Pourquoi le “DJ set” de KFC à l’Ultra Music Festival dérange autant

Écrit par Antoine Gailhanou
Photo de couverture : ©D.R.
Le 03.04.2019, à 11h45
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©D.R.
Écrit par Antoine Gailhanou
Photo de couverture : ©D.R.
Vendredi 29 mars, 15h55 : sur la Main Stage de l’Ultra Music Festival, rassemblant des milliers de spectateurs à Miami, la mascotte de KFC est venu livrer un “set” de 5 minutes. Cette opération marketing, en plus d’être désagréable pour le public, soulève des questions essentielles sur la place des partenaires financiers dans un festival.


Pour la 21ème édition de l’Ultra Music Festival, le premier jour du gigantesque festival EDM de Miami a vu se produire une étrange innovation. Sur le line-up, on pouvait déjà s’étonner du nom de “DJ Colonel Sanders” parmi ceux des artistes, programmé à 15h55, pour un set de cinq minutes sur la Main Stage. On croirait à une blague… mais la marque de fast-food KFC s’est bel et bien offert un set, devant des milliers de spectateurs.

La scène est surréaliste : annoncé en grande pompe, un DJ arrive derrière les platines, portant un énorme masque à l’image du Colonel de KFC (non sans rappeler celui de Deadmau5). Les multiples écrans de la scène projettent des animations martelant le slogan « Finger lickin’ good », des nuggets, une tête de Sanders géante battant la mesure, tandis que la musique diffuse une phrase des plus terrifiantes : « Je suis Colonel Sanders, Je suis partout. » Le malaise est palpable parmi le public, qui réagit à peine.

Au-delà de ses allures d’un épisode de Black Mirror, ce set pose plusieurs questions. Quelle est la place réservée aux partenaires d’un festival ? Certes, un festival d’une telle ampleur nécessite des financements. Mais l’Ultra n’aurait-il pas passé un cap ? Ce “DJ set” faisait office d’énorme publicité de cinq minutes, à laquelle il était impossible d’échapper. Les moyens normalement réservés aux artistes ont cette fois-ci été mis à disposition d’une marque venue offrir non pas de l’art ou du divertissement, mais un message marketing, que le public a donc payé pour entendre.

Comme le souligne le site Mixmag, le précédent est dangereux : combien de marques vont vouloir réitérer l’expérience ? Combien de festivals, soumis à la pression financière, vont accepter de vendre du temps de scène à leurs partenaires ? Les festivals sont-ils voués à devenir de grandes opérations marketing malgré eux ?

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Les choses sont toutefois à tempérer. L’Ultra Music Festival est connu pour laisser une grande place au marketing, et le DJ Alex Metric ironise avec justesse sur les réseaux sociaux « Il ne s’agit pas non plus de Ronald McDonald jouant au Berghain. » La marge reste grande avant que les petits festivals fassent un aussi grand compromis. Mais le principal problème que cette opération soulève est plutôt la dévaluation des autres artistes du festival. Marshmello, jouant sur la même scène, un peu plus tard, a ainsi déclaré sur Twitter « Je peux penser à un tas d’autres artistes qui méritent vraiment d’être sur cette scène à la place. » Ces cinq minutes de set, pour lesquelles de nombreux DJs se seraient damnés, questionne le mérite et le travail des artistes qui se retrouvent relégués au second plan.

Le marketing s’invitant sur la même scène que les artistes, la question se pose : qui de la marque ou de l’artiste sert le plus l’autre ?

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