Ce papier est initialement paru dans le numéro #224 de Trax, à retrouver sur le store.
C’est une petite bouteille verte qu’on remarque à peine tant elle pourrait passer pour une simple bière. Un comble, puisqu’on la trouve sur absolument toutes les tables de Corée du Sud. Le soju est en effet la boisson alcoolisée la plus populaire du pays, vendue à un prix avoisinant les deux euros pour une bouteille de 35 cl et bue partout, tout le temps, parmi toutes les classes sociales. Les Coréens la consomment en quantités telles que cette boisson au goût assez doux détient un record impressionnant : le soju est le spiritueux le plus vendu au monde.
Chaque année, il s’en écoule en moyenne 650 millions de bouteilles pour la seule marque Jinro, leader sur le marché. Un chiffre astronomique qui s’explique notamment par le fait que la liqueur en question n’est pas un alcool comme les autres. « Je me dis toujours que le soju est un peu comme une licorne », lance Julia Mellor, une Australienne venue s’installer il y a plus de dix ans à Séoul pour travailler dans le domaine des alcools coréens pour l’entreprise The Sool Company. « C’est une boisson qui est perturbante pour nous parce qu’elle se situe entre plusieurs catégories », explique-t-elle. « C’est un alcool distillé, comme le whisky ou le rhum, mais qui a la particularité d’être descendu jusqu’à un pourcentage d’alcool assez faible, entre 17° et 25°. Mais le soju se boit comme un alcool fermenté, en mangeant, à la façon d’une bière ou d’une bouteille de vin. C’est un croisement étrange qui n’aide pas vraiment les étrangers à s’y retrouver ».
Le soju c’est de la rosée.
Slogan de la marque Jinro
Une chose est sûre, il suffit de passer quelques soirées à Séoul pour comprendre que le soju est le carburant essentiel des nuits de la capitale. Depuis des années, les plus grosses marques du secteur investissent d’ailleurs des millions pour sponsoriser la plupart des stars de la K-Pop et pousser la jeunesse coréenne à lever le coude. Le soju est ainsi systématiquement associé à la fête, que ce soit pour un simple afterwork ou pour des soirées sans fin dans les clubs de Séoul. « Tous les Coréens connaissent leur nombre : ils savent exactement combien de bouteilles de soju ils peuvent boire au maximum dans une soirée. Dans leurs veines, c’est 50 % de sang et 50 % de soju », plaisante Julia Mellor.
L’année dernière, c’est même le rappeur américain d’origine coréenne Jay Park qui sortait un hit baptisé “Soju” à la gloire de sa boisson préférée, regrettant sans doute que l’alcool en question ne soit pas plus facile à trouver en dehors de son pays d’origine. Mais les choses pourraient rapidement évoluer. « La demande d’exportation est de plus en plus forte en Europe et une distillerie de soju vient même d’ouvrir à New York », commente Julia Mellor. Promis, d’ici quelques années, nos nuits auront elles aussi un goût de soju.