Par Antoine Laurent
Comment collabore-t-on avec le groupe le plus mystérieux du rap français ?
Via Internet, tout simplement. Ils sont assez difficiles et il se trouve qu’ils aiment bien ce que je fais. Parmi les beats que je leur ai envoyés, celui qu’ils ont choisi pour “Dans ta rue” n’est vraiment pas le plus évident. Ça m’a agréablement surpris, même s’il est très émotif et complètement dans leur délire.
On les sait très pointilleux sur les productions. Qu’est-ce que celle-ci avait de plus que les autres ?
C’est un beat plus ou moins vieux, à l’imagerie très synthétique. C’est surtout ça qui m’a surpris. Comparé aux autres prods sur lesquelles ils avaient bossé jusque-là, qui étaient plus organiques, celle-ci pique un peu les oreilles. Je l’ai construite autour d’un arpégiateur que tu aurais plus l’habitude d’entendre dans des morceaux de trance hollandaise. J’aime beaucoup les beats de rap qui samplent de la trance ou de l’eurodance, comme quand T.I. et Rihanna avaient samplé “Dragostea Din Tei” de O-Zone ou quand je sais plus qui utilisait des morceaux de DJ Dado, le type qui avait fait la bande-son de X-Files. Ça se marie bien en termes de tempo.
Travailler avec un producteur qui vient de l’électro témoigne-t-il d’une volonté de construire un disque qui ne se morde pas la queue ?
Je pense que c’est surtout une volonté de se différencier dans les choix artistiques, de se dire qu’ils n’ont pas peur de poser sur quelque chose que d’autres ne prendraient pas forcément. Ils sont très discrets, très secrets. Mais ils réfléchissent à tout et s’ils ont choisi ce beat-là, c’est qu’il y a une raison derrière. En soi, le beat n’a rien d’incroyable, il est très simple. C’est juste dans les sonorités qu’il peut choquer même si, visuellement, quand tu regardes les vidéos de PNL, ils ont quand même une image assez futuriste, assez pointue. Ça dépend des clips mais quand N.O.S. (la moitié de PNL avec Ademo, ndlr) est habillé tout en blanc avec des lunettes dans la vidéo de “Simba”, on dirait qu’il sort tout droit d’Internet.
Ça fait d’eux des ovnis ?
Ça s’appelle simplement vivre avec son temps. C’est extrêmement différent de ce qu’on qualifie habituellement de rap en France. Ça se rapproche de ce qui se fait un petit peu aux États-Unis, avec Young Thug ou Future, surtout. Le rap est beaucoup plus élastique qu’avant, on peut en faire ce qu’on veut. On ne fait d’ailleurs presque plus la distinction entre rap et R&B. C’est juste très actuel : aujourd’hui, c’est à ça que ressemble le rap.