Des bars qui restent ouverts plus longtemps, l’interdiction de fumer à l’intérieur et la démocratisation des rencontres en ligne sont autant d’éléments faisant que les jeunes préfèrent passer la soirée chez eux — ou, du moins, pas en club. Le journal britannique The Guardian a mené sa propre enquête auprès des jeunes d’Angleterre, en proposant un sondage en ligne : 196 réponses ont été données, dont la majorité (131) sont d’avis qu’une soirée à la maison est préférable à une sortie. Alors, pourquoi la génération Y – soit les personnes nées entre 1980 et le milieu des années 1990 – délaisse les clubs ? Les sondés, tous Anglais, n’ont pas tous répondu à toutes les questions, mais voici quelques-unes de leurs réponses, en leurs propres mots.
C’est trop cher
Beaucoup parlent, pour commencer, de l’augmentation des prix. Lucy*, 25 ans et originaire de Londres, estime : “Pourquoi aller suer dans un club et se limiter à certaines activités nocturnes alors que je peux faire des choses beaucoup plus intéressantes chez moi, pour moins cher et sans désagrément ?”
Quant à ceux qui sortent quand même, ils admettent que c’est en partie parce qu’ils vivent dans une ville abordable au niveau des prix. Helen, 23 ans, de Newcastle : “J’ai la chance de vivre dans un des rares endroits du Royaume-Uni où les soirées sont relativement abordables. Les taxis et les boissons ne sont pas très chers. La vie nocturne de Newcastle est diversifiée et regroupe plusieurs tranches d’âge.”
Harri, 27 ans et de Londres, souligne qu’une soirée à l’extérieur coûte aussi cher que de partir en week-end. “Je pense que danser et transpirer sur de la musique est bon pour le corps et l’esprit. Mais maintenant, vous pouvez partir en week-end pour le prix d’une bonne soirée à Londres, dont vous ne vous rappellerez pas. Et les photos d’un week-end font plus joli sur Instagram.”
De nos jours, les clubs sont pourris
Beaucoup de sondés ont souligné le fait que la musique qui passe en club n’est plus la même qu’avant, comme Scin, 35, Australien : “Les nightclubs ne me manquent pas parce que la musique qui y passe maintenant est merdique.”
Tom, 33 ans, de Londres : “Les videurs sont toujours grossiers et agressifs sans raison ; les DJ’s jouent ce qu’ils veulent et pas ce que les gens ont envie d’écouter ; les boissons sont excessivement chères. La dernière fois que je suis allé à la Fabric, la musique était bonne, mais je me suis rendu compte en sortant que c’était du vol.”
Ceux qui ont répondu ont également exprimé une préférence pour les “big nights” et les festivals, où ils peuvent passer du bon temps avec leurs amis, contrairement à beaucoup de soirées en club. Blaynos, Londonien de 26 ans, a commenté : “Je préfère dépenser mon argent en bonne bouffe plutôt que dans des clubs hors de prix, et chiller à la maison avec mes potes.”
Les clubs sont “impersonnels”
Plutôt que de se voir appartenant à une génération collée aux écrans, la plupart des jeunes qui ont répondu estiment que les clubs ne sont simplement pas assez personnels. Après une longue semaine, ils préfèrent passer du temps avec leurs amis plutôt que de mettre une barrière de musique trop forte entre eux.
Sarah, 30, de Bristol : “Je préfère voir mes amis en face à face plutôt que l’on soit assis chacun chez soi à se parler sur les réseaux sociaux. Je n’utilise pas beaucoup Facebook et mes relations se sont bonifiées maintenant que je fais l’effort de sortir pour voir mes amis. J’aime la musique, et je préfère aller en concert : c’est le seul moyen de garder les artistes en vie aujourd’hui.”
Harriet, 26 ans et originaire de Manchester, a commenté : “Ayant fini mon master récemment, je me retrouve soudainement dans une ville où je ne connais pas grand monde. Du coup, quand je vais voir mes amis, c’est sympa de s’asseoir et de discuter plutôt que de finir complètement saouls. On est tous très occupés, donc on évite de gâcher nos retrouvailles en se mettant saouls.”
Sortir rend anxieux
Une petite majorité trouve tout simplement la scène nocturne trop stressante. Dave, 19 ans, de York : “Je trouve l’ambiance dans les pubs trop écrasante, et celle des clubs trop oppressante de par le bruit et les gens. C’est plus facile pour moi de parler à mes amis via Skype ou Facebook, plutôt que de me forcer à sortir et à me mettre dans des situations inconfortables pour moi.”
Abi, 24 ans, de Bath renchérit : “Je trouve les clubs totalement écrasants. Je ne peux pas parler, les gens sont perdus ou défoncés et ça fini souvent avec moi qui essaie de retrouver mes amis… pour finalement partir parce que je n’en peux plus.”
Sirena, 25 ans, estime que, tandis que les générations précédentes ont pratiqué l’hédonisme et étaient capables de passer trois jours à une grande soirée, les jeunes d’aujourd’hui se désépèrent d’atteindre des buts qu’ils se sont imposés, faisant des soirées un plaisir presque malsain. “Aussi, je pense que passer du temps avec ses amis est devenu rare et précieux, les jours de travail étant devenus plus longs et les villes plus grandes.”
Michael, 33 ans et de Leicester, ajoute : “La vie à la maison est beaucoup plus relax de nos jours, parce qu’on n’est plus obligés de sortir pour parler à ses amis, et on peut parler à n’importe qui gratuitement sur Internet. Les réseaux sociaux et les messageries nous auraient coûté une petite fortune si on les avait utilisés de la même manière à l’époque.”
La sécurité et la santé sont mises en cause
Force est de constater, et c’est sûrement compréhensible, que ces raisons affectent davantage les femmes. Ashley, Londonienne de 21 ans, a joliment résumé la situation : “En tant que fille, sortir en club peut vite devenir ennuyeux voire effrayant si tu dois constamment te tenir à l’écart des gens saouls qui essaient de t’approcher. Je n’ai pas à me préoccuper de ça quand je ne sors pas.”
Mina, 19 ans, de Walsall, aquiesce : “Ne pas aller en club signifie que tu es moins susceptible de voir ta boisson renversée par des gens mecs bizarres qui essaient de t’aborder. À la place, tu peux parler à tes amis sans avoir à crier par-dessus la musique.”
Pour quelques-uns, la question de la santé est également un facteur important. Alex, 27 ans, d’Essex : “La raison pour laquelle on est moins intéressés par les clubs est due aux réseaux sociaux, sur lesquels on est surexposés et où on se préoccupe donc de la manière dont le monde nous perçoit. Cela nous empêche d’être naturels en club, de peur qu’une photo désavantageuse de nous se retrouve en ligne le lendemain. Il y a également la pression de ne pas boire à cause des gens à qui l’on se compare, qui ont des boulots, des relations et un mode de vie sain.”
Alice, 28 ans, de Manchester, a commenté : “Le succès actuel des modes de vie sains met une réelle pression et marque un vrai tournant. Quelques verres entre amis, c’est sympa, mais c’est mieux de sortir pour aller manger quelque part.”
On est tous trop fatigués !
La dernière raison évoquée par beaucoup de jeunes ? L’épuisement. Cela ressort surtout ces derniers temps, particulièrement chez les étudiants qui passent encore des examens. Emily,18 ans et de Solihull, a dit : “Je travaille dur pendant la semaine pour mes examens, et je passe la majorité de mon samedi à faire du sport. Du coup, quand je pourrais sortir le samedi soir, je suis trop fatiguée.”
Leah, 18 ans, de Newcastle ajoute : “Sortir demande trop d’efforts. Je préfère chiller et me relaxer après le stress des devoirs. C’est aussi le bon moment de regarder ou d’écouter des choses que j’ai pas eu le temps de voir pendant la semaine. Et puis, c’est toujours trop cher de sortir.”
Brie, 21 ans, de Sheffield, était dans une situation similaire, et dit qu’elle ne pouvait pas se permettre un mal de crâne le matin alors qu’elle faisait encore ses études. “Une tasse de thé et des biscuits devant la télé, c’est plus confortable que d’attendre d’être servie dans un club.”
Pour les plus âgés, c’est tout aussi épuisant, car il faut se maintenir au niveau du marché du travail. Ruth, 22 ans et originaire d’Édimbourg : “Avec un environnement de travail compétiteur et tout le monde qui cherche un job où il faut de longues études, je ne peux pas m’imaginer être trop fatigué alors que je dois être performant. Aller dans des bars et dans des clubs est trop cher, tout le monde est trop occupé et s’inquiète de savoir s’il va falloir hypothéquer sa maison ou s’il pourra avoir des enfants s’il dépense de l’argent en club toutes les semaines.”
Et en France ?
Les années 80 sont toujours assimilées à l’âge d’or des clubs. La Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique) a estimé dans une étude à
4 000 le nombre de clubs au début des années 80, quand aujourd’hui il n’en reste que 2 000. Il semble par ailleurs que le déclin des clubs s’applique à une partie de l’Europe.
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*Lucy ne s’appelle pas réellement Lucy ; de même que les autres.
Source : The Guardian