Tu as une formation en architecture, comment es-tu passé de l’architecture à la photo ? Trouves-tu des parallèles entre ces deux arts ?
J’étudiais l’architecture. Pour la photographie, tout a commencé avec une commande d’un client. J’ai d’abord refusé puis j’ai fini par accepter, en me disant « pourquoi pas ». J’ai dû assez assurer pour que l’on me rappelle à nouveau. C’est à Paris que les commandes se sont succédées. Entre ces deux arts, il y a beaucoup en commun, surtout dans l’aspect esthétique. En termes de composition, de travail avec la lumière, je trouve que la sensibilité est similaire.
Que signifie pour toi la nuit ? Dans la lumière, la photographie ?
Pour moi, la nuit est un espace de liberté avant tout. Il y a beaucoup de codes par rapport aux vêtements, aux soirées, la manière de se tenir… Cela reste un endroit de liberté idéalement, pour l’expression de soi. Les gens peuvent être plus eux-mêmes la nuit que la journée. Ce qui se passe la nuit ne pourrait pas se passer le midi, sinon c’est ce que l’on appelle un after… (rires)
Comment abordes-tu la question de la lumière dans ton travail ? Notamment dans l’utilisation du flash ?
J’utilise le flash dans mes photos de nuit, mais ce n’est pas un flash qui dévoile trop. J’essaye de réduire le flash un minimum. Sur mes photos, il y a des zones d’ombre, des vrais noirs. Je mets l’accent sur l’objet ou la personne shootée. Le flash est nécessaire pour mes photos de nuit, mais je ne souhaite pas un flash qui révèle tout car je trouve cela moins intéressant.
Si le flash t’est indispensable, quel matériel ou accessoire utilises-tu ?
Je shoot avec un petit compact, un appareil tout léger. Je shoot également en numérique. Quant à ma mise au point, elle est toujours manuelle pour avoir plus de rapidité. Je ne me trimballe pas avec mes 5kg de matériel comme lorsque je photographie la mode.
D’ailleurs, quelles sont selon toi les similarités/différences entre la photographie de mode et celle de nuit ?
La mode est un gagne-pain, la nuit est du bénévolat. En tant qu’industrie, la mode suit une véritable évolution commerciale. Le produit à vendre sur la photographie est plus facilement identifiable, tout le travail est plus structuré, plus codé. La photographie de mode et de nuit sont deux industries différentes.
La photographie de mode t’offre-t-elle un espace de liberté créatif aussi grand que quand tu sors la nuit ?
J’ai plus de libertés la nuit qu’en tant que photographe de mode. Lorsque je suis photographe de nuit, plus je me fais plaisir, plus les photos seront belles. Je dois répondre à cette question : comment faire une photo de quelqu’un qui s’amuse ? Je dois rendre la soirée transmissible à des gens qui n’étaient pas là ou qui étaient là mais voudraient se souvenir.
Dans une interview, tu dis voir la soirée comme un produit, peux-tu nous expliciter ceci ?
Lorsque je photographie, c’est la soirée qu’il faut vendre, ou du moins vendre la prochaine soirée. Il y a un côté mercantiliste. Il faut que les gens viennent, qu’ils se retrouvent sur les photos. Donc cela sert aux promoteurs de soirées.
Pourquoi photographier la communauté queer en soirée ?
La communauté queer est un milieu dans lequel je vis depuis 10 ans. Elle va au-delà de la sexualité ou du genre.
Quelles sont les réactions des personnes que tu prends en photo ?
Les gens ne se rendent pas comptent, puis parfois ils remarquent. Ce qui est rare, c’est de me demander de les prendre en photo, mais je le fais si c’est le cas. Il y a un jeu de connivence entre le photographe et le modèle, je me dois de faire tomber certaines barrières. Si je fais une photo de toi en soirée, où tu vois que tu es bien, tu vas me donner un peu de confiance. La photographie sert à huiler les relations.
Tu fais beaucoup de photos zoomées, que trouves-tu d’intéressant dans cette esthétique photographique ?
Il n’y a pas de zoom, en fait je ne recadre aucune photo de nuit. S’il y a trop d’informations, cela ne m’intéresse pas. S’il y a trop de flash, l’attention se disperse. Si je m’approche et que je shoot de près, cela tourne sur le corps. Ce que j’aime, c’est dévoiler et suggérer à la fois. Cela laisse place à l’imagination. Les photos deviennent plus riches et plus fertiles lorsqu’on laisse quelque chose se dévoiler. La modestie, c’est de se dire qu’au lieu de tout dévoiler, je laisse se déplacer le regard du spectateur.
Tu combines nuit et jeunesse dans ton travail ? Cette binarité est-elle à la naissance de ton processus créatif ? Qu’est-ce qu’elle t’inspire ?
La journée et la jeunesse ne sont pas axées. Ce qui m’intéresse personnellement, c’est que je fais de bonnes photos de nuit mais que je pourrais shooter de la même manière le jour. Là, j’ai des photos d’un ami sous la douche. Je vois que je viens de la nuit mais je ne voudrais pas me limiter à cela.
Justement, à propos de ton travail sur la jeunesse, tu as lancé le projet XXY génération il y a peu. Peux-tu nous raconter sa genèse ? Il y a dans ces clichés une sorte de spontanéité, mais aussi quelque chose de violent.
Il y a un paradoxe entre la forme d’un cliché qui peut avoir l’air réussi, et la tendresse de la démarche. Jusqu’ici, j’avais toujours laissé les photos de nuit dans les mains de mes clients. Elles n’étaient nul part ailleurs. Début juillet, j’ai commencé le compte Instagram. C’est devenu un choix d’afficher les photos les plus saisissantes de mon travail. Il était facile de mettre une étiquette. J’ai baptisé cette génération de jeunes, les XXY. J’avais envie de partager mon travail, tout en donnant une qualification à une scène reconnaissable qui manquait de nom.
Comment abordes-tu la fête ? Cette scène est-elle celle que tu fréquentes ?
J’aime la fête là où mes amis se trouvent, où je peux voir ou revoir des gens que j’apprécie. J’ai des yeux, des oreilles mais le son ou le bel endroit n’est pas une priorité.
Peux-tu nous citer quelques photographes qui t’inspirent en ce moment ?