Sónar 2019 : Ce qu’il ne fallait surtout pas manquer de ces 3 jours de festival démentiels

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Sónar
Le 26.07.2019, à 09h58
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Photo de couverture : ©Sónar
Le week-end dernier, le festival Sónar de Barcelone répartissait sa programmation entre différents espaces aux identités marquées. Petit panorama des moments ayant marqué chacune d’entre elles.

 

Par Servan Le Janne

À peine tiré, le rideau du Sónar a été rouvert dimanche pour un dernier acte. Sur les hauteurs de Montjuic, dans le théâtre grec de Barcelone, Matthew Herbert est venu saluer ceux qui étaient partis dormir, un peu à contrecœur, la veille. Comment ne pas les comprendre ? Depuis que son pays a décidé de quitter l’Union européenne, le compositeur britannique déteste qu’on le pousse vers la sortie. Alors, son Brexit Big Band a lutté pendant une heure et demie contre l’idée de fermeture, qu’elle s’applique aux festivals ou aux frontières. L’hémicycle, sorti de terre en 1929 pour une exposition internationale, était parfait pour cela. 

Affectée par la grève des monteurs de la Fira et l’annulation d’A$AP Rocky, cette édition 2019 aura donc rassemblé 105 000 personnes autour de 140 performances, soit 21 000 de moins que l’an passé. Et comme Matthew Herbert, chaque artiste jouait sur une scène semblant taillée sur mesure pour sa musique. Si Sevdaliza a frappé les trois coups en présentant elle aussi un projet théâtral, quoique plus intimiste, The Great Hope Design s’est épanoui à l’ombre du Sónar Dôme, une longue salle flanquée de rideaux violets, située au fond de la cour de la Fira Montjuic.

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Le dôme

Il est 19 heures, ce jeudi 18 juillet. Alors que Leon Vynehall tabasse côté jardin, l’Irano-Néerlandaise invite une danseuse à l’enlacer. Du fond de cette étreinte, sa voix fait corps avec la contrebasse. Et reste d’une imperturbable justesse quand la grande silhouette engage un pas de deux, puis s’allonge sur le dos vers la fin du morceau “Marilyn Monroe”. Deux jours plus tard, avec un jeu tout aussi magnétisant, l’Américaine vōx se tient en équilibre au bord de la scène. Visage diaphane, mains ouvertes de chaque côtés de sa robe de mariée rouge, elle reprend “Swim Good” (Frank Ocean) sur fond de basses ronflantes. 

Cette touche r’n’b, déjà introduite le vendredi par la Suédoise Cherrie, apporte du mouvement. À mesure que la soirée avance, le beat gagne en régularité sous les coups de boutoirs de Fakethias, les arpégiateurs de Perel ou le nouveau projet rock progressif de Lorenzo Senni, Stargate. En guise de synthèse, et de transition vers la nuit, Theo Parrish fait du Theo Parrish. Débarqué avec un flegme qui confine au faux départ, le pape de la house de Détroit jongle ensuite si habilement entre les genres que la salle ne peut échapper à la danse. Elle est prête à changer de décor.

Le pub 

À l’entrée de la Fira Gran Via, vendredi soir, DJ Seinfeld répand des poussières de soul durant un long voyage techno. De part et d’autre de son t-shirt blanc, des images de galaxies défilent. Au moment où il laisse la place à Underworld, un univers lointain s’ouvre quelques hangars plus loin, derrière les autos-tamponneuses. Sous la Lune à trois-quart pleine du Pub, Jarreau Vandal inaugure une grande phase rap. Une fois le public mis en orbite, Vince Staples prend le micro. Le compte à rebours vétuste de l’arrière-plan est alors éclipsé par des extraits de séries. On peut voir le Californien s’inviter dans South Park, The Office ou encore Seinfeld.

Le samedi, Sheck Wes tape encore plus fort en conviant son frère sur scène. Il ne l’avait encore jamais rencontré avant de venir chez lui, à Barcelone. Pour l’occasion, l’auteur de “Mo Bamba” enfile un maillot du Barça et le mouille jusqu’à un peu plus de minuit. Ce sur quoi, Waajeed confirme via un set house que ses débuts hip-hop sont loin, une diagonale d’ailleurs résumée par le message projeté dans la foulée par Kaytranada : « Du sous-sol à la piste de danse. »

XS 

Pour les invités de la scène XS, la transition est souvent récente. Offert il y a deux ans aux rappeurs locaux, ce petit espace de la Fira Montjuic est aujourd’hui dédié « aux jeunes talents qui ont une proposition radicale », selon la directrice de la communication Georgia Taglietti. Avec, en guise de décoration, une tête de cheval pendue au mur comme un trophée de chasse, les concerts y ressemblent à une fête de quartier qui aurait joyeusement dégénéré.

En ouverture de bal, jeudi soir, le Kényan Slikback propose un dancehall mécanique où s’enchevêtrent indus et drum’n’bass. Sa camarade du label Nyege Nyege, Hibotep, fait preuve du même sens de la déstructuration un jour plus tard, devant une foule chauffée à blanc par le rappeur colombien Ha$lopablito. Discrète chez ce dernier, la musique caribéenne surnage dans le bain d’auto-tune partagé par Deva, Jesse Baez et Lil Moss. Samedi, leur pop hispanique est ponctuée par le rappeur du coin Cecilio G, arrivé à cheval devant une salle comble. 

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Complex 

Quelques dizaines de mètres plus haut, l’ambiance n’est pas tout à fait aussi survoltée. Assis dans le noir de l’auditorium, les spectateurs considèrent en silence des formes géométriques émerger dans le croisement de faisceaux lumineux. Que ressentent-ils lorsque les Canadiens Cadie Desbiens-Desmeules et Michael Dean y ajoutent de la musique abstraite ? Le Japonais Daito Manabe formulait un début de réponse jeudi, en modélisant les effets de la musique sur le cerveau. Avec l’aide du professeur Yukiyasu Kamitan et d’un IRM, il est parvenu à convertir l’activité des neurones en images.

Dans un style à peine moins cérébral, Christian Fennesz – qui a d’ailleurs habité un temps à Barcelone – présente Agora. Devant un fond noir émaillé de vert, où les lignes de codes de Matrix semblent se changer en plante, l’Autrichien dépose une corne de brume distordue au-dessus d’un bruit de machine étouffé. Des voix lointaines achevent de donner un sentiment d’agréable frustration. Un orchestre en sourdine qui ne demandait qu’à exploser, et dont Matthew Herbert a activé le détonateur le dimanche, sur la plus belle des scènes.

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