[Report] Quand le parrain de la psytrance Raja Ram fête ses 75 ans à Tel Aviv

Écrit par Thémis Belkhadra
Photo de couverture : ©Thémis Belkhadra
Le 21.04.2016, à 15h33
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©Thémis Belkhadra
Écrit par Thémis Belkhadra
Photo de couverture : ©Thémis Belkhadra
Mercredi 6 avril, un événement historique se tenait au Block Club de Tel Aviv. C’est dans cette salle – qui compte parmi les plus dingues du monde – que le surnommé “parrain” de la psytrance, Raja Ram, est venu fêter ses 75 ans. Voilà plus de quarante ans que cet Australien déjanté consacre sa vie à la culture psychédélique, depuis ses tendances rock aux plus électroniques. Nous étions là-bas pour fêter cet événement ; l’occasion de revenir sur une carrière longue, sinueuse et faite de succès autour d’un set aux airs de voyage planant, en plein cœur de la culture psychédélique.

C’est contre toute attente dans un club techno que Raja Ram avait donné rendez-vous à son public pour célébrer son 75e anniversaire. Mais comment se plaindre de découvrir cet ensemble de trois salles, uniques en tous points, dans lequel le son est seul maître ? Caché derrière un quartier défavorisé de Tel Aviv, le Block Club se situe dans un immense complexe urbain qui allie gare centrale et centre commercial.

Bienvenue au Block Club

Dès l’entrée, l’odeur d’encens annonce que la techno cède sa place ce soir, et rappelle les racines indiennes de la trance psyché. La soirée démarre sur le Block – la scène principale – habillé d’un ciel galactique et orné d’un tunnel lumineux qui émerveillera la foule toute la nuit. Un live psybient, servi par les talentueux Group of Light, accueille les premiers arrivants sous des lasers multicolores.

Mise en bouche psybient, en live avec Group of Light, sous un laser-show hypnotique.

L’énorme système son du Block Club est unique au monde. Il impressionne tout de suite par ses six tours hautes de deux mètres, à portée de main (et de tête), mais surtout par la profondeur des rafales qu’il supporte. Le son envahit la salle sans oublier un espace, grâce à des rappels éparpillés aux quatre coins du dancefloor.

Raja RamLe Squat

Dans le Squat – une seconde salle – la psytrance tape déjà bien fort. Un DJ résident en extrait ses sonorités les plus darks, parfaitement ajustées pour cette salle obscure, profonde et emplie de fumées opaques.

La troisième salle, le Lounge, est aussi le fumoir du club. Il propose ce soir quelques sets house et techno moins fous, qui créent une rupture brute mais agréable. Du fond d’un canapé, apprécier une cigarette dans cette salle sonorisée procure une sensation qu’on ne connaît que trop peu à Paris – où nos fumoirs ressemblent, pour la plupart, à des placards.

Empirikal accélère le tempo clope au bec.

Le duo Empirikal prend la suite sur le Block et la salle est pleine à craquer. Ils font doucement monter la foule avec un set progressif et rythmé, préparant peu à peu l’entrée du grand Raja. Vers deux heures, c’est sous un tonnerre d’applaudissements et de cris hystériques qu’il fera son apparition sur scène.

La réactivité du public est incroyable. Une jeune fille s’arrache les cheveux au premier rang et une armée de flashs se monte sous ses yeux. Il faut dire que la carrière de Raja Ram court depuis plus de quarante ans. Il est une véritable star dans ce pays, où la psytrance est très populaire, et où il organise chaque année son T.I.P Festival.

Le public devient fou à l’arrivée de Raja Ram derrière le deck.

À propos de Raja Ram

Bercé et élevé dans la culture hippie, Ronald Rothfleld aka Raja Ram a passé une partie de son enfance sur la route des beatniks entre l’Inde et l’Europe. Il retrouvera l’Australie un peu plus tard et s’initiera à la flûte traversière, son instrument fétiche, qu’il ne quittera plus jamais. En 1969, il fonde Quintessence, un groupe de rock psychédélique qui écumera les scènes du monde entier. Ses membres se produiront aux deux premières éditions du festival de Glastonbury, et croiseront les chemins de David Bowie, Led Zeppelin ou encore The Who. Raja Ram retournera finalement à une vie plus calme et classique, dix ans plus tard, en Australie.

Dans les années 80, l’acid house et la techno ravivent son amour pour la musique qui s’était un peu amenuisée. À Goa, il rencontrera Goa Gil, père fondateur de la rave party et de sa communauté, avec laquelle ils donneront naissance à la trance Goa quelques années plus tard. En 1994, il fonde son label, T.I.P Records, qui ne cesse depuis de gagner en popularité.

Son projet le plus significatif est sans nul doute Shpongle, celui qu’il mène depuis 1996 avec Simon Posford (aka Hallucinogen). Leur style unique marie des influences électroniques, world et rock : une rencontre entre Pink Floyd et Ravi Shankar… sous acide. Véritable révélation pour de nombreux artistes, ce projet a donné naissance à la scène psybient, qui compte depuis de multiples sous-genres.

Du haut de ses 75 ans, Raja Ram prend les platines en main comme s’il n’avait jamais vieilli. La foule s’affole plus vite que la musique. Le DJ tentera tant bien que mal d’ignorer, tout au long de son set, les flashs, les fans insistants, et même les voleurs de disques.

Raja Ram

À l’ancienne, il mixe ses CDs les uns après les autres, proposant un voyage spatio-temporel au cœur de la culture psychédélique et de ses projets personnels. Il démarrera sur un rock planant, nous transportant à ses racines dans les années 60, quelque part entre San Francisco, Sidney et Katmandou. L’Australien enchaîne avec des titres goa, de l’époque The Infinity Project. Puis apparaissent la progressive, la full-on et quelques titres de 1200 Micrograms, le projet qu’il partage avec Chicago.

Il posera (évidemment) le remix/tube de “Free Tibet” par Vini Vici, qui aura (évidemment) l’effet d’une bombe sur le dancefloor. Mais c’est le rework de “Divine Moments of Truth” par Shpongle, véritable hymne psychédélique, qui emportera définitivement la foule.

Raja Ram

À chaque mélodie ou nouveau kick, Raja Ram grimace, s’agite et joue comme un véritable showman. Accompagné d’une lampe torche qu’il secoue dans tous les sens, il traduit chaque mouvement du son par une gestuelle. L’énergie incroyable qu’il dégage est inédite, et d’autant plus surprenante pour un artiste de son âge. De cette soirée, on retiendra avant tout la qualité du soundsystem et du light-show proposés par le Block Club, mais aussi celle de ce set historique signé Raja Ram, qui aura su rassasier tous les amoureux de musique musclée, naïve, et psychédélique bien sûr.

Raja RamRaja Ram, en extase.

Astrix reprendra plus tard les platines du Block avec un set plus qu’appréciable, bien que prévisible puisque composé en grande partie de son très bon nouvel album He.artIl mettra en avant une musique plus gentille, faite de rythmes moins tendus et de mélodies originales. À mesure que la salle se vide, une énergie plus chaleureuse prend le main floor. On a rangé sa caméra et les sonorités tribales proposées par le génial producteur ont capturé les corps et les esprits qui bénéficient de plus de place pour s’exprimer.

La soirée se terminera quelques heures plus tard sur de très bonnes notes, entre les trois salles magiques du Block Club, un véritable temple de la musique électronique au Moyen-Orient.

Raja Ram

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