On les appelle des sneakerheads. “Un terme qui désigne tous ceux qui ont fait des sneakers un art de vivre, qui possèdent des collections si fournies que jamais leurs pieds ne pourront les user, qui connaissent la genèse de chaque modèle et tous ses détails, qui reconnaissent au premier coup d’œil une édition limitée, qui peuvent passer une nuit entière à camper sur un trottoir pour ne pas manquer la dernière sortie. Bref, ceux pour qui il ne s’agit pas seulement d’une simple paire de chaussures“, écrit le journaliste Pierre Demoux dans son livre L’Odyssée de la basket . Et si c’est une manière de généraliser cette communauté, sa description n’est pas loin de la réalité. Pour s’en convaincre, il suffit de demander à la chanteuse électro-pop Yelle, à l’ancien résident de Concrete, le technoïde François X, à l’irrésisitible Shlømo ou à l’un des pionniers house Franck Roger qui racontent leur passion sans langue de bois aucune. À l’image du grand Teki Latex, du collectionneur invétéré Pedro Winter, du diamant bordelais Anetha, ou encore de Panteros666, du quatuor barré Club Cheval, leurs dressing regorgent de trésors aux semelles caoutchouteuses.
Si chacun a un modèle fétiche, tous s’informent de la sortie des nouveaux modèles. Dans leurs goûts, on retrouve également beaucoup des tendances actuelles en matière de sneakers, qu’on parle des nombreuses versions de la Air Force 1 à l’instar du nouveau modèle ’07 LV8 – Trainers ou de l’importance qu’ont pris les training dans l’industrie de la sneakers comme le prouve la SHOX TL ou encore la Air Max Tailwind IV. Mais laissons-leur la parole.
Quand est-ce que vous avez commencé à collectionner les sneakers ?
Shlømo : Ça fait super longtemps, au moins depuis mes 10 ans. J’ai commencé parce qu’à l’époque, il fallait avoir les sneakers à la mode. En 98, c’était les TN et depuis, c’est ma sneaker et c’est trop cool qu’elle soit revenue à la mode.
François X : J’avais 7/8 ans. J’ai commencé à acheter des sneakers pour le tennis, j’ai joué longtemps et à un niveau pro. C’était l’époque d’Andrea Agassi et où Nike mettait en avant des couleurs flashy.
Franck Roger : Cela fait 20 ans que je collectionne les sneakers. J’ai dû commencer vers 98 quand des modèles phares de l’époque ont fait leur apparition, je pense aux Air Max 90, 97, 98, mais aussi à certaines éditions de la Air Jordan. À un moment, je les achetais par 3, une paire que je mettais et deux autres que je gardais de côté. Parfois pendant tellement longtemps que la semelle se décollait. C’est plus du fétichisme à mon niveau.
C’était quoi votre première paire ?
Yelle : Je devais avoir 14 ans quelque chose comme ça et elles étaient en papier ! Découpées dans le catalogue de La Redoute j’en voulais trop une paire, mais c’était trop cher pour ma famille à l’époque.
François X : Les Air Tech Challenge. Andrea Agassi était le joueur le plus médiatisé de l’époque, c’était la fin des années 80, l’American Dream.
Franck Roger : C’était une Air Jordan 3 Simon Grey, elles étaient en cuir, ce qui est rare aujourd’hui. C’est un vestige, je l’ai jamais jeté, car c’est un symbole sans doute parce que c’est la première paire que j’ai achetée avec mon argent.
Vous en possédez combien aujourd’hui ?
Yelle : Je dois en avoir une trentaine maintenant… J’ai toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et quelques séries limitée… En plus des classiques blanches que je porte sur scène depuis mes débuts.
Shlømo : J’ai environ 80 paires aujourd’hui. Elles ont à moitié envahi mon appart et commencent à prendre de la place dans mon studio de musique.
François X : J’en ai pas mal liquidé, mais j’en ai environ 40/50. Il y a des paires que je ne mettais plus. J’ai gardé celles que je veux vraiment.
Franck Roger : J’en ai à tous les étages de la maison donc je dirais une bonne soixantaine de paires. J’ai l’impression qu’aujourd’hui les sneakers sont les donnuts de la mode, c’est un truc qu’on bouffe à l’infini.
François X, lesquelles vous regrettez d’avoir jeté ?
François X : Les Cortes originales, coloris de fou. J’ai donné des Air Force 1 série limitée qu’on m’avait ramenée de NYC fin des années 90. Une paire de Bo Jackson, c’était des Air Trainer un peu rose et je les ai données à une copine. Et en fait il y a beaucoup de paires de tennis ou de Nike que j’ai usées et qui sont à la mode aujourd’hui.
Le top 3 de votre collection ?
Schlømo : Je dirais les Air Max 97 argentées, classiques. Les Vapor Max Less Less Comme Des Garçons et en ce moment j’ai pas mal geeké les dernières TN. Les dernières, les Air Max Femme Plus, façon arc-en-ciel. Mais en vrai, j’aime aussi beaucoup les sneakers de luxe genre Balenciaga.
François X : J’affectionne pas mal une Adidas Raf Simons Ozweego, j’en ai deux paires. J’ai un coup de cœur en ce moment pour la Nike Vomero 5 Anthracite et la Air Force 1 blanche classique. Il y a beaucoup de créateurs qui font des baskets en ce moment des séries limitées… Mais aujourd’hui je reviens sur des basiques, car il n’y a rien de mieux qu’un fabricant de basket. La basique reste intemporelle alors que la mode des chunk shoes, ça va passer et on va se dire que ça faisait un peu tiép’.
Franck Roger : Je dirais les Air Max 1 originale, les Air Max 90 et les Jordan 3 noires. J’ai déjà parlé des dernières donc pour les deux autres, je dirais que dès leur sortie elles avaient un côté futuriste, on les voyait sur des mecs plus âgés que nous et forcément ça nous faisait rêver. Il faut se souvenir qu’à l’époque, elle coûtait 1200 Francs, c’était inabordable mais si on est honnête, on ne fera pas mieux aujourd’hui que ce soit en terme de design ou de confort.
La paire de sneakers que vous avez totalement usée mais que vous ne pouvez pas vous résoudre à jeter ?
Schlømo : Les TN noires, je les tue et les rachète chaque année. Ça fait 8 ans que je les shoppent sur internet donc c’est comme si je ne les jetais pas en vrai. Après les Gucci Rhyton, je les ai usées, mais je pense que je ne les laisserai jamais.
François X : On va parler au pluriel. Il y a des Nike, un modèle Wimbledon avec la virgule verte. Je les ai achetées chez Zoom en 99/2000, c’est des vieilles paires blanches donc tu ne les jettes pas. Et il y a deux paires de Reebok Work Out. J’appartiens à la team basket clean et je vais expliquer pourquoi ce crew existe : j’ai grandi dans la culture hip-hop et dans cette culture, le but est de briller. Donc les baskets doivent toujours être blanches, immaculées. Au-delà de l’aspect propreté, ça donne aussi l’impression d’avoir des baskets neuves comme si t’étais blindé. J’aime bien avoir toutes mes baskets blanches, j’essaie de les respecter.
Franck Roger : Les Air Max 90. Je dois avoir encore 6 paires totalement défoncées que ma femme voudrait que je jette, mais j’ai trop de souvenirs. Quand j’ai un gig, j’aime bien en avoir une paire avec moi.
Vous avez un modèle de sneakers iconique ?
Schlømo : Les TN, vraiment. C’est une madeleine de Proust, un truc que je portais gamin et que je porte depuis 20 ans. Tu peux la mettre avec tout. Je suis né et élevé à Paris, j’ai grandi dans le 18ème et c’est une basket iconique du quartier.
François X : J’en porte moins, mais des Air Force 1 basse, c’est un peu la chaussure parfaite. Elle est simple, structurée, propre, avec une semelle conséquente et c’est ce que j’aime dans les baskets : des formes simples et efficaces. Je déteste les semelles fines. Les baskets à semelles fines, pour moi, ce sont des chaussures de lâches.
Si vous aviez la possibilité de créer votre paire de sneakers, elle ressemblerait à quoi ?
Yelle : Je pense que je m’associerais avec Nicole McLaughlin – designer graphique chez Reebok connue pour faire de l’upcycling – dont j’adore les idées, allez voir son Instagram !
Schlømo : J’essaierai de faire un truc qui mélange mes favorites de Nike. Entre une TN et une Air Max 97 avec le côté plus texturé de la Romero. En fait, j’adore les chaussures techniques, avec un look futuriste. La bulle, le designer de la Air Max 1 l’a créé en regardant Beaubourg, les tuyaux du centre Pompidou.
François X : Les Ozweego et les Romero sont des paires avec une forme running. Si je devais créer une basket, elle aurait une forme plus ronde entre un cross training et une basket de base. Un mix entre la Air Force 1 et une Air Tech Challenge d’Agassi.
La dernière paire que vous ayez achetée ?
Schlømo : J’ai reçu une paire de Nike Signal D/MS/X et les Ozweego d’Adidas. Et la dernière que j’ai achetée, la Yeezy Hospital Boot 700v2. À la base, je voulais les Static, mais je ne parviens pas à les trouver. Les Hospital sont pas si ouf. Parfois, tu fais des fixettes et une fois que tu les reçois…
Franck Roger : Une paire de Air Max 270 React. Là, ils ont fait fort avec la bulle d’air, la semelle un peu crampon… Elle est parfaite pour l’hiver.
Pourquoi est-ce que vous aimez les sneakers ?
Schlømo : C’est compliqué, mais c’est un peu le bijou de l’homme. Le seul endroit où les hommes peuvent avoir ce côté fantaisiste.
François X : C’est le côté polyvalence. Elle va se plier à ta tenue, tu peux être élégant, décontracté, corporate… Et c’est confortable. C’est un art, de porter une sneakers, faut que le pantalon tombe bien. Je suis désolée, mais on ne met pas un slim avec un triple S. C’est deux balles dans le genou des trucs comme ça. Comme la sneakers et la mode se sont démocratisées, on oublie que c’est une passion et qu’il y a des codes. C’est important de connaître un peu le domaine.
Franck Roger : Il y a une question de style forcément, un côté street, mais je pense que c’est aussi une forme du syndrome de Peter Pan : on s’achète ce qu’on ne pouvait pas avoir gamin.
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