titanic et pipi par dessus bord (sur le pont arrière évidemment). On termine en portant un toast à ce héros anonyme ayant su réparer la panne mécanique, qui nous aura en fait permis de prolonger le voyage.

À peine remis, direction Le Quartz où la prestation de Francesco Tristano et Carl Craig doit prendre place. Le lieu, un théâtre moderne en amphithéâtre, se marie toujours aussi bien à une telle prestation. Seulement, il faut que la prestation suive. Francesco Tristano démarre seul, mais peine à nous emballer comme il a su le faire auparavant. Ses beats font figure de figuration, et son piano n’émeut pas.© Julio Ificada

Et lorsque Carl Craig le rejoint, le mariage ne prend pas non plus. On en est parfois réduits à se regarder en se disant « tiens, ça, c’est pas trop mal ». On part plus tôt que prévu. Quand deux monstres se reposent trop sur leurs lauriers, on ne peut être que déçus.

Un croc, un verre, et ça repart. Il s’agit de ne pas louper le début de set de Laurent Garnier à la Carène, qui s’est refait une fraîcheur avant d’entamer là son all night long. Pour le coup, la salle est évidemment blindée. Celui que la nouvelle génération de clubbers appelle affectueusement « papa » jouit bien sûr d’une cote monstrueuse, mais est ici chez lui. “Astropolis, on est bien chez vous”, scande-t-il au micro sous les hourras, “c’est ça qui est cool.” Astro et Garnier, c’est une vraie histoire d’amour.astro hiver © Souenellen

astro hiver © Thomas Kerleroux

Mais si on l’aime aussi, il faut bien voir le reste des festivités. On reviendra tout à l’heure. À L’Astroclub, à 300 mètres de la Carène, Sonja Moonear est en train de faire péter la petite boîte brestoise, La Suite, qui accueille l’événement. Avec ses mitraillettes de snares, la Suissesse fait preuve d’une belle créativité, scotche l’assemblée en explorant une techno plus minimale et house.astro hiver © Souenellen

Un des beaux moment du week-end derrière lequel doit passer Randomer. Plus sobre, voire mécanique, son mix contraste avec le grain de folie de celui de Moonear. L’Anglais marque un peu moins les esprits, mais rappelle que la techno UK a son mot à dire à L’Astroclub.


À La Carène Laurent Garnier et le public exultent. Le titre Crispy Bacon, plus tôt, a définitivement décoincé tout le monde. La salle en transe n’a pas vu les 4h de set passer lorsque Garnier pousse un dernier disque : « The Age Of Love (The Jam & Spoon Remix) ». Bras en l’air, cris de joie et sourires sur tous les visages. Un triomphe. La Carène ferme ses portes.
L’Astroclub garde encore au chaud deux pointures pour les plus énervés. Un Benjamin Damage qui saura faire jongler profondeur et puissance techno, puis le duo d’Italiens berlinois pour clore la marche. On part repu, refait (et défait) sur le Serak de Recondite, en croisant les doigts pour cette fois ne pas louper le train du retour… 

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