“La première étape serait de prendre des infos autour de soi pour éviter les erreurs.“
D’où est née l’idée de monter votre label ?
Nashton Records : L’idée est principalement venue d’une volonté d’affirmer la scène électronique lyonnaise sur le plan national et européen. Quand nous l’avons lancé (il y a plus de 3 ans), Lyon n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui en termes de scène et d’events. Tout est allé très vite et je suis fier d’avoir pu y contribuer grâce à ce projet.
Pont Neuf : J’organisais des soirées en club à Paris avec des amis il y a 3-4 ans. Au fil du temps et des rencontres avec les jeunes DJ’s que nous invitions, j’ai commencé à parler avec eux de production, de label, etc. Pont Neuf est né assez naturellement de tout ça pour accompagner ces mecs qui étaient devenus des amis.
Péché Mignon : Péché Mignon Records est né d’un collectif de street-artists et de producteurs désireux de partager leurs passions et de proposer une expérience à la fois sonore et visuelle dans Paris, une ville en pleine ébullition musicale dotée d’une histoire artistique très riche. Il était inévitable que ce collectif évolue en label petit à petit, de par notre passion commune pour la production électronique, le désir de participer à l’évolution de la nuit parisienne et, reconnaissons-le, une certaine curiosité !
En vous basant sur votre expérience, quelles sont les 5 premières étapes pour créer son label ?
Nashton Records : En numéro un, l’objectif. Savoir où l’on va même si on ne sait pas exactement quand ni comment. Il faut un but précis sur lequel baser ses axes de travail. En second je dirais la détermination ; beaucoup de gens, y compris des proches, ont tendance à ne pas trop croire en ton projet quand tu te lances un peu dans l’inconnu, mais avec la détermination tu vas au bout des choses, si tu y crois vraiment. En trois, vivre la musique. Avoir une certaine expérience dans la musique ne serait-ce qu’en auditeur assidu est primordial afin de pouvoir développer une cohérence musicale au sein du label et être suffisamment sélectif sur le choix des sorties. En quatre, le réseau. Absolument primordial dans le milieu, le réseau doit être entretenu, développé et considérer comme une priorité. En cinq, bien choisir sa team. Le noyau d’un groupe est l’essence même de ce dernier, bien choisir ses associés est primordial si l’on veut se développer sur le long terme et ainsi avoir une stabilité – ce qui est très compliqué dans l’univers des labels indépendants.
Pont Neuf : Je dirais que la première étape serait de prendre des infos autour de soi pour éviter les erreurs. Je me souviens avoir pas mal soûlé des potes avec des tonnes de questions sur la manière de gérer un label, n’ayant pas fait d’études dans le domaine (j’avais 21 ans quand j’ai lancé Pont Neuf). Puis le nom, le logo, les petits trucs administratifs relous. Bien prendre son temps pour savoir avec qui bosser aussi ! Je me souviens que lorsque j’avais ce collectif avant Pont Neuf, on avait fait presser un vinyle 4 titres avec les recettes de nos soirées. On avait trouvé un distributeur allemand qui nous rachetait nos disques à des prix super bas et qui n’en vendait presque pas, alors qu’on en écoulait 5 par semaine chez les disquaires parisiens ! Donc le conseil le plus important pour moi est de prendre son temps avec les gens, de bien choisir les gens qui vont travailler avec nous sur un projet avant de se lancer directement.
Péché Mignon : Une équipe soudée et passionnée. Une confiance aveugle en ses artistes. Beaucoup d’ambition, mais également apprendre à se remettre des échecs !
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Comment avez-vous financé les premières sorties ? Vous bossez dans quoi à côté ?
Nashton Records : Hakan : « Mon associé et moi avons investi notre argent personnel pour lancer le label à ses débuts, je bossais déjà dans la musique à l’époque en tant que producteur hip-hop pour de gros artistes français. »
François : « Comme l’a dit Hakan nos financements sont tout d’abord venus de nos propres revenus, on essaye de capitaliser sur les soirées que l’on produit, même si ce n’est pas simple. À côté de ça je bosse en tant qu’ingénieur informatique. »
Pont Neuf : Avec les sous que j’avais au moment de lancer Pont Neuf. On a voulu frapper fort d’entrée avec un LP, une belle pochette (signée ALVA, qui sont aussi sur le label). C’était un petit pari pour un label et des artistes qui n’étaient à ce stade pas du tout connus. Je suis encore étudiant donc je gère Pont Neuf en parallèle de mon diplôme.
Péché Mignon : Je finance entièrement le projet Péché Mignon Records. Les organisations de soirées aident légèrement financièrement, mais l’argent est réinjecté dans les sorties futures. Je suis réalisateur et opérateur son chez Radio France Internationale, nous sommes tous étudiants ou cadres dans des structures musicales ou artistiques.
Vous avez pressé combien de copies par sortie jusqu’à aujourd’hui ? Pas trop galère de négocier avec les usines pour passer avec de petites quantités ?
Nashton Records : Cette édition Trax Disquaire Day 2017 a été pour nous l’occasion de passer le pas et de nous lancer dans le monde du vinyle, nous qui éditions depuis 2 ans en digital. Nous avons donc sélectionné 3 EP que nous reconnaissons comme qualitatifs et représentant bien l’univers musical du label. Nous avons pressé 3 plaques de chaque EP pour cet événement, une édition extrêmement limitée donc pour l’occasion. Nous sommes passés par Vinylogue, ce qui nous a permis d’avoir des prix de presse « moindres » sur de toutes petites séries !
Pont Neuf : On a toujours fait 500 copies et ça s’est jusqu’ici bien vendu. Les usines sont habituées désormais à presser en petite quantité, ce n’est plus comme au début des années 2000 où des usines comme MPO lançaient des premiers pressages à 10 000 exemplaires. En se renseignant sur le vinyle, on voit que le retour annoncé et promu comme tel de ce format est relatif, car les coûts et les délais sont plus élevés et les labels prennent sensiblement moins de risques en conséquence. Aujourd’hui, si tu fais un premier pressage à 1000-1500 exemplaires, c’est que tu es déjà bien installé (et les frais sont généralement avancés par le distributeur).
Péché Mignon : Nous avons 5 sorties vinyles à notre actif, pressées à 300 copies chacune. De plus en plus d’usines proposent des petites quantités pour les petites entités, mais à des prix très élevés. Ces usines profitent souvent du fait que ces labels n’aient pas le choix. Nous avons cependant rejoint nos distributeurs (Kuroneko) très rapidement et sommes très heureux de bénéficier d’un certain traitement de faveur.
Pourquoi est-ce intéressant pour un artiste de signer sur une petite maison ? Ça lui rapporte un peu d’argent ?
Nashton Records : Hakan : « Je ne pense pas qu’un artiste se dirige en priorité vers un petit label pour des questions d’argent. Le côté intéressant pour ce dernier se situerait plutôt dans le côté “humain” de la structure, la proximité entre tous les acteurs. Chez Nashton Records on ne se connaissait pas de base, mais artistes et staff sont devenus potes jusqu’à devenir une grande famille, c’est une fierté pour moi, car c’était un de mes objectifs en montant ce projet, et dieu sait que c’est difficile de créer une osmose dans un groupe en ne partant de rien. »
Pont Neuf : Je parle en tant que jeune label, mais on ne signe pas à proprement parler d’artistes sur une maison de disques de notre taille. Déjà parce qu’on ne peut pas s’engager sur un volume de sorties avec nos petites finances naissantes. Ensuite parce que je pense que c’est aussi plus intelligent pour un jeune artiste de sortir sur plusieurs labels au début pour se faire connaître. La stabilité et le confort de signer sur une seule maison de disques viennent ensuite, ou pas d’ailleurs, pour ceux qui préfèrent rester en électron libre. Après dans notre cas, on a la chance de produire des artistes qu’on accompagne aussi côté management et booking, et qui nous font confiance là-dessus. Ça leur rapporte un peu d’argent oui, mais pas assez pour en vivre à ce stade. Ce sont surtout les dates qui viennent à la suite d’une sortie qui ramènent des sous dans les caisses (et l’édition, lorsque tu commences vraiment à te faire un nom).
Péché Mignon : Je pense que tout artiste dans ce milieu musical et vivant de sa passion prend plaisir à participer à plusieurs projets, surtout avec des petites maisons. Je ne sais pas comment les autres maisons fonctionnent avec leurs artistes, mais nos contrats ne se basent pas sur un échange œuvre/argent, mais sur un rapport « humain » et une fidélité certaine. Je n’aime pas l’idée de signer des artistes pour une seule sortie, puis d’accepter que chaque partie « poursuive son chemin ». Je propose à nos producteurs de vivre réellement le projet et de rester avec nous autant qu’ils le désirent. La relation label/producteur que j’ai voulu mettre en place est identique à celle qui prévalait à la création du collectif : une bande de potes.
Le but c’est que ça reste un hobby ou que vous puissiez gagner votre vie avec et ne faire que ça ?
Nashton Records : Le but serait clairement que nous puissions tous gagner notre vie grâce au projet, ne serait-ce que pour avoir une juste récompense de tous les efforts investis par chacun à son niveau depuis 3 ans. Cependant, nous mettons un point d’honneur à rester fidèles à notre philosophie de base (nous produisons uniquement des artistes de Lyon et de Cracovie, les 2 villes où nous sommes implantés). Ça ralentit notre expansion économique, mais nous préférons suivre notre philosophie plutôt que de nous vendre pour quelques écus.
Pont Neuf : Même si je ne peux clairement pas en vivre aujourd’hui, je ne considère pas ça comme un hobby non plus. Donc oui, si j’ai l’opportunité de vivre de ma passion, je saute dessus. Je ne veux pas nourrir de frustration plus tard en me disant que j’aurais dû tenter de porter mon propre projet jusqu’au bout, quitte à ce que ça ne fonctionne pas.
Péché Mignon : Pour le moment, nous ne vivons pas de ça. C’est un « hobby » effectivement, même si toute personne vivant l’expérience de diriger ou de faire partie d’un label sait que l’investissement personnel est bien trop grand pour appeler ça ainsi. Rien ne me rendrait plus heureux que de permettre à mon équipe et à moi de vivre de Péché Mignon Records. Mais la difficulté du business musical et l’effervescence spectaculaire de la scène française et européenne ces dernières années amènent à une concurrence impressionnante dans l’Hexagone. C’est une véritable aubaine pour le public, mais c’est également très difficile pour les petites structures. Nous nous laissons guider par cette passion, les yeux fermés, et advienne que pourra.
Une histoire rigolote autour de votre label ?
Nashton Records : Le nom “Nashton” vient de l’univers de Batman, plus particulièrement de l’un de ses ennemis : l’Homme-Mystère, de son vrai nom Edward Nashton…
Pont Neuf : Pour notre premier anniversaire, on voulait sortir une deuxième compilation après Habemus Paname. Je me souviens d’un brainstorming avec les artistes où on est complètement partis en sucette : le deuxième volume devait s’appeler Paris Sounds Germain, on devait faire des stickers panini avec la tête des artistes grimés en footballeur 80’s, prendre une photo sur la pelouse du Parc avec les maillots RTL, j’en passe et des meilleurs… Pour tout un tas de raisons évidentes (de droits sur le nom, d’accès impossible au Parc des Princes, et Colette qui sortait quelques semaines plus tard des stickers avec Ed Banger pour l’Euro en France), on a abandonné l’idée, mais ça nous a bien fait marrer.
Quelque chose à ajouter ?
Nashton Records : Hakan : « Un grand merci à Trax pour cette invitation, on a parfois le sentiment d’être invisibles au niveau médiatique malgré nos particularités, c’est donc une sorte de confirmation pour nous et nous en sommes très reconnaissants. »
François : « On a hâte d’être sur le stand aux côtés de tous nos autres confrères pour partager ce bel événement, très fier aussi de pouvoir représenter la partie lyonnaise avec Nashton Records dans la capitale ! »
Péché Mignon : Je tiens à remercier Trax de nous avoir invité à cet évènement et de donner la voix aux petites structures lors de cette journée.
Le Trax Disquaire Day aura lieu au Generator Hotel de Paris, le 22 avril prochain.
Un événement organisé en partenariat avec Greenroom, Kisskissbankbank et Single Pattern.