[REPORT] Le Peacock Society Festival vu par la Trax team

Écrit par Trax Magazine
Le 17.07.2015, à 16h29
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Écrit par Trax Magazine
Le week-end dernier s’est tenue sur deux nuits la troisième édition du Peacock Society, le festival du parc floral de Vincennes. 30 000 personnes au total, deux soirs de fête, de warehouses et de scènes extérieures, de line-up doré et de rebondissements.

Avec la scène Off The Trax qui nous y était confiée, impossible pour l’équipe de Trax Magazine de ne pas venir pointer ses oreilles. Par contre, très difficile de rester grouper avec une foule aussi compacte que celle qui s’est amassée dans les grands espaces offerts par le Peacock Society. C’est donc éparpillée aux quatre scènes du parc floral que la rédaction s’est déployée sur les deux nuits du 10 et 11 juillet. Trois paires d’oreilles et six yeux vous racontent les aventures qu’ils ont vécues.

Peacock Society (c) Yulya Shadrinsky[/caption]

Le vendredi de Sophia

Tout commence sous de meilleurs auspices : des vigiles agréables, de jeunes gens joyeux, un staff aussi enthousiaste que les festivaliers, et un temps clément. Pour cette troisième édition du festival (la première, à titre personnel), les petits plats sont mis dans les grands. Et il y en a pour tous les goûts. Du coté des deux immenses et moites warehouses, d’aucuns peuvent s’abreuver des têtes d’affiches qu’on est toujours ravis de (re)découvrir. Malgré les incidents causés par des trouble-fêtes à coté de la plaque, l’ambiance est plutôt bon enfant — pour un festival parisien. Les allées serpentesques où se rencontrent les festivaliers sont peut-être les endroits à éviter scrupuleusement. C’est clownesque, drôle et un peu flippant. Si certains sociétaires du Peacock souhaitent faire ami-ami avec de nouvelles personnes — ce qui est on ne peut plus légitime — ils se retrouvent alors autour des zones chill-out, parfaites pour créer des liens avec l’inconnu d’à côté. Pour notre part, ces zones-là, nous nous contentons de les survoler. Parce qu’en dépit de notre incommensurable amour des autres, notre présence au Peacock se justifie d’abord par la musique.

Peacock Society

Ce qui est beau dans ce festival, c’est l’équilibre de la programmation : les warehouses sont dévolues aux têtes d’affiches, aux DJs superstars qui font bien leur travail. Mais les deux plus petites scènes — programmées par Resident Advisor et Trax Magazine — paraissent bien plus expérimentales, tordues et fascinantes. Et dans ces deux dernières, les claques que l’on y a reçues sont monumentales.

Peacock Society

Alors que les toujours efficaces Seth Troxler, Margaret Dygas, Loco Dice et Maya Jane Coles officient tant bien que mal entre deux alarmes incendies, nous choisissons d’abord de voir se transformer le ciel parisien en dancefloor londonien. Scratcha DVA, DJ Q et les DJs du label parisien [re]sources donnent des couleurs au Peacock, et éclaboussent de leur énergie un public déjà conquis. Vendredi soir, basses dans les viscères, corps sautillants et sourires comblés, nous nous téléportons à Londres. Puis nous sommes allés à New York, enfin presque, dans le club Resident Advisor dont l’extrême chaleur en a repoussé certains. Ils ont eu tort. À l’intérieur du très moite bocal en verre, l’ambiance était folle, électrisante. Du live de Vril à l’incroyable B2B entre le vétéran de la techno Adam X et DJ Pete, en passant les brumes vaporeuses et dégingandées de Marcelus, la scène Resident Advisor nous a retourné comme une crêpe. Nous étions hors du temps et de l’espace, dans un ilot cosmique et caniculaire.

Enfin, autour du 6h du matin, passage obligé par l’éternel parrain Laurent Garnier, qui comme ses confrères a fait son travail… Même si le “Black Water” d’Octave One a évidemment fait son effet, une part de notre cœur demeure coincée dans ce bocal moite, une autre dans un ciel londonien tout proche. The Peacock Society, polymorphe, a eu le mérite de s’adapter aux aspirations de chacun. Le mélomane et le fêtard — l’un n’excluant évidemment pas l’autre — y trouvent leur compte.

Le samedi de Roxanne

Le réveil vaseux du samedi matin, les jambes encore engourdies et les oreilles hurlant l’acouphène de la veille, ont failli gagner sur l’envie d’y retourner. Mais c’est justement en pensant à ce retournement violent et encore perceptible que mes lacets se sont faits comme des grands. En marche moussaillon. Le schéma d’il y a à peine 24 heures se répète, l’entrée coule et c’est reparti pour un tour.

La foule préférant un bain de kilowatts s’est réfugiée dans les deux immenses cavernes où les techniciens de lumière nous prouvent qu’ils sont décidés à nous faire exploser un 14 juillet digital en intérieur. The Hacker est en forme, il s’immisce à coup d’électrodes dans notre cerveau avant de laisser place à un Kyle Hall qui démarre tout en douceur. Comme un sablier humain, les halls se vident et se remplissent au gré de leurs caprices auditifs. L’humeur est aussi excitée que celle de la veille, il faut que ça tape. Du côté de notre bocal Resident Advisor, DJ Marfox et son kuduro nous font malheureusement tourner un peu en rond : la brutalité de la veille n’est plus qu’un souvenir brumeux. À 4h10, Answer Code Request peine à déchaîner cette foule peu réceptive à sa subtilité mécanique mais réussi tout de même à séduire quelques illuminés qui, nuques baissées, semblent entrer en contact direct avec lui.

On en oublie carrément KiNK qui passe à côté et dont les visages qui en sortent alors que l’on se met en place pour les débuts militaires de Dixon, nous montrent que l’on a raté quelque chose. Maître Dixon sait qu’il clôturera en beauté ce festival et il tient à nous le montrer, nous maintenant en haleine jusqu’à en perdre. C’est d’ailleurs haletants que nous quitteront le site alors que les basses résonnent encore de loin et que nombreux sont les corps à s’épuiser ou à récupérer, allongés, l’énergie des premiers rayons, comme des panneaux solaires sortant de la pénombre. Pendant deux jours, le Peacock nous aura ouvert les portes d’une société bien étrange où se seront côtoyés puristes et fétards, clubeurs et mélomanes, curieux et conquis… Bref, un melting-pot de festival qui nous prouve que la musique électronique est désormais dans toutes les oreilles, qu’elles écoutent ou entendent.

Les deux jours de Sylvain

En 2013, j’étais plus jeune, mais j’étais là, déjà, sous l’immense warehouse scindée en deux scènes qui abritait une première fournée d’artistes électroniques bien classieux. Et la classe, trois ans plus tard, le festival l’a gardée. La programmation est toujours aussi alléchante (on en place une pour l’ouverture d’esprit de la team We Love qui nous a poussé à sortir des sentiers battus avec [re]sources Records et Live At Robert Johnson sur notre scène), le lieu toujours aussi agréable, et la minutie du détail toujours de rigueur. J’arrive tôt sur le site, la température est idéale et le public afflue gentiment.

Squarepusher se déchaine déjà sur la première scène, face à un public statique, béa, sûrement abasourdi par le volume et la complexité de son jeu. Je retourne papillonner dans le site, check un peu la foule parsemée d’énergumènes de tout horizon, surchauffée, comme en est donné la règle maintenant, dans les événements où la techno fait figure de proue. Entre bières et toilettes sèches, j’aperçois un millimétré Ryan Elliott, un Talaboman (John Talabot + Axel Boman) de loin, ou une Margaret Dygas sans son mais avec un briquet en l’air. La panne de courant rend les gens électriques, ça “polopopote” même…

Je me réfugie sur la scène Trax, alors que les lumières d’urgences s’allument et que tout le monde s’entasse dans la petite allée extérieure. D’en face, on nous hurle de rallumer le son, ça crie inlassablement “allééééééééé” quand soudain le courant revient, uniquement sur la OFF THE TRAX. Une aubaine. Comme des zombies, le reste des Peacockiens se traine douloureusement devant le petit chapiteau en plein air pour apprécier un set ultra technique et coloré de DJ Q.

Le lendemain, je ne reste pas longtemps, juste le temps de réaliser que le monde a disparu, envolé. Mais où sont-ils tous passés ? Live At Robert Johnson fait pourtant bien le boulot sur la scène Trax, et la fumée du bocal Resident Advisor donne toujours envie, comme un gosse, d’aller s’y perdre dedans. Je comprends alors, quand je reconnais au loin ce remix trop entendu de Disclosure par Flume. L’Australien a la totalité des festivaliers devant lui, ni plus ni moins, et semble les satisfaire pleinement. “Flume, ton succès est-il si grand que ça ?” me dis-je. Il faut croire. Tellement que l’excellent set de Leon Vynehall passe totalement inaperçu. C’est pas grave Leon, tu reviendras l’année prochaine, et nous aussi.

Peacock Society

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