Tout a commencé vendredi dernier par un communiqué Facebook du magasin Joué Club de Brignoles, une modeste commune du Var située sur la route reliant Aix-en-Provence à Cannes. Déplorant la disparition d’une de leurs mascottes Playmobil baptisée Pedro, et habituellement postée à l’entrée du magasin, Joué Club lançait alors un SOS sur les réseaux, rapidement repris par Var-Matin :
L’information fait le buzz, et l’alerte de l’enlèvement est partagée plus de 8 000 fois, selon France Bleu Provence. Tout le monde se met soudainement à rechercher la marionnette fugueuse. Surprise ! Elle réapparaît dès le samedi dans de nombreuses photos qui font rapidement le tour d’Instagram, Facebook ou Twitter. Et il semblerait que ce soit pour se rendre à une free party que Pedro a quitté ses précédents propriétaires.
La teuf en question est la South Connection, organisée par le soundsystem NONEM, un poids lourd de l’organisation du mouvement free. Elle se tient aux abords de Cadenet, à moins de 2km seulement de Lourmarin, haut-lieu touristique et fief de Laurent Garnier dans le Luberon, où se tient chaque année le festival Yeah.
“La teuf a commencé samedi soir et a fini dimanche soir. Donc on va dire qu’il y a eu une bonne journée et deux nuits de son”, raconte Thibaud, un teufeur joint par téléphone, parti en fin de matinée le dimanche afin d’éviter toute confrontation avec les autorités.
Il a découvert Pedro en arrivant : “Je me suis demandé ce qu’il foutait là, je ne savais pas trop d’où il venait. Quand j’ai su que ça venait de Brignoles, je me suis dit que c’était un gars de chez nous qui avait fait le coup. Possible que ce soit prévu par l’orga, parce que pour transporter un truc pareil…”
Où est Barberousse ?
“J’étais aussi à la rave qui a vu Pedro s’inviter à une fête qu’il ne regrettera pas ! Tous les gens prenaient des photos avec lui, c’était le pirate de la soirée ! En apprenant d’où venait ce mystérieux individu, on était encore plus contents qu’il soit parmi nous !”, retrace Julien C. à Var-Matin. “On l’a pris et on l’a déguisé pour faire des photos avec lui, puis on l’a placé juste en face du son pour qu’il profite un peu”, raconte de son côté Chloë à BuzzFeed News.
Pedro n’a pas l’air de broncher devant autant de décibels.
Joint par France Bleu Provence, Pierre Villemagne, le gérant du Joué Club de Brignoles, s’est inquiété pour l’état de santé de Pedro, un modèle de figurine en résine rare : “Il a déjà un bandeau sur un œil. Alors si l’autre œil est abîmé, ce serait dommage d’avoir un Pedro aveugle!” D’autant que sur le marché de la collection, la mascotte représenterait “un chiffre important, plusieurs milliers d’euros”, assure son propriétaire.
Julien C. relativise : “Si Joué Club s’inquiète des conditions de la soirée pour Pedro, il faut qu’il sache que tout le monde a adoré voir un Playmobil géant dans la brume très épaisse qui recouvrait le site et que, à ma connaissance, aucune dégradation n’a été menée à l’encontre de notre ami dont on se souviendra toujours.”
“Plein de gens ont pris des photos avec le Playmobil, et les gendarmes sont venus le récupérer en début d’après-midi ce lundi. Ils n’arrivaient pas à le rentrer dans leur voiture, alors ils l’ont décapité ! Un fou rire général a alors explosé, c’était sympathique et tout s’est passé dans la bonne entente avec les gendarmes, un week-end inoubliable !”, s’est réjoui Tanguy Delcroix, un autre participant, dans les colonnes de Var-Matin.
Pedro, la mascotte, temporairement décapitée. (©Tanguy Delcroix)
“On s’est un peu fait taper sur les doigts”
Au téléphone, la gendarmerie de Cadenet déplore que cette histoire ait fait autant de bruit : “Nous ne voulons plus communiquer sur le sujet. Avec l’emballement qui a suivi sur le Web, ça n’a pas du tout plu à notre hiérarchie, et on s’est un peu fait taper sur les doigts. Nous tenons à préciser qu’à la base, il y a un vol.”
Malgré la relative gravité de la situation, l’aspect loufoque que revêt l’histoire transpire dans les propos de notre interlocutrice à la gendarmerie, qui conclut un sourire dans la voix : “Sachez juste qu’on a récupéré Pedro sain et sauf et que son propriétaire vient le chercher cet après-midi.”
La brigade de Cadenet prend la pose. (©DR)
Au vu de la publicité générée par ce week-end mouvementé, Joué Club ne peut que se féliciter de l’opération. C’est d’ailleurs dans un communiqué très enjoué que l’entreprise a annoncé le retour imminent de Pedro parmi les siens :
“Il y avait même un poids lourd de 19 tonnes, celui que tu vois sur l’autoroute”
Une teuf qui semble en tout cas s’être parfaitement déroulée, comme en témoigne Thibaud : “Il n’y a eu aucune overdose, aucune personne qui convulsait, tout était bien organisé. Le site était propre, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les raves.”
“Question diaporama, spot, son, il n’y a rien à redire, ça tapait énormément”, enchaîne-t-il. “Le bon délire, c’est qu’on était juste à côté de champs de lavande, donc ça sentait particulièrement bon. De nuit, tu voyais tous les éclairages des villages au loin, c’était magnifique. Et le mélange de la brume et des effets lumineux prévus par l’orga donnait des formes carrées dans le ciel, c’était gigantesque.”
“Les gens étaient plus heureux les uns que les autres, et il y avait un sentiment de partage comme d’habitude. J’ai croisé des gars super sympas qui faisaient du VTT, et en général, il y a eu un très bon contact avec les non-participants. J’ai entendu des gens venir d’Auxerre ! J’ai vu arriver des bus remplis, et même un poids lourd – un 19 tonnes, celui que tu vois sur l’autoroute. Il était là, garé en travers du chemin, alors que moi, rien qu’avec ma Golf, j’avais galéré à monter”.
“Vers la fin, les flics nous ont dit : ‘Bon, au final on va vous laisser partir, le maire vous laisse l’autorisation’”, se remémore Thibaud, qui confirme que la teuf s’est “parfaitement déroulée”. On devine un léger haussement d’épaules derrière sa conclusion : “Ils ont quand même pris notre plaque. J’espère qu’on n’aura pas d’amende, mais au pire, tant pis !”
Quelques photos de la teuf (©Thibaud) :