Trois acteurs centraux de la scène électronique polonaise ont décidé de prendre position, au moment où plusieurs scandales anti-LGBTQ+ frappent le pays. Le label Brutaz, dirigé par le DJ RRRKRTA et l’agence de booking Oramics, très actifs dans la promotion des artistes LGBTQ+ ainsi que le festival Unsound ont appelé à participer aux manifestions contre les violences commises lors de la Marche des Fiertés du samedi 20 juillet par des hooligans d’extrême droite. Une affaire intervenant dans un contexte tendu où, pour citer un autre scandale, l‘hebdomadaire conservateur Gazeta Polka s’est illustré en distribuant des stickers “LGBT-Free”. Le pays, résume le journal La Croix, est en somme « rongé par la haine anti-LGBT ».
Alors que Brutaz et Ormics ont officiellement appelé à soutenir l’organisation de défense des droits des personnes LGBTQ+ en Pologne, le porte parole d’Unsoud a exprimé le fond de sa pensée à Resident Advisor :
« En tant qu’organisateurs, nous devons prendre la responsabilité totale de nos paroles et de nos actes. Nous sommes tous liés à un monde politique plus vaste, que nous le voulions ou non. Les événements de Białystok étaient répréhensible certes, mais ils ne se sont pas produits dans le vide. Nous essayons tous de créer un abri pour notre public, mais nous ne pouvons pas oublier pourquoi nous le faisons. Si la musique électronique contient rarement des paroles, la politique est dans son ADN. Le combat qui l’a vue naître fait encore rage, et il n’y a rien de radical ou de controversé dans le fait de se tenir debout en solidarité aux victimes de violences et aux plus défavorisés, particulièrement si vous avez une plateforme pour vous opposer à la violence ou à la haine. On sous-estime souvent à quel point la culture façonne notre monde et le pouvoir que nous avons de le rendre meilleur. Ce n’est que le degré zéro de la décence humaine, et ça devrait être la norme. »
A la suite de cette affaire, un commentaire du promoteur techno Revive à relancé la polémique. L’agence a en effet déclaré « se tenir en dehors de la politique » que « la réalité objective dépend toujours d’un point de vue ». Une annonce qui a poussé plusieurs artistes, dont le français Kangding Ray, à annuler sa prestation au festival organisé par l’agence, Interior. Après avoir retiré son premier post, le promoteur a expliqué « que les problèmes qu’endurent la communauté LGBT sont importants pour lui », tout en exprimant « son regret devant la politisation de choses qui ne devraient pas l’être ».
Le problème n’est pas nouveau en Pologne, où 80% des habitants se disent catholiques. Depuis la montée au pouvoir du label PiS, (Ordre et Justice) en 2015, la parole anti-LGBTQ+ s’est libérée. Jusqu’à ce qu’on entende son leader, M. Kaczynski, expliquer que « l’idéologie LGBT importée était une menace pour l’identité polonaise, sa nation et l’existence de son Etat ». Mais en marge de ce discours homophobe et anti-LGBT d’État, les mentalités semblent progressivement évoluer dans le pays. Aujourd’hui, 40% de la population serait par exemple favorable au mariage des couples de même sexe, contre 21% il y a 9 ans.