Le 22 juin 2019 à 04h30, sur le quai Président-Wilson à Nantes, Steve Maia Caniço, 24 ans, mourrait en se noyant dans la Loire suite à une charge des forces de police lors de la Fête de la Musique.
Tek’Steve’All, le teknival revendicatif et commémoratif, annoncé du 11 au 13 octobre 2019, s’est déroulé à quelques kilomètres du centre-ville de Nantes, sur la frontière avec la commune de Sainte-Luce-sur-Loire. Les organisateur.rice.s ont ciblé l’immense prairie des Mauves, située symboliquement en bord de Loire, pour recevoir les quelques 17 000 participant.e.s et acteur.rice.s du mouvement free party. Trax a fait le déplacement jusqu’en Pays de la Loire pour suivre ce grand rassemblement illégal dans son intégralité. Dans un entretien avec le maire de la commune, Jean-Guy Alix admet « d’abord son étonnement » quant au déroulement du teknival sur sa commune. Puis, une fois sur place, il a « été assez surpris de la tonalité, de l’ambiance bon enfant de cette manifestation, où [il] a senti tout de suite qu’il y avait un fort courant d’amitié ».
Vendredi 13 octobre à 21h00, c’est sur le parking du centre commercial Paridis à Nantes que le point de rendez-vous est donné par l’info-line. Les participant.e.s se regroupent au compte goutte, jusqu’à 00h23, heure de départ du gigantesque convois. L’immense succession de poids-lourds, camions et autres véhicules s’engage sur le périphérique nantais en direction du site convoité. Une équipe d’organisateur.rice.s était déjà sur place pour déblayer le terrain, et se tenir prêt à accueillir les premiers soundsystems. Près de 5 kilomètres de bouchon se forment alors assez rapidement…
Une centaine de collectifs venus de la France entière installe un total de 37 façades tout au long de la nuit. Le petit matin met en lumière les nombreuses banderoles, pancartes et décorations revendicatives et contestataires en matière de juridiction des free party, ainsi que commémoratives en l’honneur de Steve.
Pour la première fois lors d’un teknival, une vraie scène digne d’un festival a été installée, où des concerts et des prises de parole étaient prévus le samedi soir. Un hommage commémoratif collectif sur chaque façade a été acté pour le samedi soir à 00h, après que Les Ramoneurs de Menhirs, aient joué spécialement pour l’occasion. 37 discours ont été prononcés simultanément, suivi du morceau punk Porcherie de Bérurier Noir, conclut par une minute de silence en hommage à Steve Maia Caniço.
Dimanche 13 octobre, après 48 heures au rythme de la musique techno et une météo plus que clémente, d’un accord tacite le dernier DJ de chaque façade coupe le son vers 17h00. La nuit tombe doucement, alors que le matériel est déjà démonté et rangé, prêt à reprendre la route. Sur les coups de 22h30, même méthode, mais en sens inverse, un tout aussi impressionnant convois se forme à nouveau, pour cette-fois ci, quitter massivement le site sans risquer de se faire contrôler avec un potentiel risque de saisie du matériel par les autorités.
Un hommage revendicatif réussi et sans incident
Un coordinateur du teknival déclare un bilan positif : « au niveau de la préfecture, on a réussi à se faire entendre. Nous avons pu prouver que le mouvement sait s’autogérer en parfaite autonomie. Qu’il est possible de faire une soirée en réunissant des milliers de personnes durant 48 heures, sans forcément devoir respecter des conditions et des normes qui nous imposent des frais, en rapport avec le système actuel [de législation en matière de sécurité] ».
« Au niveau de la prévention et de la Réduction Des Risques (RDR), donc de l’aspect sanitaire, nous étions au même niveau que certains événements légaux type festival, boite de nuit, discothèque, etc. », ajoute le coordinateur. Les associations Prév’en Teuf, Orange Bleue, L’Amicale et Korzéame s’étaient réunies sous la tutelle de Techno+, au travers de 35 intervenants volontaires présents, pour assurer un stand de prévention et d’information sur les pratiques à risque en milieu festif, ainsi qu’un espace chill-out. « La préfecture quant à elle, assure son obligation légale de mettre en place les moyens nécessaires prévisibles. Les sapeurs pompiers et la protection civile, accompagnés par l’Ordre de Malte et la Croix Rouge étaient donc mobilisés afin d’articuler au mieux l’action entre les pouvoirs publics et les associations de prévention », nous explique un intervenant de Techno+. Un total minime de dix interventions type bobologie a été rapporté.
Le maire de 73 ans, passionné de musique classique, partage l’avis des riverains qui « viennent de passer deux nuits difficiles », en tempérant que « deux mauvaises nuits dans l’année, ça reste exceptionnel ! » Outre ces nombreuses plaintes de voisinage (près de 200) pour nuisances sonores, les organisateur.rice.s et participant.e.s ont promis de rendre, comme à leur habitude, le site aussi propre qu’à leur arrivée. Les sacs poubelles ont été réunis en « îlots », tandis qu’un service de ramassage est prévu en accord avec la mairie dès le lundi, comme expliqué dans cette vidéo.
« Steve a veillé sur nous et nous a offert un week-end en or, pour lui rendre cet hommage, digne des valeurs véhiculées par le mouvement free party depuis bientôt 30 ans », conclut le coordinateur.