Qu’est devenu le GRM, le laboratoire historique de la musique électronique française ?

Écrit par Jean-Paul Deniaud
Photo de couverture : ©D.R.
Le 03.12.2018, à 17h34
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L’évocation du Groupe de recherches musicales (GRM) véhicule pour tout amoureux de musiques électroniques une image teintée à la fois de respect et de déférence. N’est-ce pas en son sein qu’ont été élaborées les premières expériences électroniques françaises ?


Cet article est initialement paru en octobre 2015 dans le numéro 186 de Trax Magazine, disponible sur le store en ligne.

C’est sous l’impulsion d’un Pierre Schaeffer, considéré alors comme un étrange iconoclaste, qu’on bricolait bandes magnétiques et machines colossales pour travailler le son directement dans son corps, sa texture. Et c’est aussi là que la série de logiciels GRM Tools, héritière du rapport au son bien spécifique du GRM, continue à être développée, utilisée par des artistes comme Chloé ou par le cinéma (les studios Skywalker Sound de George Lucas, Matrix…).

Lors de notre premier rendez-vous avec Jean Michel Jarre, l’artiste aux si nombreux faits de gloire ne pouvait s’empêcher de s’enflammer à l’évocation de son court passage au GRM et de sa rencontre avec Pierre Schaeffer, duquel il a certainement tiré cette attitude un peu punk de s’attacher à faire les choses de manière non conventionnelle. Car voilà bien l’ADN du GRM et de son fondateur. En total contre-pied pour l’époque, et quelques années avant la création officielle du Groupe, Schaeffer, alors à l’ORTF (la radiotélévision nationale), s’ingéniait à faire tourner des sons en boucle via un sillon fermé, pour mieux s’immerger dans le son et oublier les instruments et le sens de départ. Ça ne vous rappelle rien ? Nous sommes en octobre 1948 et Pierre Schaeffer ouvre la voie de la musique concrète. Concrète car non écrite au préalable puis jouée par des musiciens. La musique n’est plus une abstraction de l’esprit, ni une partition que l’on peut interpréter à l’envi, mais bien une matière sonore que l’on triture et torture pour en tirer des sons et harmonies inédites. Quelques années plus tard, après avoir été rejoint entre autres par Pierre Henry, le GRM prend son intitulé avant de se voir rattaché au nouveau service de la recherche de l’ORTF.

Depuis, bien des histoires et de nombreuses trouvailles techniques ou sonores ont jalonné les bientôt 60 ans du Groupe, et dont nous sommes aujourd’hui les héritiers, souvent sans le savoir. La boucle déjà, mais aussi une première forme de sampling, des techniques de montage sonore ou les recherches sur la sonorisation en multicanal. Par exemple, pour sa première œuvre en 1948, Schaeffer part avec un camion régie et des techniciens pour enregistrer les bruits et la cadence de quatre locomotives en gare des Batignolles. Au retour, il déconstruit les sons, les isole, coupe les bandes et les recolle pour en faire des boucles étranges qui se succèdent. Ce qui paraît comme une simple succession de CTRL C + CTRL V en 2015 est à cette époque complètement inédit (pour ne pas dire fou), et franchement en décalage avec les respectables pièces de musique classique, les seules œuvres reconnues comme légitimes. Plus tard, il y eut les synthétiseurs analogiques, dont le mythique Coupigny construit au GRM autour de 1966, les calculateurs avec lesquels on composait en entrant des lignes de code, puis de manière automatisée, avant de basculer le tout sur des ordinateurs personnels via des logiciels et des plug-in… Le GRM a ainsi suivi l’évolution technologique de la musique et du son, sans jamais oublier l’un de ses principes fondamentaux : la musique qui y était composée n’avait pas d’autre objectif que celui d’exister. En espérant, avec un peu de chance, qu’elle finirait par rencontrer un public, pour cette pièce ou la prochaine.

Pierre Schaeffer dans les studios du GRM

GRM inside

Bien sûr, nous ne pouvions boucler un magazine qui installe Jean Michel Jarre sur le siège de rédacteur en chef sans partir à la rencontre de ceux qui font le GRM aujourd’hui. Que devient donc cette bande de chercheurs de l’extrême sonore, de l’expérimentation sans borne, de l’avant-garde acoustique ? Pourrait-on approcher ces énormes machines tout droit tirées de film de SF des 70’s, aperçues sous les doigts de Schaeffer sur des clichés en noir et blanc ? Bien sûr, il nous fallait y aller, voir et toucher, et rencontrer… Rendez-vous était donc pris à la Maison de la Radio, cet immense immeuble qui accueille le GRM depuis l’explosion de l’ORTF et le rattachement du Groupe à l’INA, le service d’archives audiovisuelles, en 1975.

Première surprise, c’est en fait dans un immeuble adjacent que l’on nous reçoit. Le mythique studio 116, dont jouissaient les héritiers de Schaeffer, est encore en travaux. Il nous sera peut-être moins aisé de rencontrer les immenses machines façon cuisine futuriste des années 70 que l’on voyait sur les photos d’archive. C’est donc dans des bureaux tout à fait classiques que l’on rencontre l’actuel directeur artistique du GRM, François Bonnet. Seconde surprise, ce dernier est… jeune. La trentaine, queue-de-cheval et humour saillant. Il nous promet une grande visite des studios et la rencontre des différents membres de l’équipe mais nous prévient d’entrée : ici, les appareils vintage ne sont pas légion. La raison ? Ses prédécesseurs ont accueilli à bras ouverts les évolutions technologiques et musicales et ont souvent pris le parti de bazarder les anciens instruments et autres machineries jugées dépassées. Certaines pièces aujourd’hui rarissimes se sont volatilisées, jetées ou dérobées.

Aujourd’hui, cette histoire – technique mais aussi sonore – est de nouveau considérée à sa juste valeur. On parle désormais de faire revenir le synthétiseur Coupigny (le grand modèle, qui pèse une tonne), aujourd’hui visible à la Cité de la Musique, de récupérer des instruments prêtés à des compositeurs, et l’on émule même certaines pièces de machines d’époque pour en retrouver le son tout en améliorant certaines spécificités. Tout cela se passe ici, entre le bureau où nous reçoit François Bonnet, les pièces adjacentes où l’on sauvegarde la mémoire du GRM en vidéos, photo ou en ouvrages, et l’étage inférieur situé dans d’anciens parkings, où sont isolés les deux studios du Groupe, l’atelier vintage, où l’on reconstruit le Coupigny à partir du modèle portatif, et le labo, où sont conçus les logiciels et plug-in GRM Tools. Entre ces différents espaces, des couloirs et des portes-type administration classique au rez-de-chaussée, et au -1, une ambiance d’entrepôt aux murs et sols défraîchis. Notre hôte ne cesse de le répéter : le retour aux Studio 116 est attendu désespérément. La date ? Personne ne le sait. C’est le souci quand on est un service de 12 personnes au sein d’un autre, l’INA, qui en emploie 1 000. Le budget annuel du GRM étant quasiment invisible comparé à celui de l’ensemble, ses demandes sont rarement prioritaires. Ainsi, alors que Christian Zanési, ancien directeur adjoint du GRM, vient de prendre sa retraite, nul ne sait si ce poste pourra être maintenu à l’avenir.

Le GRM, un vrai service public

Mais personne ne déplore le rattachement historique du GRM au service public. Au contraire. « Schaeffer a toujours été un homme d’institutions », raconte François Bonnet. Ingénieur de l’ORTF, Pierre Schaeffer y a aussi créé un service de radios pour l’outremer et les colonies, et a été à l’initiative de la création de l’INA pour rassembler les pôles d’archive, de recherche et de formation. C’est avec la bénédiction de l’État, même s’il fallait toujours en justifier l’existence, que le GRM a pu développer ses différentes activités. « Pendant vingt ans après la guerre, il y avait de l’argent, retrace François Bonnet. Jusque dans les années 80, ils faisaient un peu ce qu’ils voulaient. On était dans cet esprit de recherche : on essaie, on fait. De toute façon, c’est de la musique d’avant-garde : elle a une fonction, c’est d’exister. C’était vraiment l’esprit de la modernité. Je suis toujours très attaché à cette idée-là. » Les studios, ouverts 24/24 et 7/7, sont ainsi mis à disposition gratuitement pour les compositeurs. Le GRM n’a pas d’obligations de résultat, et le nombre de concerts annuels, autrefois fixé par convention, n’est soumis à aucune contrainte. « De toute façon, nos concerts sont gratuits. Ce qui est important, c’est qu’on rencontre un public. Et dans ce domaine, pour le moment, on est plus dans une phase ascendante que le contraire. »

Amon Tobin voulait utiliser l’acousmonium pour sa tournée, mais nous avons dû refuser. Ce n’est pas sa fonction, ni notre mission.

François Bonnet

Plusieurs rendez-vous émaillent l’année du GRM. Outre le festival annuel Présences électronique, on compte plusieurs rendez-vous « classiques », où des compositeurs jouent leurs œuvres sur l’acousmonium, un grand orchestre de haut-parleurs, en lieu et place des instruments traditionnels. Créés en 1974 par François Bayle, les éléments de l’acousmonium ont depuis évolué avec leur époque pour incorporer les meilleures enceintes hi-fi et de sonorisation actuelles. Disposées au plafond, dans le public ou tournées vers les murs, elles permettent de réellement immerger le spectateur dans la musique et d’en spatialiser les éléments à la manière d’un orchestre : d’un côté les basses fréquences, de l’autre les médiums, etc. Le tout dans un design très rétrofuturiste, héritage des années 70. Une création qui continue d’impressionner le public et les artistes par son look. « Aphex Twin m’a envoyé un mail il y a quelques années pour utiliser l’acousmonium pour un concert au Barbican Center de Londres, raconte François Bonnet. Malheureusement, on avait déjà calé une date à Paris le même soir. Les membres d’Autechre sont eux aussi très intéressés pour composer une pièce spécialement pour l’acousmonium. Pour l’instant, ils n’ont pas eu le temps mais nous leur avons déjà confirmé que notre porte était grande ouverte. Amon Tobin le voulait aussi pour sa tournée, mais nous avons dû refuser. Ce n’est pas sa fonction, ni notre mission. »

Il y a eu une défiance des musiciens « lettrés » : pour eux, nous faisions de la pâte à modeler.

François Bonnet

Une visibilité réduite

Refuser de prêter son orchestre d’enceintes à Aphex Twin ou Amon Tobin ? Ce qui paraît d’abord comme une hérésie prend sens dans la logique de la maison de Schaeffer. « On ne court pas après les grands noms, explique François Bonnet. Nous ne sommes pas là pour faire des coups ou pour accéder à quelque chose qui est à la mode, sinon, deux ou trois ans après, nous ne servirions plus à rien. Nous sommes dans un autre circuit, un circuit long. Quand on écoute Bernard Parmegiani aujourd’hui, on se dit que ça sonne encore. Nous nous reposons sur quelque chose qui est encore pertinent, et tant que c’est le cas, nous gardons notre ligne. » Et tant pis si cela ne contribue pas à donner plus de visibilité à l’activité du GRM.

Nous avons travaillé avec beaucoup de gens qui avaient un cursus académique peu reluisant, voire inexistant. Schaeffer n’avait quasiment pas de formation musicale, c’était un technicien. Parmegiani, il était mime !

François Bonnet

On touche peut-être là à l’un des principaux handicaps, s’il en est un, du Groupe de recherches musicales : si les GRM Tools bénéficient d’une belle renommée en France et à l’international, le GRM en lui-même, contrairement à son homologue français l’IRCAM fondé par le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, brille moins par son attractivité et son dynamisme actuel que par son flamboyant passé. Pour François Bonnet, cela a toujours été le cas, et ceci est avant tout lié à son positionnement historique. « Tout d’abord, l’IRCAM, c’est 200 personnes et leur budget com est l’équivalent de notre budget annuel de fonctionnement, décoche-t-il. Ensuite, au GRM, nous travaillons les sons, mais pas les notes. Nous avons travaillé avec beaucoup de gens qui n’étaient pas des compositeurs et qui avaient un cursus académique peu reluisant, voire inexistant. Schaeffer n’avait quasiment pas de formation musicale, c’était un technicien. Parmegiani, il était mime ! Nous ne venons pas du tout de l’académisme. Dès le début, il y avait ce poids de l’intelligentsia culturelle qui regardait le GRM en disant : « C’est qui, ces rigolos ? » Parce que c’est une musique qui n’a pas de partitions. Lorsqu’une musique est faite sur une bande, c’est juste de la musique, pas besoin d’avoir une partition pour la décrire. Il y a donc eu une défiance des musiciens « lettrés » : pour eux, nous faisions de la pâte à modeler. Les pouvoirs publics ont ainsi soutenu une musique un peu plus institutionnelle, et le GRM était plutôt quelque chose qui était toléré. » Le parallèle avec les producteurs de techno, eux aussi considérés comme des parias à leurs débuts, est évident.

Un parallèle que ne récuse pas François Bonnet, même s’il avoue ne pas avoir une culture club très étendue. Son truc, c’est plutôt la musique contemporaine, la noise, l’impro et leurs dérivés électroacoustiques. Il n’hésite d’ailleurs pas à évoquer les récents rapprochements entre le GRM et les producteurs de musiques électroniques dont on vous parle chaque mois dans Trax, notamment via leur association avec le festival suisse Electron, pour l’édition genevoise de son festival Présences électronique. Parmi les artistes invités à produire un live avec les outils du GRM, on trouve le Britannique Max Cooper ou l’Australien Ben Frost. « C’est un équilibre difficile à trouver, il faut vraiment que les artistes jouent le jeu, qu’on ne serve pas de prétexte », explique François Bonnet. Ainsi, lorsqu’un artiste vient jouer sur l’orchestre de haut-parleurs, il vaut mieux pour lui qu’il ait préparé sa copie. Et non qu’il ajoute une date de plus à sa tournée. « On a fait venir Ben Frost mais ça ne l’a pas fait. Il était super content de venir nous voir mais il n’a utilisé que le son de façade et pas du tout le reste. Ça n’a pas donné un bon son. » En têtes d’affiche du festival, de façon plus classique, on retrouve Rone, Monolake, Matthew Herbert, Daedelus, Plaid… Une façon de modifier cette image engoncée que l’équipe du GRM peut parfois traîner, et d’amener peut-être un autre public à s’étonner des trouvailles des chercheurs ? Le problème, selon François Bonnet, c’est que le public ne va pas forcément aller chercher autre chose que ce qu’il est venu trouver. « On essaie de s’ouvrir, mais c’est peut-être un problème de sociologie : il ne faut pas que les uns soient intimidés ou que les autres pensent que c’est seulement du boum boum. »

Dire qu’on ne peut pas écouter la musique du GRM revient à dire qu’on est incapable de se poser sur la plage et d‘écouter le bruit de la mer.

François Bonnet

Radicalement underground

Dans la playlist de François Bonnet, on croise également le producteur de FKA twigs, Arca, le barré Canadien Egyptrixx ou le pionnier anglais Surgeon. Ce dernier est ainsi en lice pour un prochain événement du GRM, sous son nom de baptême, Anthony Child. « Quand il fait un concert en tant que Surgeon, c’est sold out. Sous le nom Anthony Child, avec la musique d’Anthony Child, il y a 100 personnes, estime-t-il. Ça veut dire que les gens savent ce qu’ils viennent écouter. Mais au GRM, on ne se ferme à rien, par principe. Par contre, on fait attention à ce qu’il n’y ait pas de distorsion entre ce que l’on fait et des initiatives plus promotionnelles. » Hors de question de faire venir un producteur de pop en studio pour créer une pièce inédite et ainsi rendre le GRM « accessible ». « La difficulté est de les faire venir pour réaliser des choses que nous produisons, nous. La Messe pour le temps présent de Pierre Henry et Michel Colombier (dont est tiré le hit Psyché Rock, ndlr), typiquement, on n’en veut pas. » Pour lui, l’écoute des œuvres du GRM est bien plus facile que ce qu’on pense de prime abord et ne doit pas nécessiter de concession esthétisante. « Si les gens n’y ont pas accès, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas assez cultivés, mais parce qu’ils le sont trop. Ils sont bloqués par leurs codes socio-culturels. Il suffit de s’asseoir et d’écouter. Dire qu’on ne peut pas écouter la musique du GRM revient à dire qu’on est incapable de se poser sur la plage et d’écouter le bruit de la mer. » La seule clé est donc de se débloquer mentalement, ce qui devrait être plus simple après le succès de productions type FKA twigs, mais aussi avec le retour en vogue des synthés analogiques et modulaires ou encore le succès de la techno industrielle anglaise. François Bonnet se souvient de certaines conférences, comme à Amsterdam, où il faisait écouter Triola, une pièce du compositeur français Ivo Malec, à des étudiants. Imaginez un son strident hyper agressif rappelant quelque chose entre un scratch hip-hop, une disqueuse de chantier et une double pédale de black-metal. « Quand j’ai joué ça à fond, les jeunes gars étaient fous ! C’est la radicalité de la musique de cette époque qui est fascinante pour cette génération. »

Et c’est cette même exigence de radicalité qui légitime encore aujourd’hui l’existence d’un GRM en résistance permanente face aux sirènes mercantiles et productivistes de notre époque. Lorsque Adrien Lefèvre, un ingénieur issu de l’IRCAM, rejoint le GRM pour bosser depuis quatre ans sur ce qu’il décrit comme « un séquenceur d’un nouveau genre, entre quelque chose de complètement en temps réel et un instrument de production à la ProTools, reposant sur des moteurs graphiques de jeux vidéo », on imagine les déclinaisons que cela pourrait avoir lors de productions live. Quand Philippe Dao, le responsable technique des studios, assis dans son atelier bordélique, nous parle de châssis, de cartes, de fiches bananes, ou de matrices 3D pour reconstruire une version améliorée du synthé analogique Coupigny, on ne peut qu’opiner devant sa passion du son et son envie de faire perdurer cet héritage dans laquelle aucune entreprise à but lucratif ne voudrait investir.

Et c’est avec Emmanuel Favreau, l’homme derrière les GRM Tools – un type qui fait tout tout seul, de la conception au développement, des mises à jour à la hotline ! –, que l’on comprend pourquoi l’identité du GRM est enviée et recherchée dans le monde entier. La concurrence des logiciels Logic ou Ableton ? La réponse fuse, depuis son labo sombre des sous-sols du GRM : « Lorsqu’on regarde les nouveaux plug-in qui sortent, ce sont toujours de nouveaux compresseurs et des équaliseurs. Avec les GRM Tools, parce qu’on a une histoire complètement décomplexée vis-à-vis du son, il y a plus de portes ouvertes. Il y a une grande partie expérimentale. Les algorithmes n’ont rien d’extraordinaires, mais pendant une longue période, je manipule, je rajoute des erreurs pour voir comment ça sonne. Parfois, même un bug fait que ça va sonner de façon intéressante. Et on va construire tout un tas d’effets autour de ce défaut. Ce que ne font pas les autres. » Et c’est bien cela que viennent chercher les compositeurs rencontrés cet après-midi, comme Vincent Lebœuf, qui tripote le logiciel dans son studio à 8 enceintes. « C’est l’histoire du GRM, les logiciels sont très instinctifs, on écoute ce qu’on fait, on tâtonne. »

Alors, en sortant de ces bureaux bien impersonnels pour une entreprise si humaine, on ne sait plus si ce premier sentiment absurde d’avoir rencontré une bulle hors du temps, servie par l’argent public pour des projets sans fin, est toujours pertinent. Ou si justement, le GRM ne serait pas, lui qui est le plus ancien centre de recherches de ce type au monde encore en activité, l’un des derniers bastions d’une certaine idée de la recherche au sens noble du terme. Une quête où l’important n’est pas ce qu’on trouve, mais bien l’approfondissement de la connaissance et de l’expérience, sans contrainte de temporalité ou de résultat, en espérant que cela ajoutera un jour au mieux-être des autres. Jusqu’ici, l’histoire leur a donné raison.

Trax 186, octobre 2015
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