À la base, il voulait en faire un tout petit, près de l’épaule. Mais après avoir consacré quinze ans de sa vie à la musique électronique, organisant des fêtes de Glasgow à Édimbourg, Steve Cass a décidé de passer direct au niveau supérieur et de se faire tatouer une partie de l’histoire de la techno dans le dos, sur lequel figurent désormais les logos du label historique de la house de Chicago, Trax Records, Soma, celui de Slam à Glasgow, Underground Resistance, collectif pionnier de Detroit, et Boys Own Productions, “the acid house gang who changed british clubbing”.
On dit que les tatouages servent à raconter une étape de sa vie. Et celle de Steve a longtemps tourné exclusivement autour de la techno. Absorbé dans la spirale rave des 90’s, il passait des heures en caisse avec son pote Justin pour aller en teuf à Middlesbrough, Newcastle, et surtout au Pure d’Édimbourg, mené par JD Twitch d’Optimo, et The Arches, le club de Glasgow, où ils découvrent Robert Hood, Kevin Sanderson ou Laurent Garnier, qui s’assure une aura éternelle dans la région avec “Crispy Bacon” en 1997. Et à force d’acheter des disques, le duo passe logiquement derrière les platines avec les soirées No Strings Attached.
« J’ai été influencé par les disques de Boys Own Productions, les mouvements techno et house de Detroit et Chicago, Jeff Mills, Marshall Jefferson, DJ Pierre, des artistes qu’on jouait tout le temps à nos soirées, reprend Steve. Donc je me suis dit que si je devais me faire un tatouage, il fallait qu’il soit basé sur la musique. En 2010, je me suis décidé et j’ai choisi quatre labels qui m’ont inspiré, mais il y aurait pu en avoir une centaine… J’en voulais un de Chicago, un de Detroit, un de Londres et un de Glasgow. Comme je suis graphiste, j’ai mis tout ça ensemble et je suis arrivé à une sorte de collage pour le design, avec en background la Willis Tower (ex-Sears Tower), le symbole de Chicago. »
Reste à trouver l’artiste pour lui encrer tout ça sur le dos : ce sera le salon de tatouage Studio XIII à Édimbourg, tenu par Marc Diamond. « D’habitude, il fait des dragons ou des roses, des trucs comme ça. Il était étonné mais il a adoré le challenge. » Commence alors un long chemin de croix pour Steve Cass. « Ça a été fait en trois sessions de trois heures. Franchement, c’était super douloureux. Pour un premier tatouage, j’ai vraiment morflé. Il a commencé par les contours des tours de Chicago. Quand j’ai vu l’aiguille, je me suis dit : “Merde, mais qu’est-ce que tu fais mec ?” C’était trop tard pour changer d’avis. »
Neuf heures et 720 livres plus tard, il porte l’histoire de la techno sur le dos, ce qui ne manque pas d’impressionner les DJ’s qu’il croise ou reçoit pour les soirées No Strings Attached, au Mash House d’Édimbourg ou au Dean, un club atypique situé sous les tribunes du stade de foot de Galashiels, un petit bled perdu près de la frontière entre l’Écosse et l’Angleterre. Steve et Justin y font régulièrement venir les gars de Slam, ou Andrew Weatherall, fondateur de Boys Own Productions, devenu un ami. « Quand je lui ai montré le tatouage, Andrew a secoué la tête, halluciné. Il m’a dit : “Je n’arrive pas à croire que tu as autant souffert pour ça”, avant de prendre une photo. » Funk D’Void, artiste emblématique du label Soma, a lui aussi pris un cliché, posté sur les réseaux sociaux, offrant une belle visibilité à Steve. Dave Clarke a fait de même. « Je l’ai montré à Frankie Knuckles aussi, que j’ai croisé à Ibiza, au Café Mambo. Il a dit : “Les Écossais, vous êtes complètement dingues !” »
Depuis sept ans, Steve trimballe donc son sac de vinyles sur son dos complètement tatoué. « Parfois, j’oublie qu’il est là, mais quand je sors en soirée, je le montre, et généralement, les gens hallucinent. C’est bizarre parce que parfois, je n’arrive pas à savoir ce qu’en pensent les personnes face à moi, si elles aiment, ou si elles pensent que je suis complètement fou ou stupide. La plupart me font des compliments, ceci dit. »
Steve Cass n’a pas encore franchi le cap de mixer torse nu, de peur peut-être de devenir « the man with the techno tatoo ». « Après The Man With the Red Face, pourquoi pas ? » rigole-t-il. « Le truc, c’est que depuis que j’ai ce tatouage, mes goûts musicaux se sont réorientés. Je n’achète plus trop de disques de Chicago ou Detroit et je ne vais plus trop en soirée techno. Depuis que j’ai découvert le label Eskimo Records et les disques d’Aeroplane, je suis plus dans un trip slowmo, plus downtempo et deep. Mais je n’aurais jamais de regrets sur ce tatouage. La musique, c’est ma vie, et la techno sera toujours dans mon cœur. »