Pourquoi la culture militante n’a jamais été aussi cool qu’au Consulat, cette folle friche de 3 000 m²

Écrit par Briac Julliand
Photo de couverture : ©D.R
Le 24.10.2018, à 12h56
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Écrit par Briac Julliand
Photo de couverture : ©D.R
Ce week-end, le Consulat fermera ses portes. Installé à la Gaîté, dans le XIVe arrondissement, l’association G.A.N.G a fait revivre le projet dans un espace de plus 3 000 m², sur le chantier d’un projet urbain mixte. De quoi faire place à des associations et projets alternatifs qui ont fait du Consulat, six mois durant, l’un des lieux les plus intéressants de la capitale.

C’est en 2015 que le G.A.N.G se fait connaître. Alors appelé, et à juste titre, G.A.G — pour Groupe d’Action Green —, le collectif avait organisé à Cannes une fausse conférence de presse de Monsanto, durant laquelle, faisant passer ses membres pour des porte-paroles de l’entreprise, l’association dénonçait les pratiques belliqueuses du géant américain, à la veille d’une marche mondiale à l’encontre de la société.

Un an plus tard, l’association qui avait trouvée son acronyme actuel, pour Groupe d’Action Néo Green, s’invitait dans un immeuble rue Ballu pour créer le Consulat. Un projet d’un mois afin de réunir artistes et collectifs d’horizons divers autour d’une idée commune : le militantisme par le prisme de la créativité. Cette idée s’est donc caractérisée par l’occupation à temps plein des 3 000 m² de la Gaîté, dont chaque recoin a vécu à 100%. Collectifs de soirée, associations militantes et artistes en résidence se sont donc côtoyés sur deux étages, où concerts, conférences, ateliers et expositions étaient, pendant près de 6 mois, légion. La cantine végétarienne accueillait des expériences culinaires telles que des dîners sous hypnose et des émissions de radio, comme la matinale du Consulat animée par Xavier Faltot, des espaces étaient aménagés pour permettre des cours de Tai Chi et booty shake, d’initiation au compost… Des projections et performances étaient également fréquemment organisées, telles que la série de performances « WHY DO WE SWEAT? » qui interrogeait l’écriture du corps et la chorégraphie sociale. 

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Un joyeux remue-ménage, qui vise à faire se rencontrer public et associations, et imaginer de nouvelles formes de vie citoyenne. « L’identité du Consulat s’est construite de façon très naturelle, se réjouit Gipsy, chargée de la communication au sein du G.A.N.G. On voulait à la fois offrir un espace à des collectifs de nature différente, pour les regrouper sous une même ambition, mais aussi mettre en place un endroit ouvert au public, qui encourage le vivre ensemble à travers ses activités. » Un modèle intersectionnel qui a déjà fait ses preuves en 2016 et qui a perduré cette année, durant laquelle la diva caribéenne Calypso Rose a, par exemple, animé la rentrée de la Fondation des Femmes.

« Les gens voulaient bien donner de l’argent à quelque chose de local qui leur parle sans en faire des caisses »

Ce projet, porteur de sens et d’idées, est également viable sur le plan économique : « On nous a questionné sur notre modèle économique, mais en fait on essaye juste de décloisonner les lieux, les causes et les publics. Avec le Consulat, on s’est vite aperçu que les gens voulaient bien donner de l’argent à quelque chose de local qui leur parle sans en faire des caisses. » Pendant le mois d’août, alors que Paris se vidait, le Consulat est passé en « mode intimiste » et a accueilli pendant trois semaines une Summer School, l’occasion de s’initier aux arts du spectacle mais également d’apprendre l’organisation horizontale. Chaque participation aux frais était dite « consciente » : chacun donne selon ses moyens et à la hauteur de ce qu’il estime avoir reçu comme enseignement. « Pour nous c’est l’occasion de montrer à la Mairie de Paris qu’aujourd’hui, la société des loisirs peut financer une économie sociale et solidaire. D’ailleurs on va éditer un bilan public, quand on aura vraiment terminé. » L’occasion de revenir, entre autres, sur le succès des différentes conférences organisées, comme celle sur les lanceurs d’alerte, ou les partenariats avec Emmaüs alternatives.

De quoi se demander pourquoi le Consulat prend fin ; une question à laquelle l’interlocutrice répond que le projet est né d’opportunités — ce sont des promoteurs immobiliers qui sont venus vers le G.A.N.G pour leur proposer d’investir des bâtiments — et ne peut pas rester à la Gaîté indéfiniment. De là à penser qu’une nouvelle version du Consulat finira par voir le jour ailleurs, il n’y a qu’un pas, que Gipsy ne franchit pas complètement : « Déjà je pense que l’équipe va se reposer un peu, c’étaient des mois très intenses, même si on est plus nombreux qu’en 2016. On a déjà été sollicités, on a des propositions plus pérennes, mais on ne sait pas si c’est vraiment ce qu’on veut. Même si le côté éphémère du Consulat pose beaucoup de limites, on a pas envie de devenir un centre culturel. Alors on verra. »

Quoi qu’il en soit, le Consulat, qui avait reçu cet été une Flash Cocotte et une Fusion Mes Couilles, s’apprête pour le dernier week-end à organiser une ultime soirée house avec l’association Les Eveillés, qui collecte des fonds pour des collectifs venant en aide aux migrants. L’occasion de voir mixer, le 27 octobre prochain, les poulains de Cracki Records, le collectif Pardonnez-nous, Janeret et Les Yeux Orange.

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