En 2017, le producteur français Sébastien Davalut alias Agoria inaugure un nouveau concept sur son label Sapiens : un artiste ou une personnalité parle d’un sujet qui lui tient à cœur, puis son discours est édité et pressé sur vinyle. Les sujets abordés dans ces Sapiens Talks sont aussi variés et contrastés que les personnalités invitées par Agoria : Emmanuelle Duez, une entrepreneuse de 32 ans engagée politiquement, le musicien haut en couleurs Jacques, et Jan Kounen, réalisateur de films et chaman à ses heures perdues. « Ce qui m’intéresse avec les Talks, c’est de parler avec les intervenants de sujets auxquels on n’a pas accès, et de révéler une part moins visible de leur personnalité, confie Agoria. Je suis passionné par ces personnes car elles ont les même questionnements que moi “Pourquoi est-on là ? Où est-ce qu’on va ?”, et elles y tentent d’y répondre de différentes manières ».
Invitations à la découverte et à la réflexion, les Sapiens Talk sont pourtant loin d’avoir l’ambition de révolutionner le monde. « Faire un label indépendant c’est quasiment un sacerdoce, explique Agoria. Les Sapiens Talks, c’est juste un vrai kif. Je trouve ça drôle que des gens aient un disque de discussion. J’ai envie de savoir ce que le cela va provoquer comme réaction chez eux. Je trouve ça excitant ! ».
« Je suis passionné par les personnes qui ont les même questionnements que moi : Pourquoi est-on là ? Où est-ce qu’on va ? » Agoria
Aux questions existentielles d’Agoria, la réponse d’Emmanuelle Duez est politique. Diplômée d’écoles de droit et de commerce, la jeune femme a fondé l’association Women’s Up mêlant les thématiques de genre et de génération, créé un cabinet de conseil engagé, et elle travaille au service de la Marine Nationale. Agoria la décrit comme « une bosseuse incroyable qui n’a qu’une envie : tirer le pays vers le haut ». Pour elle, il est impensable de rester impuissant.e.s face aux mutations de la société : la mondialisation, la révolution numérique, la fracture intergénérationnelle, le changement climatique.
« L’art c’est la liberté intellectuelle. […] Et je pense qu’on a besoin d’artistes en politique. » Emmanuelle Duez
Le deuxième Sapiens invité dans le studio d’Agoria est Jacques, le génie de l’électronique DIY à la coiffure de moine inversée. Les deux DJ’s se sont rencontrés en festival et ont très vite convergé. « Il avait écrit un magnifique poème pour l’édito du festival Astropolis. Je lui ai parlé des Sapiens Talk et il était très chaud pour le faire. », raconte Agoria.
« Ce que j’adore chez Jacques, c’est qu’il est sans tabou. Il fait ce qu’il a envie, il trace sa route, et sa démarche artistique est vraiment sincère. […] C’est un garçon de la nouvelle génération qui a plein de choses à dire. », confie Agoria. Le Sapiens Talk de Jacques est effectivement très introspectif et autobiographique. Dans son discours ponctué de poèmes, il expose ses réflexions sur la société et sur sa propre condition, et les raisons qui l’ont mené à habiter dans des squats à Paris et à faire de la musique.
« Il y a des gens qui ont des maisons, et ben ils en ont quatre et il y en a trois qui sont vides. Du coup je vais leur péta leur maison pendant qu’ils ne sont pas là. Et franchement, le mal que je vais leur faire est vraiment relatif. » Jacques
En novembre prochain sortira un troisième talk de Jan Kounen, écrivain et réalisateur de films, notamment de Doberman ou Blueberry. Ce n’est pourtant pas de cinéma ou d’écriture mais de chamanisme dont le réalisateur parlera. Agoria explique « Je suis très sensible à tout ce qui concerne les états de conscience modifiée et j’aimais le fait d’avoir dans mon studio un chaman qui explique ce qu’est l’Ayahuasca » (infusion de plantes hallucinogènes utilisée dans les rituels chamaniques d’Amérique du sud).
« [Faire le rituel chamanique ], c’est comme faire une grande découverte. On veut voir s’il y a quelque chose au-delà de ce monde, et on croit en l’idée que ces Indiens d’Amérique ont certaines plantes, ont une relation particulière à la Nature, et connaissent certains secrets. […] La relation pure et simple à la Nature est quelque chose dont tout être ressent le besoin. » Jan Kounen
Dans ce talk, Jan lève le voile sur cette pratique de la méditation ancestrale utilisée par de nombreux peuples aux quatre coins de la planète. Le chamanisme serait une voie alternative pour trouver des réponses à nos questions les plus profondes, mais aussi une solution à l’hyper-connexion quasi-maladive des hommes à l’ère du numérique. « Nous avons un vrai besoin de déconnection et de spiritualisme », est convaincu Agoria.
« Pour les Indiens, on prend l’Ayahuasca quand on veut résoudre un problème, une douleur quelque part, un déséquilibre psychologique ou physique. C’est une médecine. » Jan Kounen
Jan veut aussi rappeler à son auditoire que le chamanisme et l’Ayahuasca, encore peu connus des Occidentaux, ne sont pas des expériences récréatives à prendre à la légère. Agoria résume : « Moi ça a changé ma vie, ma façon d’être, ma conception même de la vie et de l’au-delà. On est bien plus loin qu’une expérience du samedi soir ».
Les Sapiens Talk complets d’Emmanuelle Duez et de Jacques sont disponibles sur Soundcloud.