Rotterdam Terror Corps : « Le gabber est la musique que vos parents détestent »

Écrit par Jean Gueguen
Photo de couverture : ©Max van Dongen
Le 02.03.2020, à 13h01
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©Max van Dongen
Écrit par Jean Gueguen
Photo de couverture : ©Max van Dongen
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Le festival Paco Tyson regagne ses chapiteaux enchantés du domaine de la Chantrerie près de Nantes les 10 et 11 avril prochains. Parmi une programmation mêlant locaux talentueux, pointures internationales d’aujourd’hui et légendes des musiques électroniques, un show bien particulier est à attendre, celui du Rotterdam Terror Corps. George Ruseler, alias DJ Distortion, principal producteur du groupe, revient sur ce que c’est d’être gabber, un mouvement dont ils ont été pionniers.

La valkyrie de la techno française Anetha, l’expert du modulaire Colin Benders, l’OVNI King Doudou, la house d’Octo Octa, la légende belge CJ Bolland, sans oublier cette sacrée DJ Marcelle le jeudi… Ce sont quelques-uns des artistes que Nantes aura la chance de recevoir à l’occasion de la quatrième édition du festival Paco Tyson du 9 au 12 avril prochain. Dans cette liste alléchante, il faut inclure les légendes du gabber, le Rotterdam Terror Corps.

Rotterdam Terror Corps
©D.R.

Créé en 1993 et mené depuis par George Russeler, alias DJ Distortion, le RTC est un groupe de hardcore néerlandais. Ses créateurs comptent parmi les pionniers du mouvement gabber, appellation hollandaise de la techno hardcore. Celle-ci est reconnaissable à son tempo rapide (entre 160 et 185 BPM), à son kick distordu et saturé et à ses samples suggestifs. Le RTC est aussi le premier liveshow gabber, une recette explosive combinant DJ, MC et des danseuses dénudées caressant la pornographie et s’essayant à la pyrotechnie. 

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©Wouter Van Vaerenbergh

Ce spectacle riche en émotions cherchait à l’époque à rompre avec la monotonie du tout-DJ, comme l’explique George Ruseler : « En 1993, j’étais encore principalement promoteur de soirées, et je trouvais que ça manquait de quelque chose qui marque la nuit. À l’époque les DJs ne grimpaient pas sur leur deck et ne sautaient pas dans la foule, ça manquait un peu d’action. Jusqu’au soir où on a vu un DJ jouer avec un MC qui faisait vraiment le show. On est parti de cette idée, et on a ajouté des danseuses pour créer une ambiance sexy. J’ai pensé que ce serait marrant, que ça choquerait, et ça a été le cas. Ça, c’est gabber, aller vers l’inattendu, faire ce que personne d’autre ne ferait ».

« Gabber veut dire bon copain »

Acteur de premier plan de la scène gabber, le Rotterdam Terror Corps affiche fièrement ses origines. « Le gabber est historiquement lié à la ville de Rotterdam. Ici, nous avons ce dicton, “déconne pas, travaille”. Nous avons un goût prononcé pour les sons industriels de la ville. Pas besoin que ce soit beau ou agréable, ça doit être efficace, comme le gabber. Si tu veux faire le fou, mets tes fringues de sport et fais le fou tout le week-end. Une soirée, c’est comme courir un marathon pour le plaisir. Et si tu cours, il faut de la musique pour garder la cadence. C’est pour ça que le gabber est toujours plus rapide, plus dur et plus fou », professe George Ruseler dans la bonne humeur.

Il a beau courir à toute allure, le gabber rassemble une communauté soudée de fêtards partageant l’amour des musiques extrêmes. Mais peut-être, au-delà, quelque chose qui pourrait s’apparenter à un mode de vie à part entière, si l’on en croit George Ruseler. « En hollandais, “gabber” signifie “bon copain”. Si tu te retrouves avec 10 ou 15 personnes qui portent les mêmes Nike Air Max 90 que toi, des fringues The Australian, un t-shirt ou une casquette hardcore, c’est que tu es entouré d’amis. Et quand on croise quelqu’un dans la rue habillé comme ça, on se salue automatiquement. C’est l’esprit du gabber. On sait ce qu’on veut, on sait ce qu’on aime, on est une grande famille. Le reste on s’en fout. Le travail n’importe pas, l’école n’importe pas, vivre pour le hardcore, ça c’est une vie ! »

Et si seules comptent la passion pour la musique et la communion dans la danse, c’est peut-être parce que la fête à grand bruit remplit une fonction d’équilibre social et que les excès technoïdes servent d’exutoire, de soins palliatifs à des individus subissant l’enfermement dans une routine laborieuse. « C’est une musique créée pour libérer la colère. Pour faire les fous après cinq jours de dur labeur. C’est un déchaînement positif. Mieux vaut se lâcher sur le dancefloor que faire n’importe quoi ». Le hardcore n’est jamais qu’un hurlement festif dans la nuit, il aboie plus qu’il ne mord.

« La distorsion, c’est toujours cool »

En 2018, le Rotterdam Terror Corps célébrait ses 25 ans d’agitation musicale avec une compilation RTC Is the Legacy. À l’actif de cet héritage : 11 albums studio, une quarantaine d’EP, des titres aussi suggestifs que “God is a Gabber”, “We’re Gonna Blow Your Mind”, “Raveworld” et “The Horror” ; un merch iconique arborant moult têtes de mort ; un documentaire Vice en 2015 dédié au groupe « le plus badasse de Hollande »… Le RTC a été une aventure collective autour de laquelle ont gravité les pionniers du hardcore hollandais tels The Headbanger, Paul Elstak et bien d’autres.

Quand bien même cette dimension vénérable que donne le recul sur ces quelque 25 années d’activités, le motto reste de “faire vivre la scène underground”. George Ruseler revendique : « Notre musique sera toujours un marché de niche. Nous sommes la demi-sœur hideuse de l’EDM et nous devons le rester. Dès que le gabber, alias le hardcore, alias pléthore d’appellations, devient agréable et beau, on arrive très vite au hardstyle, puis à l’EDM commerciale. Notre musique est celle que vos parents détestent ».

D’où cet amour de la distorsion du kick et de la basse dans le hardcore. « La distorsion, c’est toujours cool quand tu veux faire paraître un son plus effrayant ou agressif. C’est pas du joli, c’est dur et c’est ce qu’on recherche. C’est pour ça que je trouvais intéressant de m’appeler Distortion, c’est un nom très hardcore ».

Un spectacle à attendre de pied ferme à Nantes

Le spectacle du Rotterdam Terror Corps se produisait pour la dernière fois en France à l’Insane festival de Toulouse en 2017. Il revient au grand complet le vendredi 10 avril pour Paco Tyson à Nantes, dans le chapiteau Mutation du site de la Chantrerie. Ce domaine sauvage que retrouve le festival nantais pour cette quatrième édition, après en avoir été amèrement séparé l’an dernier, saura sans nul doute donner pleine liberté d’expression aux légendes du RTC. 

George Ruseler promet d’ailleurs un show « hardcore jusqu’à la mort » et attend les Français au tournant. « On adore le fait que les Français font toujours la fête à fond, vous prenez la musique au sérieux et c’est gratifiant ». Ce sera peut-être également l’occasion pour le RTC de tester les nouvelles productions sur lesquelles ils travaillent et qui pourraient donner lieu à un album dans l’année. Rendez-vous à la Chantrerie pour le savoir.

Toutes les informations sont à retrouver sur le site internet de Paco Tyson ou sur la page Facebook de l’événement.

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