[PLAYLIST] Tout le génie de Moodymann, en 10 tracks

Écrit par Trax Magazine
Le 23.01.2016, à 16h01
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Écrit par Trax Magazine
À l’occasion de la soirée parisienne de ce dimanche 24 janvier au Badaboum, Trax me consulte en urgence pour vous parler de Moodymann. Tu parles d’un challenge… De ma culture musicale, surtout dans la house et la techno, s’il y a bien un artiste électronique qui ne se résume pas, c’est bien celui-là. Et si – très humblement – je devais vous raconter l’histoire de ce personnage rare, mystérieux et emblématique, faudrait-il déjà consulter les grands mages de mes racines pour vérifier et analyser les innombrables anecdotes de l’artiste. Nous allons donc essayer de rester concis et nous focaliser essentiellement sur quelques-unes de ses productions majeures. Par Fabrice Dayan

DJ parisien iconique, résident du Raspoutine à Paris, boss du label Voyeur Music, et docteur ès-house, Fabrice Dayan, dans un exercice de style sans filet, nous parle de Moodymann.

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Derrière un masque, Moodymann s’appelle en fait Kenny Dixon Jr. Mais ce n’est pas son seul alias. On peut le retrouver derrière différents pseudonymes, comme JAN, Mr.House, ou M.M. Mais peu importe le nom qu’il se donne, l’homme est étrangement génial, et reste l’un des derniers survivants inscrits sur le Hall of Fame des légendes house et techno américaines, aux cotés de Romanthony, Ron Hardy ou Larry Levan.

Ses spécialités ? Sur l’aspect ethnique, il est, avec Carl Craig, l’un des maîtres pour extraire l’essence ou l’atmosphère d’un sample afin de le rendre tantôt mélancolique, quelquefois catchy, tout en conservant cette couleur si particulière de ses racines afro, ou celle du funk et de la soul black américaine (qu’il défend fermement). Quant à la technique, l’homme maîtrise cet art dès l’enregistrement de ses productions, empreintes de déstructuration contrôlées, de constructions illogiques combinant le digital et l’analogique, et l’édition en live d’instruments qu’il séquence méticuleusement. Rien que ça. Mais encore ?

Kenny Dixon Jr, au même titre que Jeff Mills dans la techno, est à mon sens l’un des rares poètes de la scène de Detroit, tant l’homme et sa musique ne font qu’un. Nous ne soulignerons pas ici ni son caractère un peu mythomane diront certains, ou carrément mégalo diront d’autres. Pour beaucoup dans l’industrie, il est une sorte d’illuminé aux ordres de Dieu qui, en comparaison, ferait passer Prince pour un artiste pop à midinettes. D’un point de vue politique, le bonhomme est aussi connu, pendant ses prestations, pour brandir un magistral doigt d’honneur. Ses motivations ? C’est une autre histoire. Mais ses apparitions sont rares, certains diront même précieuses.

La dernière fois que je suis allé écouter Moodymann, c’était à la We Love Vagabundos en 2012, où celui-ci s’est amusé à jouer le très blanc Yazoo, « Don’t Go ». En tant que DJ, j’y ai vu ici un message un peu vif, tant le classique new wave pop ne rentrait absolument pas dans le set du personnage. Une sorte de clin d’œil du type : “De toute façon, vous ne comprenez rien à ma musique, tout ce que vous méritez, c’est cette daube javellisée et sans âme, la seule chose qui soit capable de vous parler.” Et moi qui pensait bêtement que la musique était l’unique language universel… Mais qu’importe.

Personnellement, je pense que l’essence de son travail réside dans le fait qu’il pourrait être la voix de l’au-delà, et le porte-parole contemporain d’un certain Marvin. L’Artiste, vous l’aurez compris, est un paradoxe habité de plusieurs personnages qui changent au gré de son humeur, ou même des saisons.

En attendant sa messe de dimanche soir, voici une selection de dix disques que j’ai choisi de vous présenter, parmi lesquels j’ai le plus d’affection. Vous y découvrirez alors peut-être les multiples facettes de ce super-héros incompris et indéfinissable, mais pourtant si incontournable de la grande famille de la house music. À l’heure où l’on baptise « deep house » tout et n’importe quoi, courrez écouter Moodymann, et comprenez enfin ce pourquoi ce terme existe.


Moodymann en 10 titres, par Fabrice Dayan

1/ Moodymann – The Day We Lost The Soul / Tribute! (To The Soul We Lost) / KDJ #3 / 1994

Un hymne à Marvin Gaye, avec le sample de “What’s Going On“. Le gros classique qui tâche les dancefloors.

2/ Kenny Dixon Jr – Don’t You Want My Love / INT-509 Version / Intangible INT #509 / 1995

Je me revois encore jadis en rave party, dans les basques de Paul Johnson qui fait monter la pression en faisant un passe-passe là-dessus. Énergie et sexyness absolues.

3/ Moodymann – Long Hot Sexy Nights / KDJ #4 / 1995

En collaboration avec Norma Jean Bell, et sample de Marvin Gaye une fois encore, issu du titre « Got To Give It Up », (objet du fameux litige de Robin Thicke pour le titre « Blurred Lines »). Ce titre est un miracle d’amour et de profondeur. Je crois pouvoir dire sans hésiter, l’un de mes préférés.

4/ Kenny Dixon Jr. – Soul Sounds – January / Soul City #002 / 1996

Sample de Georges Benson « Give Me The Night », et illustration parfaite de l’atmosphère hivernale d’un mois de janvier. Le maxi vaut d’ailleurs le détour, il me semble essentiel pour un DJ de se le procurer.

5/ Norma Jean Bell – I Like The Things You Do For Me (Moodymann Mix) / Balance – Prescription #13 / 1996

Sample de Grace Jones « Pull Up To The Bumper ». Une des rares productions chantées, et un classique moody qui cavale. Ça ne m’étonnerait pas, après cet article, que beaucoup d’entre vous mettent la main dessus.

6/ Moodymann – I Can’t Kick This Feeling When It Hits / KDJ #6 / 1996

Sample de l’inaltérable Chic « I Want Your Love ». En ayant distillé du vinyle pendant des années à Vibe Station, je pense, sans dire de bêtises, que c’est le Moodymann le plus vendu, le classique le plus dancefloor, et finalement celui le plus connu de l’artiste. Le genre que les DJs ont toujours à portée de main.

7/ Moodymann – U Can Dance If U Want 2 (A1) / KDJ #9 / 1997

Sample de Prince « All The Critics Love U In New York ». Production limite pornographique. À ce sujet, je cherchais l’illustration du double pack en vinyle pour que vous compreniez ce que je veux dire par là, mais le disque original est rare.

8/ Moodymann – I Like To Know / MU001 / 1997

Ne vous fiez pas à l’illustration sur la vidéo, le maxi n’est pas celui-là. Mais c’est bien le morceau que je souhaitais vous faire découvrir. C’est, à mon sens, l’un de ceux qui représentent le plus l’âme de Moodymann. Ce titre a tout. Le coté déstructuré, hypnotique mais super efficace. Le genre qui pose une atmosphère lourde, énigmatique et imposante. Vinyl Heads, je vous souhaite bon courage pour trouver celui-ci, c’est un peu le monstre du Loch Ness. Personne ne l’a vu, mais tout le monde en a entendu parler.

9/ Moodymann – Track Four / Planet E / 1998

Sample de Peter Brown « Burning Love Breakdown », et première collaboration sur le label de Carl Craig après l’album Silent Introduction. Ce track (qui n’apparaît pas sur l’album), est l’exemple parfait de cette technique d’enregistrement destructurée dont je vous parlais. Pour la petite histoire, « Sunday Morning », la face A du maxi, contient une version un peu différente de celle de l’album. Un jeu de pistes peut-être…

10/ Moodymann – Black Mahogani / Peacefrog Records (LP) / 2004

Sample du magnifique Walter Murphy « Afternoon At Faun », c’est un disque qui débute avec l’âme soul, sexy, et faussement innocente des 70’s, et qui se termine curieusement sur une touche nettement plus sombre, cinématique et intrigante. Un peu à la façon de la fin du légendaire « Right On For The Darkness » de Curtis Mayfield, lui-même samplé plus tard par le classique house de Silicone Soul. Il y a un message caché, mystérieux et fataliste dans ce disque.

Retrouvez Moodymann @ Badaboum dimanche 24/01

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