À voir : les incroyables shows de Kompromat immortalisés par un photographe lors de leur tournée

Écrit par Erwan Lecoup
Photo de couverture : ©Tom Anirae
Le 03.04.2020, à 12h52
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©Tom Anirae
Écrit par Erwan Lecoup
Photo de couverture : ©Tom Anirae
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Une des sensations musicales de l’année 2019 fut sans hésiter celle du duo Kompromat. Entre profondeur d’un live techno et anarchisme scénique du punk, celui-ci est formé par l’iconique producteur de musique électronique Vitalic et l’emblématique ex-chanteuse de Sexy Sushi, Rebeka Warrior. Retour sur images d’une tournée mémorable avec les clichés et les commentaires du photographe Tom Anirae.

Vous avez déjà été présent sur la tournée “Voyager” de Vitalic en tant que photographe. Comment avez-vous décidé de le suivre sur la tournée de Kompromat avec Rebeka Warrior ?

Avec Vitalic on a vécu deux ans de tournée fabuleuse, de moments humains extrêmement intenses et des moments de scène tout aussi fous ! Pascal (Vitalic, ndlr) est quelqu’un qui aime tisser une relation forte avec ceux avec qui il travaille, son équipe, son label, le chauffeur du tourbus… Ça devient une vraie famille, et tous ceux qui ont participé à cette tournée l’ont ressenti. La décision de continuer avec Kompromat s’est donc faite tout naturellement.

Photographier un groupe de punk ce n’est pas comme photographier un concert de Jean-Michel Jarre.

Tom Anirae

Du point de vue performance photographique, prendre des clichés de Kompromat est-il différent d’un concert lambda ou d’une soirée clubbing classique ?

Oui, chaque concert est très différent et selon les installations et la scénographie cela peut vraiment tout changer. Clairement, photographier un groupe de punk ce n’est pas comme photographier un concert de Jean-Michel Jarre. Avec Kompromat, il y a cette énergie punk très présente sur scène et il faut savoir aller chercher les performances physiques de Julia (Rebeka Warrior, ndlr) tout en étant capable de capter ce que la scénographie dégage. C’est un élément important du discours visuel, et tout cela sans te prendre un coup de laser ! Par exemple la fumée est un élément scénique très présent dans le show, donc il faut qu’elle apparaisse sur les clichés. De la même façon qu’il y a un vrai parti pris musical et esthétique, il faut que les photos soient capables de retranscrire ce genre de textures, comme la fumée ou l’effet d’explosion de lumière des 50 strobes. C’est pour ça que beaucoup de photos sont à contre-jour, ou avec un grain très prononcé, voire parfois même floues. Le rendu est très proche de ce que peut voir le public durant un concert de Kompromat.

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Release party au Péripate le 11 janvier 2019
©Tom Anirae

Il y a-t-il eu une date où c’était particulièrement compliqué de prendre des photos ?

Oh oui ! Une date était particulièrement épique et compliquée pour la photo : la release party au Péripate ! Déjà, parce que l’endroit est tout petit, mais surtout vu comment le public était chaud et la quantité de monde entassée dans une folie furieuse. Pour se déplacer c’était vraiment compliqué, j’ai du utiliser des techniques de reporter de guerre pour aller faire certains clichés. Comme ramper sous la scène ou grimper des murs [rires]. Je pense que tous ceux qui étaient présents ce soir-là s’en rappelleront longtemps !

Où est-ce que la photo avec écrit “Capitalist winter is coming” sur le mur a-t-elle été prise ?

C’était à Bruxelles après le festival de Dour. La veille, Julia s’était embrouillée avec la sécurité des loges, car le festival est devenu une énorme machine à fric où l’artistique perd sa place. Les organisateurs ont plus de considération pour les stands de merguez/frites que pour les artistes… Finalement cette histoire s’est finie en une impressionnante “descente” de la sécu dans la loge de Kompromat à 2h du matin… Le lendemain, après une très courte nuit, on est tombé sur ce graff et ça s’est imposé assez naturellement : il fallait faire une photo !

©Tom Anirae

Comment faites-vous le choix de prendre une photo en noir et blanc ou en couleur ? Choisissez-vous sur le moment ou alors les modifiez-vous en post-prod ?

Je ne modifie quasiment rien sur mes photos en post-prod. J’aime faire de la photographie pas de l’informatique, passer des heures sur Photoshop, ça me saoule. Les clichés sont très bruts et sortent comme ils ont été pris. Je shoot en noir et blanc, car cela permet de se rendre compte directement de la lumière. Si une photo est mal exposée en noir et blanc, je m’en rends compte en un coup d’œil même en étant sur scène. L’appareil, lui, enregistre en même temps en noir et blanc et en couleur, du coup parfois quand je sors les photos je me rends compte qu’une est particulièrement bien en couleur et je travaille à partir de là.

Quand on photographie du live il est très important de sentir le rythme, presque de danser en cadrant pour savoir quand shooter.

Tom Anirae

Entre Vitalic en arrière-plan sur ses machines et Rebeka Warrior au chant sur le devant de la scène, comment capturez-vous leur performance ?

Ce n’est pas forcément évident de saisir les bons moments et composer une photo avec Pascal et Julia dans le cadre. Surtout que parfois la lumière vient jouer contre toi et quand tu as une multitude de stroboscopes et des lasers en face cela ne facilite pas la prise de vue ! Mais à force je connais bien le show, et je pense que quand on photographie du live il est très important de sentir le rythme, presque de danser en cadrant pour savoir quand shooter.

Quel(s) appareil(s) photo utilisez-vous durant ces concerts ?

Niveau matériel je suis très minimaliste, et j’ai tendance à utiliser mes appareils comme si c’était encore de l’argentique : pas d’autofocus, la mise au point est manuelle ce qui permet de “sentir” sans trop réfléchir. Je fais un minimum de déclenchements, contrairement à des photographes qui vont finir avec 3 000 photos, à la fin d’un show j’en ai peut-être 70. La plupart des photos sont faites avec mon Leica M9 et un objectif de 50mm. La grosse contrainte quand tu fais ce genre de photos dans un environnement très sombre, presque pénombre, c’est qu’il faut faire rentrer beaucoup de lumière dans l’objectif, mais d’un autre côté tu n’as pas non plus envie que le coup de strobe crame ta photo ! Le Leica est parfait pour ça, car il est d’une simplicité extrême, grosso modo le M9 est juste une version numérique du M3 qu’utilisait Cartier Bresson dans les années 1950. Pour le rendu j’aime les vieux objectifs vintages : je travaille surtout avec un 50mm Summicron de 1971, car c’est ce qu’il y’a de plus versatile, puis il coûte 5 fois moins cher que le neuf et est extrêmement robuste. Prêt pour être trimballé partout, se prendre de la bière, de la fumée, et être tapé contre des flight case !

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Vitalic devant les 50 stroboscopes
©Tom Anirae

Quelles ont été vos influences en photographie pour aboutir à ce travail ?

Je n’ai pas vraiment de culture photographique, ce qui peut être un tort c’est sûr, mais je dois avouer que je connais assez peu le travail d’autres photographes. Mes principales influences viennent en fait d’une certaine imagerie post-punk. Le genre de photos illustrant l’ambiance dans les squats new-yorkais, à la fin des années 80, assez dégueu et avec un gros grain, car les mecs poussaient la pellicule a fond ! Ceci dit, il faut quand même bien dire que certains photographes ont influencé ma façon de travailler. Notamment Dominique Tarlé avec sa série sur les Rolling Stones et l’enregistrement de Exile on Main Street dans la Villa Nellcôte, ou encore Vinca Petersen au travers de son livre No System. Puis une de mes très grandes influences, même si cela sort a proprement parlé de la photographie, c’est l’image de certains réalisateurs de cinéma. Notamment Andrei Tarkovski dans son film Stalker : l’aspect texturé du grain de la pellicule, les plans parfois flous, la pénombre sur les visages souvent dans le noir, et cet esthétisme loin d’être propre et léché. Très loin de ce qu’on appellerait “le beau”.

Quels sont vos morceaux préférés du duo ?

Pendant le live des morceaux comme “Auf Immer” ou la “La mort sur le dancefloor” sont un régal pour moi, car Pascal et Julia se lâchent totalement. Ça donne lieu à de très bonnes photos où il y a une vraie énergie scénique à capter. Mais mon préféré doit être “Das Grab”, le dernier morceau sorti et que l’on a vu naître pendant la tournée et évoluer petit à petit. Pour faire des photos c’est un morceau dingue, notamment avec le travail de Jean Max et Victorien sur les lasers !

La fumée, un élément important du show de Kompromat©Tom Anirae

Toutes les photos visibles sur le site Internet du photographe Anirae Photography sont à vendre en tirage à série limitée, et disponibles pour la presse via le site de Hans Lucas. Tom Anirae avait également proposé une série photo à Trax sur les tekno travelers à la fin des années 90.

Retrouvez le live de Kompromat enregistré le 12 décembre 2019 en direct de La Cigale à Paris sur la page YouTube d’Arte Concert.

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