[Point de vue] En Provence, la culture et la techno sont des freins au FN

Écrit par Jean-Paul Deniaud
Le 06.06.2016, à 14h39
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Écrit par Jean-Paul Deniaud
À l’occasion de la tenue du Kolorz Festival – en notre compagnie, du 1er au 2 juillet à Carpentras – nous avons posé quelques questions à Peck, en charge de l’organisation de l’événement mais aussi du Tohu-Bohu ou de Résonance, entre autres. Situé dans le Vaucluse, le festival se trouve confronté aux nombreux élus FN du département et à leurs idéologies rétrogrades. Comment organiser un festival en territoire FN ? Peck répond.

Pascal “Peck” Maurin est un homme qui impressionne. De l’extérieur, il paraît pourtant plutôt bonhomme, quoique ayant toujours l’air préoccupé. On le serait aussi s’il fallait coordonner autant de festivals tout au long de l’année. Depuis vingt ans. Tohu-Bohu (Montpellier), c’est lui, les Électros d’Uzès, Résonance (Avignon), Lives au Pont (Pont du Gard), Kolorz (Carpentras) et le petit nouveau Dernier Cri (Montpellier), c’est aussi lui. Avec ses équipes bien sûr. Quelques questions à Peck sur l’organisation de festivals dans un territoire où la culture est d’abord élitiste et où le FN rôde.

Quand et comment as-tu démarré la diffusion des musiques électroniques dans le Sud-Est ?

J’ai commencé à bosser vraiment dans ce milieu à la fin des années 90 avec Bruno Asselin et la Tribu des Pingouins qui produisaient le festival Borealis. J’ai vécu la fin de cette magnifique épopée de l’intérieur. Une expérience assez traumatisante avec l’annulation du festival à cause d’une tornade à Montpellier. Je pense que Montpellier ne s’est jamais vraiment remise de l’arrêt de Boréalis. À ce moment, la scène free faisait la guerre aux évènements dits commerciaux. Elle subissait de plein fouet la répression des pouvoirs publics. Globalement, la techno avait mauvaise presse. Le sud de la France souffrait aussi du manque de professionnalisme voire de la malhonnêteté de nombreux promoteurs locaux. Mais il y avait déjà beaucoup de monde dans les soirées et pas mal d’artistes intéressants ont émergé durant cette période.

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Depuis, comment as-tu senti l’évolution de la réception à ces musiques, dans le dialogue avec les préfectures, les politiques et le public ? De quelle pédagogie as-tu usé pour convaincre ?


Je vais peut-être surprendre mais je n’ai jamais subi vraiment d’ostracisme vis-à-vis des musiques électroniques. Dans toutes les villes où je travaille, quelle que soit la couleur politique, on a trouvé des élus et des fonctionnaires intelligents qui ont compris l’intérêt qu’ils avaient à soutenir ou tout du moins à tolérer ce type d’évènement. Les gains politiques qu’ils en retirent sont multiples et avant tout l’image de responsables modernes en phase avec la jeunesse. La seule solution pour garantir la réalisation d’un évènement, électronique ou pas, c’est de se conformer à la législation en vigueur sur l’organisation de spectacles. Si tout est carré, il y a peu de chances que votre soirée soit annulée.

De ton point de vue, pourquoi est-il important de promouvoir ces musiques et ces fêtes ici ?

Le Vaucluse est un des départements où le FN fait ses meilleurs scores en France. À Carpentras, ça fait longtemps qu’on a explosé le plafond de verre. Ici, on a un conseiller départemental et un député FN. Les élus FN ne s’intéressent pas à la culture et encore moins aux musiques électroniques. Dans notre région, les leviers de développement économiques sont rares, et la culture en fait partie. Il faut développer cela et le FN n’est pas le mieux placé. Je suis persuadé que les évènements culturels contribuent à changer notre vision de la ville et nos habitudes. La techno n’est ni de gauche ni de droite, mais elle s’accommode mieux d’élus clairvoyants et visionnaires. Le maire de Carpentras dote la ville d’infrastructures indispensables en créant une gare régionale ou un pôle culturel. Dans le même temps, il met en place des évènements culturels toute l’année qui boostent le commerce local, et changent l’image de cette ville. Le Kolorz Festival, c’est avant tout une démarche militante pour faire parler de Carpentras de manière positive. Les jeunes sont fiers de voir débouler ici, deux fois par an, des artistes comme Laurent Garnier, Jeff Mills, Len Faki, Ben Klock ou Maceo… Ils hallucinent sur les programmations qu’on leur propose. Dans la région, Carpentras n’est plus perçue comme une ville morte.

Demain, qu’est-ce qu’un festival devra proposer pour faire une différence ?

Aujourd’hui, le public ne se contente plus de passer quatre heures devant une scène. Il vient partager des émotions et un moment de vie. À nous de savoir proposer des espaces de détente ou des propositions culinaires originales. Il y a aussi beaucoup à faire avec les nouvelles technologies et les arts numériques. Sur les programmations musicales, le public est de plus en plus averti. Il a envie de diversité et d’originalité. Avec cette scène Trax sur Kolorz et une vraie proposition house, deep et disco, je crois qu’on va dans le bon sens !

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