Ces derniers jours, se balader place de la République à Paris revient à pénétrer dans un monde bien différent de d’habitude. Une mutiplicité de gens s’y rassemblent, des stands y poussent où l’on peut rejoindre et s’atteler à différentes activités (sérigraphie, cuisine, atelier d’écriture…). Ou se désaltérer entre deux tracts échangés.
En ce lieu, et peu importe la génération, on croit à un changement qui peut paraître utopique, mais qui ici s’organise de façon concrète et dynamique, sans violence mais avec bienveillance. La question de la dignité humaine semble à elle seule être le moteur des discussions qui animent la place.
En fin de soirée, le rendez-vous de l’Assemblée Générale réunit jusque dans la nuit près d’un millier personnes. C’est désormais le poumon de la place. Chacun peut prendre la parole durant deux minutes pour y exprimer ses idées ou faire des propositions, qui pourront ensuite être développées en groupe plus restreint au sein des Commissions (“commissions démocratie”, “journalisme”, “musique”…).
Ce vendredi soir, tandis qu’un côté de la place cogite, l’autre s’agite. Le sound system de La Tartiflette et High Kick, deux collectifs parisiens issus de la culture free, a été invité par l’Assemblée Générale. Moyen d’expression au même titre que les discours, la musique envahit l’espace public et rameute aussitôt jeunes et moins jeunes.
“Il existe différentes formes d’expression, et la musique, bien orientée, peut transmettre des messages et des revendications au peuple”, explique un des membres de La Tartiflette. “Par la musique, on peut essayer de faire réfléchir les gens autrement, et les amener à se poser des questions”.
Alors que la nuit tombe, ce sont les sons acid, les mélodies trance et les rythmes techno qui rebondissent sur les façade de République, drainant sans cesse plus de monde face aux enceintes. Après quelques mots criés au-dessus des basses, on comprend vite que les raisons de la présence de ces technoïdes du jour varient. Certains sont là pour les Nuits Debout et y participent depuis plusieurs jours. D’autres ne sont venus que pour la musique et pour l’ambiance.
Âgé d’une quarantaine d’années, un homme raconte, une bière à la main et tout sourire, qu’il est là car il “trouve formidable qu’il y ait une vie associative qui se crée autour de certaines problématiques, et qu’on y réfléchit aussi bien dans la joie qu’avec de bonnes idées”. Quoi qu’il en soit, le pari de “rattacher la jeunesse au mouvement Nuit Debout”, énoncé par l’un des membres du High Kick crew, semble être réussi.
Un petit peu plus loin, alors que le Palais des Possibles se construit à l’aide de planches et de clous, la fête semble battre son plein dans la “Bulle”. Au menu pour la soirée pour cette structure gonflable nomade : la projection du documentaire Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi, une jam session et un DJ set intimiste et chaleureux. “On a voulu créer une scène alternative pour permettre à ceux de l’Assemblée Générale de venir écouter du son et se détendre aussi un peu. On a proposé cette sorte d’agora éphémère pour participer au mouvement et ouvrir à d’autres disciplines que la fête”, explique l’un des organisateurs.
Une alliance de la culture du dancefloor et du politique que nous évoquons dans notre numéro d’avril, et qui semble ici prendre totalement corps. Et si ce fut là une première pour les Nuits Debout, l’initiative, portant avec elle les mêmes germes de contestation, pourrait bien être réitérée.