Rencontre avec Cktrl, musicien anglais qui marie l’électronique au classique et au jazz

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©DR
Le 24.03.2022, à 15h22
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L’inclassable musicien londonien est un hybride. Taillée dans l’électronique, élevée par l’acoustique, sa musique est une redéfinition du terme « classique », une succession d’influences profondes qui forment une discographie certes courte, mais déjà unique en son genre. À l’occasion de son concert parisien le 5 avril au Hasard Ludique, rencontre avec un artiste en perpétuelle révolution.

Par Brice Miclet

On a beau forcer, inventer des sous-genres, faire des rapprochements hasardeux, certains artistes ne rentrent pas dans les cases. Cktrl est de ceux-là, de ces musiciens à qui il serait tentant de coller confortablement l’étiquette jazz, mais qui, toujours, parviennent à s’en détacher. Tout simplement parce que le Londonien explore autre chose, puise sa démarche dans son héritage classique, dans ses affinités électroniques pour faire naître une musique profondément personnelle. Sorti du bois grâce à deux EPs, Robyn en 2020 puis zero en 2021, le voici donc qui prolonge une œuvre aux frontières des genres, lui permettant de collaborer aussi bien avec Sampha qu’avec Kelela, l’inclassable Dean Blunt ou encore Four Tet.

Ckontrol freak

Malgré cet alléchant name-dropping, rien ne semble détourner Cktrl, alias Bradley Miller, de son but artistique. Il est né, a grandi dans le quartier de Lewisham et y vit toujours. C’est là, dans son home studio, qu’il compose l’essentiel de sa musique, en se fixant un cadre précis et en bâtissant une zone de confort et d’expression solide. « Certains artistes sont obsédés par la technologie, par les nouveaux logiciels, les nouveaux VST », remarque-t-il. « Mais je n’ai jamais vraiment cherché à avoir plus que ce que j’ai déjà. » Avec ce qu’il maîtrise, avec ce qu’il sait déjà faire, Cktrl crée pleinement et librement. Toujours avec cette appétence pour les machines ainsi que pour ses instruments fétiches, le saxophone et la clarinette.

Si l’EP Robyn a été une véritable renaissance artistique, Cktrl a bien eu une vie avant cela. Après avoir étudié la musique classique étant enfant, il a découvert les musiques électroniques à 11 ans pour ne plus jamais les lâcher. Devenu rapidement DJ résident chez NTS, tête connue des clubs londoniens fondus à la dubstep et à la « funky house », on l’a vu évoluer jusqu’à sa première Boiler Room en 2014. Âgé de 17 ans, il faisait déjà rugir ses goûts pour les sonorités brutes et distordues, puis sortait son premier EP, Forrest, ode à la pluralité de la scène londonienne du milieu des années 2010.

Créer un matériel de référence

Cktrl a retiré des plateformes de streaming payantes la musique qu’il a composée à cette époque. Parce que Robyn marque le début d’une nouvelle ère plus expressive faite de pianos et de clarinettes folles, et que zero explorait le néo-classicisme musicale, le RnB, jusqu’aux sonorités d’Atlanta. Il fallait faire table rase. En fait, à travers sa musique, il désire ardemment créer un matériel musical de référence que les enfants noirs apprenant la musique puissent étudier, sans que leurs références ne soient uniquement composées d’artistes classiques blancs ressuscités d’autres siècles. Cktrl est politique, ça ne fait aucun doute.

La corrélation entre ses instruments acoustiques et ses instruments électroniques est aujourd’hui évidente. Mais elle est avant tout le fruit de son évolution, d’une prise de conscience musicale qui l’a amené à ralentir le rythme, à se détacher des bmp effrénés pour embrasser un son parfois nébuleux, souvent lumineux. « Les rythmes de la dubstep ou du grime ne se prêtaient pas à la pratique d’un instrument mélodique, en tout cas pas chez moi. Ça n’est que vers mes 19 ans que j’ai compris tout ce que ce mélange pouvait apporter comme liberté et comme possibilités. » Et lorsque l’on voit un musicien souffler dans les anches, forcément, le réflexe du jazz, encore lui, pointe son nez. Mais comme tous les réflexes, il se corrige, se rectifie, et finit par se taire pour laisser sereinement résonner la musique de Cktrl. Car l’essentiel est bien là, dans le son.

Cktrl sera en concert au Hasard Ludique le mardi 5 avril 2022. Toutes les informations ainsi que la billetterie sont à retrouver sur le site du Hasard Ludique.

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