La plupart d’entre nous avons déjà écouté ou vu un concert qui nous a bousculé émotionnellement jusqu’à en avoir la chair de poule. Un phénomène plutôt commun chez les amateurs de musique. Mais pas pour tout le monde.
Des scientifiques se sont penchés sur la relation entre l’écoute de la musique et les sensations qu’elle peut entraîner. Cette expérience s’appelle frisson, le terme français désignant une vague de plaisir le long de notre peau. Des chercheurs anglo-saxons ont d’ailleurs surnommé cela skin orgasm.
Amani El-Alayli, professeur de psychologie sociale à l’Eastern Washington University a donc tenté de comprendre pourquoi certaines personnes ressentent les frissons et pas d’autres. La jeune femme s’est appuyée sur un large panel d’études réalisées lors des 50 dernières années autour des origines des stimuli provoqués par la musique.
Pour provoquer des frissons, une musique doit contenir des harmonies inattendues, des changements soudains du volume sonore ou l’entrée fracassante d’un son. Elle doit venir en rupture des attentes du public pour lui donner la chair de poule, qui ne serait rien de plus qu’un héritage de nos ancêtres. Ces derniers, étant plus velus, disposaient d’une couche endothermique de chaleur grâce à leur épaisse couche de poils.
Depuis notre pilosité a diminué et notre peau est devenue plus sensible. Mais notre structure psychologique elle n’a pas changé. Ainsi, pour certains d’entre nous, la musique, au même titre qu’un changement radical de température, entraînerait une élévation temporaire des poils. Ce refroidissement de la peau serait lié au même stimulus provoqué par la beauté dans l’art ou dans la nature.
Les recherches ont montré qu’entre 55 et 86 % des gens seraient aptes à ressentir ce genre de frisson. Mais pourquoi ce phénomène ne concernerait pas chacun d’entre nous ?
Mitchell Colver, diplômé en psychologie musicale à l’Université d’Utah, est parti de l’hypothèse suivante : les sensations que peut ressentir une personne installée dans une pièce en immersion avec de la musique dépendrait de sa personnalité. Colver a donc proposé aux volontaires de venir dans un laboratoire écouter de la musique dans le but de mesurer les effets galvaniques de la musique sur leur peau. Les participants faisaient part de leur ressenti en temps réel pour chaque session d’écoute. Voici quelques uns des morceaux sélectionnés.
En comparant ces données de mesures physiologiques aux tests personnels remplis au préalable par les participants, il serait possible de déterminer pourquoi certains d’entre nous ressentiraient des frissons. Mitchell Colver en arrive donc à la conclusion qu’un certain type de personnalité rendrait “apte” à la sensation de chair de poule avec la musique. Une personnalité que son équipe a nommé “openness to experience“.

Ce graphique représente le résultat d’un des participants de l’expérience d’écoute au laboratoire. Les pics représentent les moments où le participant est le plus touché émotionnellement ou cognitivement par la musique.
Ainsi, les gens possédant ces traits développent une imagination exceptionnellement active et apprécient la beauté et la nature. Elles recherchent de nouvelles expériences et aiment la variété des modes de vie. Certains aspects de ce type de caractère peuvent être divisés en deux catégories. La première étant de l’ordre émotionnel (les différents modes de vie, la beauté) et la deuxième de l’ordre cognitif (l’imagination, la curiosité intellectuelle).
L’étude explique que les composants cognitifs de la personnalité Openness to experience s’associeraient plus aux frissons que les composants émotionnels. Autrement dit, les frissons ressentis avec la musique seraient plus récurrents et plus intenses pour une personne adoptant une approche et une immersion intellectuelles avec la musique. De là à dire qu’on apprécie plus un DJ set en étant sobre, il n’y a qu’un pas.