Qui sont les Melodub, ces deux Nantais qui ne vivent que pour leur splendide sound-system ?

Écrit par Manon Beurlion
Photo de couverture : ©Melodub
Le 03.10.2018, à 13h00
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©Melodub
Écrit par Manon Beurlion
Photo de couverture : ©Melodub
À l’occasion de la release party du nouvel album de Zenzile, qui aura lieu ce soir, La Station – Gare des Mines accueillera exceptionnellement le sound-system artisanal de Melodub. Trax s’est entretenu avec Clément et Romain, les deux passionnés à l’origine de ce grand mur de métal et de bois.


Créé en 2011 en Bretagne, ce sound-system monté à l’huile de coude a fait jouer des artistes comme Dubateers, Massive Dub Corporation ou encore Dubkasm. Ce qui ne l’empêche pas de rester ouvert au mélange des genres. Le 5 octobre prochain à La Station, les vétérans français du dub fusion Zenzile partageront la console avec le DJ Snowball (Exploration Music). Trax a échangé par Skype avec Clément, qui a lui-même échangé avec Romain par téléphone. Une interview à plusieurs étages, à l’image de leur sound.

Quelle est la genèse de Melodub ? Comment en vient-on à construire un sound-system en bois ?

Clément : Le projet a débuté en 2011. J’ai rencontré Romain fin 2012 et on a trainé dans les sessions avant de vouloir construire des enceintes. Ensuite, on a commencé à se procurer les bons matériaux. Mais avant toute chose, il faut aller en session, écouter d’autres sound-systems.

« Avant toute chose, il faut aller en session, écouter d’autres sound-systems. »

 

Qu’est-ce qu’une session ?

C : C’est une soirée sonorisée par une sound-system, où la fête n’est pas sonorisée par des enceintes de salle ou de club. Pour construire un sound-system, il faut avoir une première approche : ce que tu veux jouer dessus, voir ce qui est possible, dénicher des infos, puis ensuite le construire soi-même ou le faire construire. Il faut faire pas mal de recherches dans tous les sens. Aujourd’hui, c’est plus facile, car les gens ont plus d’infos qui leur arrivent directement. Au tout début il y avait peu d’infos sur Internet. Nous, on allait dans les sessions et les gens nous donnaient quelques clés : qui contacter pour avoir des plans, des prix sur les matériaux, quels matériaux utiliser… C’est une étape « biblio ». Puis on passe à l’action.

Quels étaient les membres actifs à l’époque pour vous procurer de telles informations ? Y a-t-il une session qui vous a marqué au point de vous donner envie de monter votre propre sound-system ?

C : Il y avait le forum Red Lion. Une véritable mine d’or. Le site Sonelec-musique conseille sur les schémas électroniques de base. Les sessions qui m’ont marqué c’était les sessions de Lion Roots, un sound-system basé vers Cannes. Les sessions se passaient vers Montpellier. Je suis allé dans une dizaine de leurs soirées dans des hangars. Ce sont les premières sessions qui m’ont donné envie.

Romain : C’était au carnaval de Notting Hill, où plusieurs communautés se regroupent avec chacune leur sono, de 11h à 18h. Et c’est complètement gratuit.

Qu’est-ce que cela implique pour vous de construire un sound-system ? 

R : Cela implique de l’argent, du temps, et beaucoup de passion.

C : Oui, l’argent est le nerf de la guerre. On fait des économies. J’ai eu un bon salaire pendant cinq ans qui m’a permis d’investir dans la construction du sound-system.

« Cela implique de l’argent, du temps, et beaucoup de passion. »

Pour vous, qu’est-ce qu’être un sound-system ?

C : Le fait de s’appeler sound-system déjà, ça signifie que l’on est un sound-system en tant que tel, du point de vue matériel. Un artiste ne peut pas s’appeler « sound-system » s’il n’a pas de sound-system. Ensuite ce que cela implique pour nous, c’est difficile à dire. Avec Romain, on est très proches, des amis. La notion de crew est là, mais régulièrement des gens d’autres crews viennent nous aider.

Avez-vous une anecdote à ce sujet ? Une galère ?

C : Il y a un an à peu près, on est allé à un festival sur lequel on devait jouer avec notre sono. Il y avait pas mal d’artistes invités dessus. On savait qu’on allait être en surpoids, car aucun de nous n’a le permis poids lourd et ça n’a pas manqué. On s’est tapé les douanes et tout le comité d’accueil… On a dû laisser la moitié du son sur le bord de la route avec moi pour le surveiller sous la pluie pendant que Romain amenait une première moitié au festival et revenait chercher la seconde, tout ça pendant 3h…

Il n’y a que vous deux pour gérer tout ça ?

On a deux ou trois amis qui nous aident que ce soit pour les vidéos, le site Internet et pour les chargements et déchargements. 
Après il y a toujours des personnes qui sont là en « box man » et qui lèvent les enceintes avec nous, gèrent les petits à côté, surveillent la sono pendant qu’elle tourne. Des gens de confiance qui font en quelque sorte partie du crew maintenant.

Êtes-vous souvent sur la route ? Quels ont été vos derniers trajets ?

Oui de plus en plus. En ce moment, c’est deux fois par mois. La dernière session était en Vendée, globalement dans l’ouest de la France, Montpellier, Bordeaux, Bergerac, etc.

Êtes-vous autant invités en free qu’en festival ?

On ne sort pas le matériel dans des sessions en free, il y a trop de risques de saisie aujourd’hui. Sauf si l’on est certains que le lieu est sécurisé, alors pourquoi pas. En plus des festivals, on est aussi beaucoup invités en soirée. Notre dernière grosse sortie, c’était le Dub Camp Festival. Une super session !

Quels styles jouez-vous sur votre sound-system ? Avez-vous un style de prédilection ?

On joue plein de styles, du roots au stepper, en passant par le digital, globalement toute la palette reggae/dub. On est assez éclectique sur les sessions. On a même eu du flamenco une fois aussi sur le son. Diffuser différents styles permet d’avoir une connaissance parfaite du matériel.

Vous partagez souvent la scène avec des artistes, lesquels vous ont particulièrement marqué ?

Les artistes qui nous ont marqués sont Haspar, un dubmaker grenoblois, les Anglais de Dubkasm et Alpha Steppa, Digitron de Croatie. Chacun a sa particularité, on partage aussi énormément de sessions avec RDH car on est très proches humainement.

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L’esprit du sound-system est-il plutôt communautaire ou compétitif ?

Il y a les deux côtés. On retrouve l’esprit compétitif lors des meetings de sound-systems, même si cela reste un moment de partage. Il y a forcément une comparaison entre les sound-systems : celui qui sonne le mieux, le plus fort et le plus propre et celui qui a les meilleurs morceaux. Cependant il y a un esprit communautaire avec la notion de crew, d’entraide de partage. C’est un petit milieu et on est prêt à filer un coup de main ou prêter le matériel quand un autre crew sort sa sono.

C’est un peu comme votre bébé, quels matériaux utilisez-vous ? 

C : Côté enceintes les haut-parleurs utilisés sont des Precision Devices, RCF et Beyma. Côté amplis, les marques utilisées sont Lab Gruppen, Matrix, Chevin et Sanway. Quant au matériel de la control tower, nous utilisons KlementzRoland, Korg, Technics, JTS, et Pioneer. 


Comment voyez-vous votre sound-system dans deux ou trois ans ?

On souhaiterait finir de le maitriser parfaitement, reconstruire certains étages, améliorer certaines enceintes, acheter d’autres amplis, etc. Mais surtout, sortir, continuer à donner et prendre du plaisir. Ce qui est génial, c’est de voir le sourire sur le visage des gens.

« Ce qui est génial, c’est de voir le sourire sur le visage des gens. »


Dans la culture sound-system, il y a une vraie part au DIY (Do It Yourself), est-ce quelque chose qui est en train de périr ?

L’accès à l’information est plus facile, mais le Do It Yourself est bien présent. Désormais, il y a un coté professionnalisation dans le sound-system. C’est un paradoxe, car sont présents à la fois le DIY et la volonté d’un côté toujours plus professionnel car la technologie évolue. Les gens essayent d’avoir du matériel plus puissant, plus léger, tout en continuant à créer eux-mêmes.

Les Anglais ont longtemps été les fers de lance de la culture sound-system en Europe. Vous pensez que l’on a rattrapé le retard ?

Ils l’ont été pendant un moment. Entre les années 1970 et 2000, on dira que les Anglais étaient les premiers. Beaucoup de minorités venaient en Angleterre et ont lancé cela. Maintenant il y a la scène française et européenne pour faire tourner les sound-systems, que ce soit des labels ou autre. Les Anglais ne sont plus les fers de lance, mais ils l’ont été pendant un moment, c’est certain.

Pourriez-vous nous donner un son que vous aimez particulièrement passer sur votre sound-system ?

R :



C : 

Pour aller plus loin dans l’exploration de la trépidante culture soundsystem, Trax lui dédie ce mois-ci un magazine entier. Trax #215 Sound-systems : ces murs d’enceintes ont bouleversé la musique, à retrouver dès le 3 octobre en kiosque et sur notre store en ligne.

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