Dans les années 80, New York fourmille de clubs, et la scène disco est en pleine ébullition. Cette profusion attire Keith Haring, fasciné par le monde de la nuit, et qui s’impose alors comme figure majeure de l’art contemporain en plein renouveau. C’est dans ces clubs à la musique enivrante que l’artiste trouvera notamment l’inspiration pour ses personnages dansant devenus si célèbres. Il y croisera par ailleurs de nombreux autres artistes, comme Jean-Michel Basquiat, Klaus Nomi, la toute jeune Madonna, mais aussi Grace Jones. Cette dernière était à l’époque considérée comme la reine du disco, et particulièrement du Paradise Garage, club favori d’Haring. L’histoire derrière la rencontre de ces deux artistes emblématique en 1984 est pourtant peu connue.
Fasciné par le corps de la chanteuse, qu’il juge « primitif et pop », Haring veut peindre à même la peau de Grace Jones. Ils s’installent donc dans le studio du célèbre photographe Robert Mapplethorpe, connu pour avoir réalisé la pochette de l’album Horses de Patti Smith, mais aussi de nombreux clichés érotiques. Jones, arrivée en retard, est pressée : elle doit ensuite aller à un dîner d’anniversaire. La séance dure toutefois les 18 heures prévues, durant lesquelles Mapplethorpe prend de nombreuses photos. Haring livre une œuvre mêlant toutes ses influences, des Mayas aux Eskimos, mettant en valeur le corps de Grace Jones. Une fois la séance terminée, la diva n’ayant pas le temps de se changer, se rend à son dîner le corps toujours recouvert des peintures de Keith Haring. Le franc succès de cette “tenue” lui vaudra de faire à nouveau appel à Haring pour reproduire ses peintures à l’occasion de deux concerts mythiques au Paradise Garage.
Cette histoire est symbolique de la rencontre de la musique et des arts, caractéristique des années 80 et contemporaine de la naissance de la culture électronique. Trax Magazine a accordé plusieurs des pages à l’effervescence de cette époque dans son numéro 220, consacré aux rapports de plus en plus étroits entre musique électronique et institutions artistiques. Un dossier dédié au rapport entre Keith Haring et les danseurs, basé sur des citations extraites de sa biographie et de son journal, revient sur le lien qu’entretenait l’artiste avec le Paradise Garage, et sur l’impact de ces soirées sur son propre art graphique, suivi d’une interview du DJ résident du Paradise Victor Rosado. Ce numéro est disponible en kiosque et sur le store en ligne du magazine.