Jour 1 : Combats de boxe
Nous, Astro, on y va quand même un peu pour travailler. D’où notre arrivée sur place après le début des hostilités, vers 22h40, juste au milieu du set de Laurent Maldo & Jules Wells. Première claque visuelle (qui devient habituelle dans ce festival) avec un jeu de lights fantastiques, et première claque sonore. Une vraie gifle du sound system de la salle aux kicks bien fat. Côté DJs, le duo envoie sa techno très deep, sobre, parfaite pour donner le ton aux quelques bons élèves venus tôt à La Carène.
Enfin, les bons élèves… Y’en a un qui est en train de danser le zouk, mais bon. Vient ensuite Lone, jeune producteur anglais intriguant, auteur d’un excellent album, Reality Testing en 2014. C’est lui qui augmente un peu plus le volume, remplit la salle, et voit son set agrémenté des premières filles à monter sur des épaules. Première droite baston dans le public aussi. Ah non, en fait ils sont potes, ça va alors. Lone y va de sa techno aux passages hip-hop, bien servi par son agilité à manier les breaks assumés. Moins rave qu’attendu, mais plus évanescent avec ses boucles jazzy. La température monte.
Pendant que la grande salle commence sérieusement à battre son plein, le prometteur Shekon, récemment signé chez Skryptöm, chauffe les siens du côté de la salle club avec une techno bien rentre-dedans. Après lui, c’est Maxime Dangles et son superbe « LEDs Live » qui prendra le relaie. Peu de temps pour nous, le très dark Gregor Trescher prend les commandes de l’autre côté.
Gregor Tresher – ©Jeremie Vercheres
Avec une recette bien rodée, il envoie une grande baffe dans l’assistance hyper chaude d’Astro. Chaque redémarrage est une joyeuse souffrance. Il est 00h20 et le placement de l’artiste dans le line-up est parfait. Pas encore la grande heure, mais les jambes démangent depuis bien longtemps et le passage de « A Thousand Nights » convient à tout le monde.
On nous a vanté a posteriori et sans surprise la « violence du set de Perc » et la prestation « à la hauteur du bonhomme » de Planetary Assault Systems (Luke Slater). Nous, on était au Vauban devant Douchka, le Rennais, fraîchement revenu de la Red Bull Music Academy de Tokyo. Son set est parti dans tous les sens, dans le bon sens du terme. Une jeunesse et une fraîcheur devant les platines qui scotchent les oreilles, tant le gazier (ou un gars, oui, on est à Brest…) énumère les genres avec, si ce n’est de l’aisance, de l’envie. Hip-hop, Chicago-house, dubstep, techno, deep house… Décide-toi gamin ! Oh et puis non, laisse comme ça, c’est bien.
Mais si nous sommes allés au Vauban, c’était surtout pour voir l’un des maîtres et pionniers de la drum & bass : Roni Size. Si Perc était violent à La Carène, que dire du dreadeux de Bristol ? Avec MC Dynamite, il a porté le coup de grâce. Toujours avec l’énergie inhérente au genre, ces basses très mélodiques qui font sa marque de fabrique et ces relents jamaïcains qui rappellent les amateurs de musiques électroniques à l’histoire. En témoigne l’hommage répété à Ini Kamoze durant le set.
Roni Size & MC Dynamite – ©Jérémie Vercheres
5h du mat, fin du game, l’heure de manger. Mais ça, à Brest, c’est un autre bordel.
Jour 2 : Debout pour Juan Atkins
Chaque festival a son moment mémorable. Celui d’Astropolis L’Hiver 2015 a eu lieu au théâtre Le Quartz, à 20h30. Le boss Juan Atkins arrivait sous le blaze Model 500 qui, il y a 30 ans, marquait l’histoire de la musique moderne avec, entre autres, le disque No UFO’s.
Autour de lui, sur la scène, les membres d’Underground Resistance désormais impliqués dans le projet Model 500 : Mad Mike (également présent à la production de son dernier album Digital Solutions), Mark Taylor et DJ Skurge. Dans un show très kraftwerkien à huit mains, Atkins revisite, rend hommage et fait, dès le second titre (en l’occurrence « Night Drive ») lever la moitié du public. Tout le monde a adoré.
Model 500 (Juan Atkins, “Mad” Mike Banks, DJ… par sourdoreille
Direction La Carène pour le show de Moodymann et son indéboulonnable bob. Filtres et cuts en pagaille, de la bonne house et même du hip-hop avec de l’artillerie lourde (« Got Your Money » d’Ol’ Dirty Bastard feat. Kelis par exemple) et finish avec deux bouteilles de vodka distribuées dans une cinquantaine de gobelets tout le long du premier rang. Joli taf, Kenny !
— « Putain, ça faisait au moins quinze ans que j’avais pas mis une droite à une autre nana ! Je sais pas ce qui m’a pris. »
— « En même temps, t’as pas fait exprès… »
— « Ouais, c’est pas faux. »
Il s’en passe des choses au bar blindé de La Carène juste avant l’entrée en piste de l’Allemand Henrick Schwarz. Rendus devant ce dernier, il faut peu de temps pour remarquer que le set sera plus deep house que prévu, mais d’une efficacité redoutable. Si certains goûtent peu les remixes convenus de London Grammar ou d’Amadou et Mariam, beaucoup dans le public y trouvent leur bonheur.
Nous, on a quand même trouvé le temps d’aller jeter une oreille à Jackmaster, à La Suite. La boîte du port n’est pas encore pleine, mais le set très UK house de l’Anglais trouve preneurs. Ses accents disco sont taillés pour l’événement, l’endroit et le public. Tout en retenu, il ouvre la voie au très attendu Jimmy Edgar. Tantôt futuriste, disco, house bien huilée, funk et techno riche de polyrythmie, c’est le natif de Detroit qui fait réellement décoller La Suite.
Jimmy Edgar – ©Jeremie Vercheres
Retour à La Carène, les Simian Mobile Disco sont en plein set, et surfent sur la vague de leur dernier album Whorl, plus techno que leur productions passées. Avec quelques piques acid à l’occasion, ils parviennent également à placer quelques passages très aériens, très inventifs, pour repartir tout kick dehors. Efficace à condition d’être bien dosé, comme du Destop.
Simian Mobile Disco – ©Souenellen
L’Astropolis L’Hiver 2015 se termine à La Suite, avec le zinzin tatoué San Proper qui remplaçait le souffrant Andy Weatherall. Son groove incessant achève les festivaliers, partis pour bouger jusqu’à 7h du mat. Petit plaisir entre pote (ça ne peut pas faire de mal), le moustachu est rejoint par Jackmaster pendant une demie heure pour terminer le taf.
San Proper, ce coquin – ©Souenellen
Jackmaster B2B San Proper – ©Souenellen
Une chose est sûre, l’édition 2015 aura récolté un très gros +1 pour la qualité sonore et pour les lumières. Que ce soit avec les lights composées autour de la grosse boule à facette surplombant la grande salle de La Carène où avec ses grands spots infernaux, menaçants et braqués sur Model 500, le festival s’est aussi gobé avec les yeux. À 7h, cependant, Astro se termine avec la pire lumière qui existe dans ces circonstances, celle du jour. Ou de l’after ?
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Brice Miclet