Un groupe d’amis, c’est comme ça qu’est né le festival lyonnais Evasion. Initialement prévu pour grimper la colline de Fourvière, c’est finalement le Grand Parc (naturel) Miribel Jonage qui héberge la bande de Victor Jobeili, programmateur du festival qui invoque « la force des choses » en parlant de leur réussite, sans regarder en arrière.
Tout a commencé il y a trois ans. Peu expérimentés dans le domaine, la première édition d’Evasion en 2016 était à la limite de pouvoir porter le mot de passe « festival ». L’événement s’étendait seulement sur une journée. Depuis, l’équipe des organisateurs s’est professionnalisée, passant sur un format deux jours. Quelques 11 000 festivaliers s’y sont rendus, dont 80% de Rhône-Alpins et – en marge – quelques sud-américains. L’objectif de l’équipe est d’aller chercher toujours plus de mixité culturelle, comme les festivals Into The Wood, Dekmantel, ou encore Château Perché. « Depuis, on s’est entouré de plein de personnes compétences en terme de directions techniques notamment » précise Victor. À tel point que d’autres jeunes collectifs viennent puiser dans leur expérience, à l’image de La Chinerie.
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La troisième édition sera le temps de la maturité, s’aidant du recul pris ces deux dernières années. « Même si ça se ressentait pas forcément dans le public, de notre côté, on a vu un peu nos limites. L’année dernière on était sous l’eau, on est sorti lessivé du festival. Il faut qu’on travaille en amont ces petits points de détails qui permettent plus de fluidité le jour-j » avoue Victor, qui était en plein dossier « talkie walkie » au moment de décrocher son téléphone pour répondre aux questions de Trax.
Passant à la vitesse supérieur — plus de 13 000 personnes attendues cette année —, de simples amateurs de musiques à organisateurs d’un festival structuré et reconnu, les gars d’Evasion ont du culot, et de vraies ambitions.
Avec lucidité, Victor et les autres membres de l’équipe ont fait le constat : « il y a un changement de mentalités : le public est toujours attiré par les headliners, mais le lieu est de plus en plus important ». Situé à Vaux-en-Velin, en périphérie lyonnaise, le grand parc de Miribel a décidé il y a trois ans de faire construire une plage artificielle pour dynamiser son activité. Une décision qui tombe à pic, puisqu’Evasion naît à ce moment là. Réserve d’eau potable de la métropole, la nappe phréatique du parc alimente la plage de l’Atoll, choisie pour son sable blanc comme scène house du festival.
« Pour se faire connaître dans la musique électronique, il faut programmer des artistes qui tournent beaucoup. Mais faire venir des headliners c’est à la portée de tout le monde. Avoir une vraie ambiance de festival, c’est encore plus gratifiant. Notre objectif ultime » envisage déjà Victor. En délimitant les trois principaux espaces installés selon le genre musical des artistes (techno, house, trance), Evasion joue la carte de la diversité des styles.
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Pour chaque scène, des têtes d’affiches permettent à Evasion de rechercher cette « crédibilité sans laquelle nous ne pouvons évoluer vers une programmation qui nous tient plus à cœur ». Dans la clairière, Jeff Mills, père de la techno depuis la période Détroit, se place en pôle position. Rødhåd représentera, lui, cette techno allemande et industrielle qu’il étale dans son label Dystopian depuis 2012. Viennent s’ajouter Amelie Lens en tête d’affiche et le bulgare KiNK, un broken beat orienté pour les dancefloors. En exclusivité sera présenté un B2B entre Ø [Phase] et Kr!z, qui avait déjà invité le premier sur son label Token Records.
Du côté de la plage, l’espace house sera dirigé par Omar S, le boss de Détroit, et l’allemand Motor City Drum Ensemble, dénicheur de disques. Côté live, Space Dimension Controller jouera ses sonorités synthétiques et Lou Chang sa funk teintée de jazz du bout des doigts. Mais à côté de ces noms majeurs, le festival fera la part belle « à des DJ’s plus émergents comme Dan Shake », spécialistes des percussions et des sons latinos.
La scène du bois sera jugée au regard de la prestation de Hilight Tribe, tête d’affiche de cette scène trance. Elle sera habillée pour l’occasion d’une scénographie reconstituant le Château dans le Ciel de Miyazaki et composée de deux DJ booth cachés dans les tours du château. Pour ce premier format concert organisé par l’équipe d’Evasion, le groupe « Hitlight Tribe sera dans la scène, et lorsque le concert débutera, la scène va se mettre à bouger et dévoiler le concert ! » s’exclame Victor, excité à l’idée de ce spectacle vivant. Il partagera la scène avec Freedom Fighter, une trance psychédélique qui a déjà fait le tour du monde.
Si Evasion met le paquet sur cette scène trance, c’est parce qu’un peu de l’histoire du groupe d’amis s’y trouve. « L’un des fondateurs du festival, Ludo’, nous a quitté en début d’année. Cette édition est un peu en son honneur. Lui était un passionné de trance, donc on a à cœur de conserver cette scène ». Victor a d’ailleurs redécouvert cette scène depuis lors. « Ces artistes trance ont des codes complètement différents que ceux de la techno, qui sont extrêmement strictes. Là les gens sont plus ouverts ; certains ont décidé de reverser leur cachet à la famille de Ludo’, quand ils ont appris son décès. Il y a un côté humain dans cette scène qui est incroyable. D’autres peuvent penser que c’est un style de musique un peu plus extrême mais à Evasion on en a vu que des côtés positifs ».
Sur la quatrième scène, la cabane du soleil, c’est Lyon qui est mise à l’honneur. Ce tissu de collectifs et autres labels rayonne par sa diversité et son dynamisme, « n’est pas assez représentée sur les gros événements » juge Victor. « Pour la programmation, on n’a pas eu à se prendre la tête, nous avons booké tous les amis et DJ’s actuels que nous apprécions. Il y aura les équipe de Chez Emile, La Chinerie, Particules, Saīnt Drōme, Lumbago, Art Feast, Atipik, et tous les autres, quasiment tout le monde ! ».
Derrière l’invitation envoyée à leurs amis, l’idée est que le pouvoir d’attraction d’un artiste étant limité, la seule chose qui soit illimitée, c’est l’envie de faire la fête, et dans de bonnes conditions. « La musique est un prétexte, pour se réunir, dans un beau lieu, dans une ambiance. Une fois qu’un lieu est connu, on peut se permettre plus de prise de risques, faire plus de place à des petits DJ’s. Plutôt qu’un artiste qu’on va payer 10 ou 15 000 euros, cet argent peut servir à mettre en place des choses exceptionnelles. C’est notre stratégie : nous faire connaître, montrer qu’on a le timbre musical qui convient, et petit à petit nous permettre de sortir des festivals conventionnels ».
Evasion se réclame festival populaire car les organisateurs sont des festivaliers avant tout. Comme tout à chacun, ils ne tolèrent pas de prix excessifs au bar ou l’absence de scénographie. L’histoire de Victor et de ses amis résume l’esprit général du festival : de la passion amateur et de l’amitié d’un côté, mais de l’autre une dose de professionnalisme, qui réussi à faire venir Jeff Mills et des agents de sécurité équipés de talkie-walkies.
Plus d’informations sur la page Facebook de l’évènement et sur le site de la billetterie.