Qui est Nastia, la DJ star de la techno ukrainienne ?

Écrit par Mathieu Fageot
Photo de couverture : ©Fabric
Le 17.05.2017, à 16h34
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Écrit par Mathieu Fageot
Photo de couverture : ©Fabric
Ce jeudi 25 mai, l’Ukrainienne (et fière de l’être) Nastia posera ses valises au Rex Club. L’occasion pour Trax d’échanger avec cette DJ en pleine ascension, qui enchaîne les sets de Tomorrowland à Fabric, sur son parcours, la scène de son pays et l’importance de transmettre la culture de la musique électronique.

Tu viens d’un petit village ukrainien, où la musique électronique était presque inexistante, comment l’as-tu découverte ? Et comment est née cette passion ?

J’ai entendu ça pour la première fois sur une cassette qu’on m’avait offerte. Et j’ai fait « wouah qu’est ce que c’est que cette musique ? » c’était totalement différent de ce que j’avais pu entendre dans ma vie jusque-là. Je suis tombée amoureuse tout de suite, et je me mettais à danser devant mon miroir, tous les jours. Puis je suis devenue danseuse dans un club, j’ai toujours été entourée par cette musique.

Quels ont été tes premiers gigs ? Qui t’a donné ta chance pour la première fois ?

C’était au club où je dansais, à Donetsk. J’apprenais à mixer, et un soir j’ai demandé s’il y avait une opportunité de jouer. C’est comme ça que je suis passée derrière les platines : j’étais très nerveuse, mais c’était génial, les gens étaient adorables et très amicaux. Je pense que c’était la meilleure soirée de ma vie, et je m’y suis fait mes premiers amis dans le milieu. C’était il y a déjà 12 ans mais c’est toujours un souvenir intense.

Tu dis être fière d’être Ukrainienne, pourquoi ?

Parce que je suis vraiment triste de savoir que dans le monde, les gens confondent les Ukrainiens et Russes. Je sais que nous sommes très proches car nous sommes voisins, et qu’au temps de l’URSS nous appartenions au même pays, mais nous restons différents. Notre langue est différente, notre culture est différente, tout est différent. Et j’adore ce pays, je m’en rends compte quand je voyage à travers le monde. Je n’ai jamais voulu aller m’installer à Berlin, ou New-York parce que c’est bien ici.

Est-ce compliqué d’être voisin avec la Russie ?

Ce n’était pas compliqué avant que Poutine décide de nous lier à eux. On était comme de bons amis, comme frère et sœur, mais depuis la crise de 2014 (l’annexion de la Crimée par la Russie, ndlr) les relations se sont brisées, à cause de la propagande russe, et des violences qui ont pu avoir lieu.

Que penses-tu de la culture électronique de l’Ukraine ? A-t-elle une dimension particulière ?

Elle est géniale. Je pense que nous vivons à la meilleure époque pour la scène électronique qui peut se développer de plus en plus en Ukraine. On le voit avec l’ouverture de tous les clubs qui deviennent de plus en plus réputés en Ukraine et qui constituent une base solide pour cette culture, à l’image du Closer club où un large panel d’artistes internationaux, mais surtout ukrainiens, vient défendre cette musique, leur passion. Je pense que ça constitue la clé du développement de cette culture et c’est vraiment cool. J’en suis fière.

Je pense que c’est important que les enfants sachent que la musique électronique est un vrai métier, qu’elle fait vivre beaucoup de monde et qu’elle n’est pas seulement synonyme de fête.

Il y a une grande différence entre les soirées russes et ukrainiennes ?

C’est incomparable. La Russie était réputée pour ses soirées dans les années 70. Maintenant il n’y a plus le même engouement. Il n’y a plus tant de clubs que ça, et la vie nocturne se dégrade un petit peu. En Ukraine c’est l’inverse. La culture clubbing ne s’est jamais aussi bien portée et elle se bonifie au fil du temps.

Tu as récemment réagi sur Facebook à la fermeture d’Arma 17, un club phare de l’underground moscovite, tu peux m’en dire deux mots ?

C’est l’exemple type. Arma 17 était mon endroit préféré, c’était plus qu’un club, il se passait quelque chose de particulier. Il n’y a pas d’autre endroit équivalent au monde selon moi, c’était juste incroyable, et j’ai été profondément attristée quand j’ai appris sa fermeture.

Tu as aussi déclaré ne pas être une productrice, mais être une vraie DJ, qu’est ce que ça signifie ?

Ça veut dire que je fais de la musique. J’ai produit quelques EP mais c’était avec des amis, et je me sens beaucoup plus DJ. Je ne suis pas une machine, et je ne pense pas que j’aurai le temps ou la force de me consacrer à la production. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai toujours fait passer mon rôle de DJ avant tout.

Tu as pourtant ton propre label, Propaganda. Quel genre d’artistes souhaites-tu promouvoir ? 

J’y ai sorti l’année dernière la collaboration que j’ai faite avec Yate, NSD, Felipe Valenzuela, Dani Casarano, Matteo Papacchioli, Rich Medina. J’aimerais développer mon propre son, mais je sortirai des trucs qui me plaisent avant tout, je ne vais pas m’enfermer dans une case. Si j’entends un track que j’aimerais jouer en soirée, je le sortirai.

Les producteurs ukraniens sont dans quelle tendance en ce moment?

Je ne saurais pas vraiment dire ce que les gens sortent en ce moment même. Mais j’ai le sentiment qu’il y a de plus en plus de DJ’s de qualité dans des styles très variés.

L’année dernière, tu postais une vidéo dans laquelle tu enseignes l’art du DJing à des enfants. C’est important pour toi de transmettre cette culture ?

Je pense que ça a son importance, parce que je n’ai pas eu la chance d’avoir une grande éducation musicale lorsque j’étais à l’école. C’était à l’école de ma fille, où les parents venaient présenter leur travail, alors j’en ai profité pour leur donner une leçon de DJing, je pense que certains n’avaient jamais vu ça, du moins en vrai. Et j’en ai profité pour leur donner un petit cours de musique, comment étaient pressé les vinyles, par qui, ce genre de chose… Je pense que c’est important que les enfants sachent que la musique électronique est un vrai métier, qu’elle fait vivre beaucoup de monde et qu’elle n’est pas seulement synonyme de fête.

Est-ce difficile de s’occuper d’une enfant et d’être DJ à plein temps ?

Pas tant que ça non, parce que je travaille principalement la nuit. Des fois le matin je peux l’emmener à l’école quand moi je rentre du travail (rires). Bon, de temps en temps c’est vrai que c’est difficile, je pense que si je travaillais dans un milieu un peu « classique » je ne serai pas si souvent en décalage horaire. Être une mère est difficile dans tous les cas, quel que soit le travail que l’on fait, mais je ne me plains pas. Je suis DJ et mère, j’allie les deux et c’est comme ça.

Trouves-tu que les femmes sont bien représentées dans le milieu ?

Je pense qu’elles le sont à l’égal des hommes. Je ne pense pas que le fait que l’on soit un homme ou une femme influence le public. Ce qui fait la différence, c’est la représentation que tu donnes de toi-même, ce que tu proposes. Tu ne décides pas d’être une fille, c’est comme ça. Et les hommes ne te considèrent d’ailleurs par comme inférieure ou quoi que ce soit, il n’y a pas de questions de genre, ils te respectent. En tant que femme, mais surtout en tant que DJ.

Ce n’est pas la première fois que tu viens jouer au Rex, que penses-tu de ce lieu ?

Tout le monde sait que ce club est une légende. Il fait partie de ces clubs mondiaux qui ont fait émerger la scène électronique à l’époque. Je sais que ça fait des années que beaucoup de soirées sont sold out, et ça ne s’arrête jamais, je respecte beaucoup ça. La dernière fois que j’y ai joué c’était une très bonne soirée. C’est un honneur d’y retourner.

Nastia jouera au Rex Club le 25 mai prochain aux côtés de Workerz et Poggio.

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