L’univers de Giorgia Angiuli est quelque peu particulier : s’y côtoient instruments, voix juvénile et production minutieuse sous Ableton, dans une explosion d’émotions divergentes et une esthétique à mi-chemin entre pop et techno. L’artiste s’est notamment fait connaître grâce à YouTube, où elle publie de brèves vidéos pour présenter ses projets et techniques musicales, toujours vêtue de rose, couleur qui exerce sur elle une véritable fascination. En témoigne le nom de son nouvel album, In a Pink Bubble, dans lequel elle rend hommage à sa mère décédée, dans un sensible alliage entre kicks profonds et imagerie infantile.
Elle fera aussi partie de la programmation d’I Love Techno le 15 décembre prochain au Parc des Expositions à Montpellier, ainsi qu’au Printemps de Bourges 2019 (du 16 au 21 avril) où elle jouera en live avec ses instruments, dont la plupart sont des synthétiseurs ressemblant plus à des jouets, et sur lesquels elle scande une techno inimitable issue de sa chambre d’enfant aux murs saumon.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Giorgia Angiuli et suis originaire de Monopoli, dans le sud de l’Italie. J’ai grandi dans une famille de musiciens : la musique a toujours fait partie de ma vie. J’ai appris la guitare classique au conservatoire puis ai joué pas mal de styles différents dans un groupe de nu metal, de l’indie à la musique électronique. Je me suis mise à produire et à jouer de dance music il y a quatre ans. Je ne suis pas DJ et ne joue qu’en live. Je suis quelqu’un de romantique qui adore les choses simples.
Comment as-tu eu l’idée de faire des vidéos YouTube ?
Je suis un peu timide et n’aime pas trop parler devant l’objectif. Quand les réseaux sociaux ont commencé à s’imposer, les promoteurs me demandaient souvent de faire une vidéo de présentation pour faire de la pub à l’événement. C’était quelque chose que j’étais incapable de faire, alors je leur disais que je pouvais faire une vidéo toute simple dans ma chambre avec mon téléphone… Et ça a commencé comme ça. La réaction des gens a été positive. Depuis, je mets toujours ma musique en avant par ce moyen ; c’est très simple, j’ai juste besoin d’un téléphone. Et j’aime bien montrer aux gens mon côté plus « funky » : j’improvise un peu avec le matos que je préfère.
Comment es-tu passée de la musique classique à la musique électronique ?
Ça s’est fait très naturellement. J’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses et faire de nouvelles expériences. Ce qui est certain, c’est que l’album Kid A de Radiohead m’a ouvert l’esprit vers d’autres perspectives. Puis un ami m’a donné quelques CDs. Il y avait des choses comme Autechre et Boards of Canada : je suis immédiatement tombée amoureuse des atmosphères qui s’en dégageaient et j’ai voulu comprendre comment on faisait ce genre de musique. Du coup, j’ai laissé tomber ma guitare adorée et j’ai investi dans du hardware de production. Au début, j’ai commencé avec ça : Ableton, une carte son très bon marché et petit à petit j’ai acheté des synthétiseurs analogiques. D’ailleurs, je ne sais pas vraiment comment ma musique va évoluer dans le futur.
Peux-tu nous parler de l’histoire de ton nouvel album ? C’était quoi ta démarche créative ?
Tout s’est fait très vite et sans réelle planification. J’ai produit l’album en huit mois ; j’ai beaucoup travaillé pendant mes déplacements, même quand je prenais l’avion. J’avais du mal à trouver du temps pour moi en studio. J’ai ressenti un besoin fort de composer, de traduire mes émotions par du son puis ai décidé de mettre tous ces morceaux dans un LP. Cette année a été très spéciale pour moi : premiers gigs à l’international, découverte de plein de nouveaux pays mais aussi perte du plus grand amour de ma vie, ma maman. C’est la musique qui m’a sauvé de la dépression. Cet album est un hommage à ma maman et un remerciement à la musique pour m’avoir permis de me sentir mieux, de passer le cap. Je me sentais comme vivant dans une bulle rose (ndlr : le nom de son album, In a Pink Bubble) à cause de toutes ces émotions contradictoires. J’ai fait quasi tous les morceaux à bord de l’avion où je compilais mes idées sur Ableton. Puis de retour entre deux dates, j’enregistrais tout au studio.
Quelles ont été tes influences pour cet album ?
Je me suis inspirée de toute la musique que j’ai écoutée en général, de la pop à la techno et même de la musique sacrée. J’aime énormément de styles différents. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais aussi beaucoup de pop comme The Cranberries, Björk et Tori Amos. Je pense que ça doit toujours m’influencer quand je compose. Je suis contente parce que j’ai réussi à ne pas me plier aux règles du marché. J’ai juste suivi mon instinct et essayé d’être moi-même. Et puis, je suis très fan de l’équipement vintage. Pour cet album, j’ai enregistré ma guitare, ma voix et mes synthés favoris (Sub37 Moog, Juno 106, OB6, MS2000).
Ta voix est-elle présente sur chaque morceau ? Comment est-elle produite ?
Oui. Je n’ai collaboré avec aucun autre chanteur, c’est toujours ma voix, bien que je ne l’aie pas utilisée sur chaque morceau. Je n’ai jamais étudié le chant, je préfère plutôt utiliser ma voix comme un instrument. Je chante toujours avec mon micro C414 de chez AKG, un carte son RME. J’ajoute ensuite quelques effets à ma voix : égaliseur, compresseur, reverb, delay… Pour « Inspiration » par exemple, je l’ai pitchée deux tons et demi en dessous.
Pourquoi le rose ? Spécialement pour ton matériel ? Qu’est-ce que cette couleur représente pour toi ou que t’inspire-t-elle ?
J’adore les couleurs. Le rose était la préférée de ma maman et moi. Quand j’étais petite, ma chambre était tout en rose, comme le sera le vinyle de mon album. Plusieurs artistes différents ont étudié la connexion qui existe entre les couleurs et le son : Scriabine, Kandinsky, etc… Dans ma musique et ma vie, le rose est une couleur qui me fait me sentir bien. Elle est à la fois intense et délicate. Il y a beaucoup de teintes de rose différentes, j’adore ça, c’est une couleur puissante. L’image de la bulle me donne un sentiment de légèreté et me fait flotter entre rêve et réalité, entre terre et ciel.
Il paraît que tu vas créer ta propre ligne de vêtements. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet et à propos de tes prochains projets ?
J’adore les vêtements mignons et « kawaii », avec beaucoup de couleurs. J’ai déjà commencé à créer des prototypes mais je n’ai pas vraiment le temps de me pencher pleinement sur ce projet. J’espère vraiment pouvoir relever ce défi en 2019. Je rêve aussi de monter un projet avec mon frère Francesco. Dans « Inspiration », il a joué la double basse. J’adore la musique classique, les violons et la musique de chambre.
Giorgia Angiuli passera en live au prochain I Love Techno le 15 décembre au Parc des Expositions à Montpellier, puis au Printemps de Bourges du 16 au 21 avril 2019. Plus d’informations sur la page Facebook de l’événement. Les tickets sont disponibles par ici.