Cet article a initialement été publié en avril 2018 dans Trax n°210, disponible sur le store en ligne.
Par Noëmie Vermoesen
« All great movements begin underground… » Tous les grands mouvements sont nés sous terre. Comme le fait remarquer Rory Gribb, cette publicité figurant dans le métro londonien semble bien capturer le travail photographique de Georg Gatsas. Son récent livre, Signal the Future, réunit paysages urbains, clichés de danseurs anonymes, images abstraites et portraits d’artistes.
Tout commence en 2008 avec Benga, Caspa, Loefah, Mala ou encore Mary Anne Hobbs. Gastas est immergé dans la scène autour de FWD>>, les soirées qui se déroulaient à l’époque dans le mythique club Plastic People. Si cette période faste des sons grime, dubstep et leurs hybrides est largement idéalisée aujourd’hui, l’ouvrage en esquisse une fresque plus nuancée. L’écrivain Mark Fisher a contribué au catalogue avec un texte absolument stupéfiant. Il y explore son concept de réalisme capitaliste à l’aune de la capitale britannique. « Depuis longtemps, la ville a été prise en otage par le capital – ses loyers et hypothèques se sont vus projeter vers la stratosphère par des spéculateurs, ses priorités imposées par les corporations et les superriches, ceux qui désirent que cette ville ne soit rien de plus qu’une impressionnante toile de fond pour leurs réunions et images promotionnelles. » Si Fisher déplore qu’un tel contexte soit aussi aliénant pour la population et les artistes, il analyse l’écoute des fréquences basses, à la fois chaleureuses et sombres, comme la promesse d’un environnement rassurant. Une vision tiraillée entre espoir et dystopie, à l’image des sons d’Ikonika, Jamie xx, Kode9, Terror Danjah, Laurel Halo, Pearson Sound, Shy One, M.E.S.H. ou encore Nkisi. Avec une dernière photographie datant de 2017, Signal the Future traque les regards et les mouvements d’une génération de producteurs et promoteurs, MC’s et DJ’s, journalistes et artistes, animateurs ou encore danseurs avec une rare sincérité.