Pourquoi la galerie d’art est devenue le terrain de jeu des producteurs techno

Écrit par Éléonore Reyes
Photo de couverture : ©La Scuola Open Source
Le 10.10.2017, à 12h33
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©La Scuola Open Source
Écrit par Éléonore Reyes
Photo de couverture : ©La Scuola Open Source
Musicien électronique avant toute chose, mais aussi designer d’interaction, Nicolas Armand déploie son œuvre dans des espaces hétérogènes. Avec une expérience prééminente des clubs et des soirées, il expose désormais dans des galeries ou lors de manifestations dédiées à l’art contemporain. Du 19 au 22 octobre, c’est la Biennale de Paname qui accueillera l’une de ses installations interactives, aussi dérangeante que passionnante.

C’est sous le nom de Terdjman que Nicolas Armand a déployé son projet musical articulé autour de synthétiseurs modulaires. Un univers dense et contrasté, affilié au label rennais Tripalium, foyer prolifique de noise, techno industrielle et expérimentations post-modernes. Parallèlement, il forme aussi la moitié d’un duo noise/drone nommé Dentelle, avec lequel il se produit dans des lieux moins “clubs” qu’avec le projet Terdjman.

J’ai toujours été tiraillé entre un côté technoïde, musique de club, et un autre penchant beaucoup plus abstrait, comme pour le drone ou la noise. C’est sans doute pour ça que l’expérience de la galerie m’intéresse énormément, puisqu’elle me permet d’explorer d’autres aspects de ce que j’aime, ne serait-ce qu’en termes de textures sonores.

Aujourd’hui, il est aussi reconnu comme designer d’interaction travaillant à partir de la musique électronique. Une étiquette qu’il doit notamment à sa formation de designer graphique, puis de designer interactif : “La pensée de l’espace, de la spatialité dans la musique m’a toujours préoccupé. Il faut penser que, par exemple, un type de reverb est toujours associé à un type d’espace où l’onde sonore se déploie. Par mon parcours en design notamment, j’ai pu concrétiser des projets où la musique électronique interagit avec les auditeurs et prend en compte l’environnement où elle advient”.

C’est en 2015, avec le projet CV to Video, que l’idée d’un travail sur l’interaction homme-machine a commencé à mûrir. Un dispositif qui lui permettait de convertir et de contrôler les signaux de son synthétiseur modulaire en vidéo projetée en temps réel, parallèlement à la musique : “J’improvise toujours dans mes live, il m’était donc impossible de travailler avec un video-jockey car rien n’était préparé à l’avance. J’ai donc imaginé ce prototype pour accompagner ma musique de son corollaire visuel”. Mais ce n’est que deux ans plus tard, en mars-avril 2017, que ses œuvres ont été exposées en galerie pour la première fois.  Une infiltration de la musique électronique dans les espaces de l’art contemporain, à l’image des galeries d’art sonores actuellement en plein essor. 

Après la traduction de la musique en vidéo, c’est les données de photographies prises par Jacob Khrist qu’il a converti en matière sonore. Dans le cadre du TXTR de cette année, Nicolas Armand avait alors expliqué à Trax: “Comme nous avions des images à projeter, j’ai puisé dans cette matière des informations, comme les valeurs de luminosité et de teinte, par exemple. J’envoie ensuite ces infos dans un synthétiseur modulaire, ce qui crée un environnement sonore à partir de la vidéo”. Une démarche inverse à celle de CV to Video et qui montre aussi l’importance du dialogue entre les arts à l’ère du numérique.

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L’installation qui sera présentée à la Biennale de Paname poursuit cette démarche interactive entre les technologies et les êtres humains. Elle revêtira la forme d’un espace délimité par 4 haut-parleurs entre lesquels évolueront une douzaine d’auditeurs. Une caméra placée au-dessus captera leurs déplacements, qui seront traduits en matière sonore. Une œuvre qui ne peut donc exister qu’avec un public, mais qui ne pourrait pas advenir dans un club ou une salle de concert : “Techniquement, ce n’est pas possible car la caméra ne peut pas capter les mouvements de beaucoup d’individus. Ce n’est pas non plus la même relation au public. Lors d’un live en club, je reçois beaucoup d’énergie du public, mais c’est quelque chose de collectif. Tandis que dans cette expérimentation, les déplacements des auditeurs sont captés individuellement”.

PyroGraph – Nicolas Armand

Car si les lieux ont tendance à être rattachés à un type d’événements en particulier, les endroits où les musiciens se produisent influent aussi sur leur posture : “Au travers de toutes ces expériences, c’est une grande diversité d’usages et de manières d’aborder mon instrument qui se crée. Dans le cadre du Red Bull Music Academy Festival à Montreuil, j’ai collaboré de nouveau avec Jacob Khrist. Il m’a fallu beaucoup de travail pour arriver à créer ma partie de l’exposition, mais à la fin j’ai eu l’impression d’avoir exploré mon instrument d’une manière très différente. Donc, finalement, ça nourrit énormément ce que je suis en tant que musicien“.

Pour découvrir en live les oeuvres de Nicolas Armand, rendez-vous à la Biennale de Paname dès le 19 octobre, ou bien ce 14 octobre sur le toit du Mozinor en live avec son duo Dentelle

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