D’où t’est venue cette envie d’aller vers la musique électronique ?
Ce n’est pas quelque chose de conscient. Mais c’est vrai que je sors plus qu’avant, ça m’a fait un peu plus découvrir les musiques électroniques. Comme je viens de la musique classique et du jazz, j’ai trouvé quelque chose qui me parlait là-dedans. Ça m’a fait penser à de la musique contemporaine : des sons lents, des choses très répétitives. Cette impression de rentrer dans un son comme avec un microscope. Plus j’en écoutais, plus j’entendais de choses, plus j’allais loin, vers la nature des sons, ce que j’adore en musique. C’est ce que j’ai aimé découvrir en mettant les mains dans les synthés. Et moi qui adore danser, ça me correspondait.
C’est toi qui as produit l’album ?
On a fait ça avec Maestro, de chez Tigersushi, qui sont des amis. Je trouve qu’on est plus intelligents et plus créatifs à plusieurs, et là on était super complémentaires. Ils connaissent bien les synthés, la programmation des batteries, et moi j’étais plus sur les mélodies, les chansons. On se connait depuis longtemps et pour moi, la création de musique c’est quelque chose d’intime donc je ne me voyais pas travailler avec quelqu’un que je ne connaissais pas du tout.
Ça t’a amenée vers des chemins différents en termes de chant ou d’écriture ?
Pas au niveau de l’écriture, parce que j’avais déjà écrit tous mes textes. Ce qui a surtout changé, c’est de me retrouver en studio avec tous ces vieux synthés, d’être entourée de machines. La nature des sons n’est pas la même. Il y a quelque chose d’assez chaleureux qui est apparu dans ma musique, et auquel je ne m’attendais pas. Je dois vraiment cela à Maestro. Moi qui suis un peu pudique, je crois que je suis aussi allée chercher ce côté physique, de sueur et de corps un peu… sale, qu’ils ont naturellement sur scène ! Même si ce n’est pas la première chose qu’on entend dans le disque, je suis allée vers cet état de tension qu’ils me provoquent lorsqu’ils sont sur scène.
Ça me fait penser à Peaches, que tu cites souvent en référence, et qui s’est amusée avec les cases et la musique électronique.
Je ne pense pas vraiment comme ça. Je ne me suis pas dit que cette fois-ci j’allais faire un truc électro. La dernière chanson que j’ai faite par exemple, je l’ai écrite au piano, donc il n’y a pas de préméditation de style dans mon travail. C’est pour ça que j’aime bosser avec d’autres gens, parce que leur regard me permet d’aller à la recherche de l’ADN de la chanson. On essaie de découvrir comment elle est censée sonner. Par exemple pour “Mutate”, on a fait plein de versions et on a essayé de la faire sonner différemment. Et finalement, au moment où on a trouvé, on a eu une impression d’accomplissement. On s’est dit qu’elle sonnait enfin comme elle devait sonner.
Dans Trax #214, la chanteuse se livrait également sur son train de vie, quelques mois avant d’être nommée aux Victoires de la Musique.
Ta dernière grosse soirée ?
Je crois que c’était à Avignon. J’ai passé du son pendant 4h en mode boum au Délirium ! J’étais là-bas pour la clôture du festival avec Olivier Mellano (compositeur et musicien, ndlr). On avait organisé ce truc en deux secondes et demie, un faux DJ set dans ce lieu génial. En fait, je passais juste du son avec mon iPod, à jouer du Missy Elliot et du Peaches entre de la techno à du gros R&B qui tâche, c’était très bien. Sinon, à Paris, j’aime aller aux soirées Shemale Trouble, à la Station, ce genre d’endroit assez doux dans l’ambiance même si la musique ne l’est pas forcément. Ça peut être sauvage et doux en même temps, c’est bienveillant, safe, et je trouve ça vraiment très agréable. Tu peux vraiment écouter de la musique et t’amuser.
Ta dernière décision pour prendre soin de toi ?
Je me suis mise à la boxe française depuis un mois, et j’avoue que c’est un peu la découverte du moment. Le fait d’utiliser les pieds et les poings, c’est un peu comme de la danse, ça me plaît beaucoup.
Ton dernier mensonge ?
Hmm… Je n’ai pas l’impression de mentir beaucoup. Même pas un peu. Peut-être par omission parfois, je ne peux pas répondre à une question, mais je ne crois pas que je mente. Dans mes chansons, je ne me mets pas en scène, il n’y a pas de personnage. Parfois, dans le fil de l’écriture, il y a des choses qui arrivent parce que ça marche, et qui peuvent s’éloigner du centre de gravité. Mais sinon, tout est sincère, il n’y a pas de personnage, pas encore.
Ta dernière idole ?
Mon dernier coup de cœur musical c’est Boy Harsher, avec leur EP Country Girl, j’ai écouté ça tout l’été. C’est un duo du Massachusetts, qui fait de l’EBM, sorte d’électro avec du chant complètement dépressif. C’est le genre de chose qui normalement ne me plaît pas forcément mais là, j’ai été complètement hypnotisée. J’écoute aussi Tirzah en boucle en ce moment, et The Chauffeur de Duran Duran depuis hier soir. Et sinon, mon idole, j’en ai eu qu’une, c’est Prince. Ce n’est pas ma dernière idole, mais ma première.
Ton dernier texte ?
Je n’ai pas un rythme très intense en ce moment, mais je dois écrire une chanson bientôt, parce qu’on s’est dit avec les membres de mon groupe qu’on allait se faire écouter une chanson tous les mois, et la deadline approche. Je suis du genre calepin ou portable dans le métro à noter une idée, ou un dictaphone à portée de main. Tout à l’heure, je t’enverrai mon dernier texte en photo (photo ci-dessous, ndlr).
Ton dernier album (à quelqu’un qui ne te connaît pas) ?
Je dis que je fais de l’électro-pop, qu’il y a des mélodies, un peu d’harmonie aussi. Que c’est assez synthétique et chaud à la fois. Que cet album groove plus que ce que j’ai fait avant, qu’on peut danser dessus. Que c’est en anglais, et avec beaucoup de chants dedans.