Pourquoi il faut écouter le sombre album techno de Terence Fixmer sur Ostgut Ton

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Sven Marquardt
Le 08.11.2018, à 12h21
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©Sven Marquardt
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Sven Marquardt
Depuis vingt ans, Terence Fixmer défend une techno sombre et profonde, nerveuse et aliénante. Le nordiste vient de publier son sixième album, baptisé Through The Cortex, sur Ostgut Ton, le label du méga club berlinois Berghain. Seul français enrôlé par cette structure, le producteur a réalisé un long-format conceptuel et captivant, inspiré par la science-fiction et les musiques de film. Ces derniers mois, il s’est fait remarquer également avec des remixes qu’il a signés pour Depeche Mode, DJ Hell et Dave Clarke.


Interview écrite par Oliver Pernot.


Comment as-tu entamé ta collaboration avec le label allemand Ostgut Ton ?

Kobosil, DJ résident au Berghain, jouait régulièrement mon morceau « Aktion Mekanik Theme », sorti sur une compilation en 2003. Ce titre est devenu un classique du Berghain. Marcel Dettmann, avec qui j’ai un lien fort, voulait remixer le morceau. Du coup, Ostgut Ton, le label du Berghain, a ressorti mon morceau, avec trois remixes signés Dettmann, Kobosil et Norman Nodge. Après ce maxi, les responsables du label m’ont demandé des nouveaux morceaux et nous avons fait ensemble deux maxis, Beneath The Skin en 2016 et Force en 2017.

Quelle couleur as-tu voulu donner à ton sixième album ?

Chacun de mes albums a un esprit différent et marque une évolution. Je n’en renie aucun. Mes deux premiers – Muscle Machine et Silence Control – marient techno et EBM, le troisième – Fiction Fiction – est plus mélodique, le quatrième – Comedy Of Menace – développe une techno orientée vers le dancefloor. Enfin, le cinquième – Depth Charged – est très mental, hypnotique. Chaque album a son identité propre, avec le côté sombre comme ligne conductrice. Je mets toujours beaucoup d’âme dans mes compositions. Pour ce nouvel album, je pensais aux musiques de film : j’aime la science -fiction, avec une ambiance sonore qui prend aux tripes. J’ai alors commencé à modeler mes sonorités autour de cette idée de musique de film, en développant une puissance sonore qui amène des images à l’esprit.

Tu as fait tes albums sur des labels allemands (International Deejay Gigolo Records, CLR et Ostgut Ton) et néerlandais (Electric Deluxe). Pourquoi es-tu porté par des labels étrangers ?

Quand mon premier maxi, Electrostatic, est sorti en 1999 sur mon propre label, Planète Rouge Records, il a tout de suite plu à des DJ allemands. Sven Väth m’a envoyé un fax à l’époque pour me dire qu’il le jouait et DJ Hell a voulu le ressortir sur son label International Deejay Gigolo Records. J’ai rapidement eu une accroche internationale, à tel point que j’avais déjà fait des lives dans quatorze pays et pas encore en France, alors que j’habitais à Lille. Et comme je m’appelle Terence Fixmer – c’est mon vrai nom, beaucoup de personnes pensaient que je n’étais pas Français. Je me suis projeté aussi vers l’étranger car en étant dans le Nord, je regardais ce qui se passait en Belgique. Ce pays était en avance en termes de musiques électroniques et la musique que je faisais, un mélange de techno et d’EBM, me rapprochait naturellement de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas.

Ostgut Ton est le label du club berlinois Berghain où tu joues régulièrement. Que représente Berlin pour toi ?

Avant le Berghain, je jouais déjà à l’ancien club, très underground, baptisé Ostgut ! J’ai un lien fort avec l’Allemagne et avec Berlin en particulier. Avec l’Allemagne parce que c’est DJ Hell et le label Gigolo qui m’ont lancé. Avec Berlin parce que j’y ai habité cinq ans, de 1999 à 2004, et je connais la scène là-bas, qui est en perpétuel mouvement. Ma carrière a vraiment démarré pendant ces années-là et j’ai donc une connexion avec Berlin, ma ville de cœur pour la musique électronique.

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Tu habites désormais en Suisse, à la campagne. L’atmosphère de ce pays influence-t-il ta musique ?

Pas vraiment. Je pourrais habiter n’importe où, ma musique serait pareille. Parce que la musique est en moi. Il pourrait y avoir des palmiers devant chez moi ou un supermarché juste à côté, ma musique serait sombre et aurait toujours ma signature. Pour la Suisse, j’ai suivi ma compagne qui est venu y travailler. Juste avant, je l’avais suivi deux ans à Anvers en Belgique.

Autre label mythique, NovaMute, géré par Daniel Miller. Comment as-tu participé au renouveau de ce label ?

Je connais Daniel Miller depuis un moment. Je l’ai rencontré par Douglas McCarthy, le chanteur de Nitzer Ebb, quand nous avons fait le projet Fixmer/McCarthy. Daniel Miller était venu plusieurs fois nous voir en concert. Il m’avait fait alors un super compliment : « Terence, c’est grâce à toi que Nitzer Ebb s’est reformé ! ». Par la suite, ses labels Mute et NovaMute m’ont demandé plusieurs remixes, pour Nitzer Ebb, Motor, Andrew Fletcher de Depeche Mode, et VCMG, le projet de Vince Clarke et Martin Gore de Depeche Mode. Quand Daniel Miller a relancé NovaMute, il m’en a parlé et m’a demandé de lui envoyer des morceaux. Et il a publié ce maxi Dance Of The Comets à la fin de l’année dernière.

Tu ne faisais plus de remixes depuis quelques années. Et l’année dernière, tu en as signés pour Depeche Mode, DJ Hell et Dave Clarke.

C’est vrai de je refuse quasiment toutes les propositions de remixes. J’aime créer de nouvelles choses, produire ma propre musique et je n’aime pas trop donner cette musique à un autre artiste. Mais il y a des exceptions. Avec ces trois-là, je ne pouvais pas refuser. Dave Clarke, c’est un bon ami. Il suit mes productions et joue mes morceaux. DJ Hell, je n’oublie pas que c’est lui qui m’a lancé sur son label. Et Depeche Mode, c’est impossible de leur dire non. Je suis un grand fan du groupe depuis toujours. Surtout que je sais que la demande de remix vient directement de Martin Gore !

Tu joues exclusivement en live. C’est un choix risqué dans notre époque qui glorifie les DJ.

Quand j’ai commencé la musique, je n’avais pas le budget pour acheter des disques et être DJ. Alors je me suis lancé dans le live et je ne m’en suis jamais lassé. Quand je fais un live, je joue une heure. C’est mon univers. Exclusivement. Le mix d’un DJ va, lui, être plus éclectique. Le DJ doit répondre à une demande. La plupart d’entre eux veulent la gloire et l’argent. Ils veulent être aimés, devenir stars. Moi, je suis très bien là où je suis. J’aime produire de la techno underground et la jouer en live. C’est mon moteur !

L’album est à écouter ici.

Remerciements à Bon Temps Magazine : www.bon-temps.fr.

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